Réchauffer la pièce
D’une flamme orangée
La voir vaciller, prête à s’éteindre
Retenir son souffle
La voir reprendre le sien
Sentir sur son visage la douce chaleur
Fermer les yeux
Se laisser bercer
Par l’archet du violoncelle
Qui caresse les cordes et pousse sa gravité jusqu’aux tréfonds de l’âme
Pleurer
Sans feu ni flammes
En silence, sans filet et sans archet
Devant ce gouffre sans répit
Qu’est la vie.
© Leiloona, le 23 novembre 2014
Le poème de Ghislain :
Une nuit, un rêve, une étoile, une bougie,
Qui éclaire le cœur monotone d’ennui.
Devant la flamme dorée on s’égare et songe,
Au mal qu’on a fait, aux tromperies, aux mensonges.
Et puis on se souvient quand on était petit,
Dans la même position, cette même nuit.
On regarde les yeux clos l’enfant qu’on était,
Il a peur, il est triste, il est seul et le sait.
Il craint de ne pas avoir été assez sage,
D’avoir été cette année trop cruel pour son âge,
D’être puni, comme ses parents l’ont prévenu,
Par un homme barbu tout de rouge vêtu.
Demain c’est Noël et aujourd’hui il a peur,
Il tremble pour ses cadeaux et retient ses pleurs.
L’enfant, très jeune, innocent, se morfond le soir,
Et rallume une bougie en gage d’espoir.
Le texte de Ludovic :
Le vent a soufflé…
Ce soir, pour la première fois depuis qu’il vit dans la rue, Jean a froid. C’est le premier hiver ici, pour lui le néo-sans-abri…
Le vent est glacial et transperce ses vêtements râpés, il pique Jean au plus profond de lui même, chaque souffle est une piqûre, Jean a froid à l’intérieur…
Il fouille dans son sac, et trouve, enfouie, une bougie que lui avait donnée le prêtre, cet été, avant l’arrivée de l’hiver, l’invitant à croire, à prier! Jean avait pris la bougie, mais ne croyait plus en rien depuis un moment maintenant…
Il alluma la bougie, espérant qu’elle le réchauffe un peu, les mains au moins. La flamme jaune ondule au vent, Jean la protège comme il protègerait ses propres enfants. C’est, à cette heure de sa vie, ce qu’il a de plus précieux.
Il place ses mains autour de la flamme, et alors, sa mémoire le plonge ailleurs, loin de cette rue froide.
Il a 9 ans, il est assis dans la classe de Me Mangeain, et elle est en train de lire la petite fille aux allumettes… Cette pauvre fillette, pieds nus dans la neige, que les allumettes réchauffent. Il est touché par cette histoire, trouve cela tellement injuste du haut de ses 9 ans. Me Mangeain fait la lecture, et lui ne peut s’empêcher de fabriquer des images. Il se souvient, il a dessiné dans son cahier de lecture cette petite fille, la flamme jaune des allumettes, et les mets dont elle rêve… et sa grand mère aussi. Il avait choisi de dessiner une petite fille heureuse, qui sourit, et Me Mangeain avait trouvé que c’était une bonne idée…
Une nouvelle bourrasque éteint la bougie… Il la rallume, et immédiatement replonge dans ses souvenirs…
Mais, lui, il peut bien mourir cette nuit, personne n’en écrira une histoire. Au mieux, un filet perdu dans les pages faits divers d’un journal local… Mais personne pour dire que ses dernières pensées auront été pour Andersen, pour Me Mangeain, et pour cette petite fille, personne pour voir dans cette image de l’homme mort à coté de sa bougie consumée, un lien fort avec la petite fille aux allumettes.
Personne pour écrire ses dernières pensées, personne pour raconter que la flamme lui a montré le visage de sa mère, et lui a ouvert un chemin sans souffrance, sans tyrannie des hommes, une route vers un ailleurs où il ne fera plus jamais froid… Une dernier voyage…
Tant pis, Jean, n’a de toutes façons plus la force… Il ferme les yeux, et s’endort… le vent souffle… la bougie s’éteint.
Le texte de Lilas Jade :
Les jours sont courts en cette mi-décembre et Mamita, à l’aube de ses 80 ans, allume déjà sa première bougie : il est 17h. Elle ne s’éclaire plus très souvent à l’électricité : pour quoi faire ? Et puis, la cheminée éclaire aussi, avec ses flammes qui dansent gracieusement. Et puis, pour voir qui ? Elle vit toute seule maintenant, depuis que son mari est mort il y a 10 ans et que ses enfants et petits-enfants sont bien loin. Ca fait bien deux ans qu’elle n’a vu personne, Mamita.
En attendant l’heure de sa soupe et de son feuilleton quotidiens, elle s’installe lentement dans son fauteuil, à côté de la fenêtre. Oh, bien sûr, il n’y a plus grand monde dans le village, mais l’extérieur, c’est toujours mieux à regarder que les murs jaunis et délavés de sa maison vide. Seul le son de la pendule résonne dans cette bâtisse, bien trop grande.
Mamita laisse son esprit vagabonder en regardant les premiers flocons de neige danser dans les airs. Elle croit entendre les cris de joie de ses enfants, leur cavalcade dans les escaliers pour se ruer dehors, sans manteau, faire leur première bataille de boules de neige de l’année. Ah ! Il y avait de la vie dans la cour de la ferme ! Léon, son mari, prenait toujours son air bourru pour cacher sa joie, en leur criant : « Hé, les gamins, y’a les vaches à traire et les cages des lapins à curer au-lieu de faire les imbéciles ! » Les enfants se dépêchaient alors de finir leurs corvées pour pouvoir enfin aller faire de la luge sur les pentes des champs blanchis qui brillaient au soleil.
Mamita écrase une larme puis tourne le regard vers la bougie. Sans avoir à consulter la pendule, elle sait, à son usure, qu’il est encore tôt. Et, cette fois-ci, en fixant la petite flamme qui se dandine doucement, son esprit retourne encore une fois dans le passé. Elle pense que c’est bientôt Noël et, comme à son habitude pieuse, elle ira à la messe de minuit, déposer un énième cierge et déguster le traditionnel chocolat chaud accompagné de brioches, que le prêtre distribue chaque année à la fin de l’office.
Dans le temps, aller à la messe de minuit se faisait en famille, les gens s’y rendaient à pieds, éclairés par leurs lanternes ou leurs bougies, qui formaient un scintillant serpent tout le long de la route.
Aujourd’hui, le peu de gens qui s’y rendent y vont soit seuls, soit en voiture, indifférents et les visages fermés. Ce n’est plus la fête d’antan, la messe de minuit. D’ailleurs, il fallait attendre la fin de la messe pour réveillonner. Les enfants n’arrêtaient pas de picorer dans les plats préparés, ce qui faisait grogner Léon, papa rude mais tellement aimant.
Avec tendresse, elle se souvient des « 1er janvier ». Pas du réveillon qu’elle passe seule depuis déjà bien longtemps, mais du lendemain. Tous les enfants du village allaient de maison en maison, en disant gaiement : « Bonne année et bonne santé ! » ! Ils repartaient de chaque foyer avec un paquet de crottes en chocolat et des clémentines. Eux, les anciens, surtout les veuves en particulier ou encore les vieilles filles, attendaient ce jour avec impatience car, d’un seul coup, la vie venait leur souffler une énorme bouffée de bonheur et de joie. Les rires des gamins, impatients de rentrer déguster leurs friandises, résonnent encore aujourd’hui à ses oreilles. Il y avait dans les maisons une bonne odeur de sapin fraîchement coupé et de châtaignes grillées sur le feu de la cheminée.
A ce souvenir, Mamita se lève doucement, approche une clémentine de la bougie, la pressant entre ses doigts pour en faire jaillir de l’écorce quelques éclaboussures de zeste en direction de la flamme. Elle remet une bûche dans la cheminée, faisant s’évader un feu d’artifice de flammèches qu’elle fixe un instant.
En s’installant confortablement dans son canapé cette fois, et devant son feuilleton qui commence enfin, elle se laisse envahir par cette délicieuse odeur, en fermant doucement les yeux. Elle pense à demain, demain qui sera pareil qu’aujourd’hui. Les jours sont comme ses bougies dont elle aime tant la lueur : identiques et blanches avant qu’on les allume, petites, rabougries et s’éteignant toutes seules à la fin de leur vie…
Les liens vers vos textes :
Vu de mes lunettes : La place des choses
Saxaoul : GR 10
Pierforest : Départ précipité
Sabine : Ma chandelle est morte
Adrienne : Comme tradition
Fanny : Le cri
Passion Culture : Donne-moi un peu de ta lumière
Sarah : Une si petite flamme
Paikanne : Lumerote
Les tribulations d’une lectrice : Noces d’étain
Cléo : La vieille église
Angéla Morelli : Brasier
Tovaritch Piotr : Lueur d’espoir
Insatiable Charlotte : Ta petite flamme
Effectivement vos textes sont bien tristes mais également très beaux, bravo à toi et à Ludovic !
Merci Titine ! 😀
je dis un grand oui à ton violoncelle!
j’ai bien aimé aussi les peurs d’enfant de Ghislain 😉
et chez Ludovic oui, c’est très très triste…
Merci Adrienne … c’est un instrument que j’adore … depuis toute petite.
Merci
Lady Marianne, impossible de laisser un commentaire sur ton blog ce matin. J’aimé ton texte qui m’a plongée dans l’ambiance de la Jeune fille à la perle…
Oui, il y a des soucis avec le blog de Marianne … et elle ne peut pas laisser non plus de commentaire chez vous. :/
Et voici mon lien, en retard, désolée : http://www.milleetunefrasques.fr/2014/11/une-photo-quelques-mots-45/
Tu n’as pas à être désolée … et puis tu n’étais pas en retard. 🙂
Leil, c’est beau comme toujours. J’aime ta sensibilité!
Oh, merci la belle. ♥
Ghilsain, c’est touchant aussi. Je suis sensible à cette continuité des peurs…
merci 🙂
Très joli triste texte qui m’a rappelé « La petite marchande d’allumettes » version homme et moderne… Bravo !
Ludovic, j’ai pris une claque! Tes textes sont de plus en plus denses et de plus en plus forts!
Merci pour ce tres touchant compliment… Je rougis!
Vu de mes lunettes, ton lien ne me mène nulle part…
J’ai regardé dans la journée, en fait le texte ne devait pas encore être publié car ça mène maintenant vers le texte. 🙂
Ouh la la… il y a du lourd, ce matin.
Leil : il m’a semblé entendre le violoncelle… J’aime ta poésie.
Ghislain : belle idée que la tienne, cette crainte d’enfant. La forme choisie la sublime, on est en plein conte de Noël!
Ludovic : quelle force et quelle émotion… bravo!
merci beaucoup sarah 🙂 je pense qu’on a tous eu un jour, étant enfants, cette crainte d’être privés de cadeaux à Noël…
Merci ma belle … Oui du lourd avec cette bougie. :/
D’accord avec Sabariscon, Ludovic, un très beau texte, vraiment de plus en plus fort.
Leiloona, ton texte est touchant et tendre, triste aussi en écho avec le violoncelle.
Ghislain un texte plein de tendresse, une empreinte d’enfance et de Noël…
Vos textes sont très réussis, mais si tristes…
Merci. Venant de vous, c’est un fort compliment. Je suis touché! Merci.
C’est l’instrument de la tristesse, pour moi … Et de la sérénité bizarrement et paradoxalement.
Merci beaucoup. C’est vrai que mon texte est un peu triste j’essayerai de faire plus gai la prochaine fois 😉
….
Publie, publie pas…allez publie.
http://lemondedemirontaine.hautetfort.com/archive/2014/11/24/une-photo-quelques-mots-5496324.html#comments
Et je suis contente que tu aies publié ! Bisous !
En retard, en retard… http://insatiablecharlotte.wordpress.com/2014/11/24/une-photo-quelques-mots-ta-petite-flamme/
Belle semaine!
Meuh non pas en retard, ne t’inquiète pas ! 🙂
ohh et Stephie ! je tremble encore…
et voici ma participation …merci de ton atelier 🙂
http://lagazettedecitronbleu.eklablog.com/accueil-c18260698
Mais de rien.Lien ajouté hier soir.
@Leiloona : Quel joli poème, plein d’émotions et de sensibilité ! J’adore ta plume 🙂
@Ghislain : J’ai aimé cette façon de raccrocher les douleurs du présent avec les peurs, innocentes, de l’enfance. Bravo !
@Ludovic : Ou comment raconter une histoire triste avec autant d’émotion … j’aime beaucoup ce que tu écris !
Merci 🙂
Oh, touchée je suis. Merci. ♥
Torride Angéla…
Beaucoup de très belles productions cette semaine, vraiment!
Je vais les lire ce soir …
merci Leil, cette photo a été inspirante…
Mais de rien. Merci à vous d’avoir été présent.
J’ai ajouté vos liens, j’ai pas mal de travail avant de sortir ce soir (oui, je sais …), je lirailes textes demain ! 😀
bonsoir-
j’arrive tard- je poursuivrai mes lectures demain aprem –
désolée pour les coms difficiles à poster sur mon blog— sortir et revenir sur l’article- faire F5 plusieurs fois-
je suis émerveillée de voir pour une même photo tant de belles participations différentes-
bonne continuation à tous !!
amitiés-
Arghh je n’arrive pas à comprendre pourquoi ça ne fonctionne pas. 🙁
vraiment j’adore les lundi grâce à vous et à cet atelieer d’écriture ! merci merci merci
Oh, merci à vous. ♥
Ludo : elle est triste ton histoire. En ce moment, je trouve que l’on voit beaucoup de gens dans le métro. Le rappel du conte est vraiment bien trouvé. Quand on raconte cette histoire, tout le monde est ému mais après on passe en baissant la tête devant la misère.
Leiloona : c’est beau et triste à la fois. On part de la chaleur pour aller vers l’hiver.
Ghislain : j’ai bien aimé ce poème sensible.
Oui, c’est toujours facile de dénoncer… Mais moi le premier… Pas simple d’agir! Merci en tout cas!
Elle m’a vraiment émue.
merci 🙂
Merci, Cléo ! 🙂
Leiloona: Les images fonctionnent bien on entend l’archet, les notes graves du violoncelle, les larmes sur les joues… « Retenir son souffle, la voir reprendre le sien. » J’adore! Comme c’est bien formulé! Bravo!
Ghislain: tres original d’écrire un poème sur la peur d’avoir fâché le père noël! 🙂 Chouette idée!
Alors si les images fonctionnent, c’est que j’ai réussi mon but ! Merci Ludovic ! 😀
merci ludo 🙂 je voulais écrire des peurs d’enfants et j’ai pensé que la chose qui fait le plus peur à noël quand on est petit, c’est de ne pas avoir été sage et d’être puni par le père noël 😉
Merci pour vos gentils commentaires. Et bravo à vous pour vos participations variées et riches, pleines d’idées, de chutes, d’émotions. Ce RDV est veritablement une excellente initiative… Merci Leil’
Merci aussi à vous, c’est un moment que j’adore … un rituel dont je ne pourrais me passer ! 🙂
@Leiloona: J’adore le violoncelle. Juste d’imaginer une note, on sent son corps vibrer et la flamme, aussi, me semble-t-il oscillerait en suivant le rythme. Des paroles un peu triste nichées dans un texte magnifique.
@Ghislain: Ces peurs de l’enfance nous suivent souvent toute une vie, seul le visage change.
@Ludo: Tout en douceur, fluide, ce passage du présent au passé, cette métaphore entre sa vie de ce néo-sans-abri (j’adore l’expression) et la fragilité d’une flamme. Bravo!
Merci à toi. Oui, triste et encore j’ai modulé certaines phrases que j’ai effacées, car trop lourdes et sombres.
certaines peur enfantines sont assez tenaces 😉
Avec retard je viens de lire tous les textes… bravo Léiloona pour le choix de la photo qui a fait émerger de belles lignes dans des orientations diverses.
j’ai aimer ton poème et le(s) conte(s)
bonne journée
Merci Josette, oui des textes variés, souvent lourds de sens en effet.
Que de textes tristes ! C’est peut être la période qui veut cela. Il y a des fois où l’on n’a pas le choix, ce qui sort est noir et on ne peut pas faire autrement.
Oui, pas mal de textes lourds, effectivement … La période, oui, peut-être c’est vrai …
Leiloona, Ghislain et Ludovic, bravo à vous trois pour ces magnifiques textes remplis d’émotions 🙂
Merci à toi, je finis de répondre ici et je commence la tournée des blogs. 🙂
merci beaucoup ! 🙂
Je voulais juste vous présenter mes excuses pour une ENORME faute d’orthographe dans mon texte : « Le texte de Lila Jade » (j’avais oublié de le signer de mon nom !) : « …de picorer dans les plats préparer… », merci de lire « préparés » !!! Mille excuses !!!
@Ludovic : ton texte m’a fait penser à « La petite marchande d’allumettes » version homme et « moderne » : touchant et triste.
Leiloona et Ghislain, de jolis textes également !
Merci 🙂
Je vais arranger ça ! 🙂
Merci Leiloona ! (rougissement ! 😉 ). Et merci si tu peux corriger cette horrible faute !!! :/ Parfois, quand on se relit, on ne voit plus ses propres fautes ! :)))
Pas de souci, c’est corrigé déjà ! 😀
Merci pour la correction !!! :)))))
J’aime beaucoup vos textes, subtilement touchants…
Je ne sais pas si ça s’adresse à moi, mais merci !! 🙂
@Ghislain : Un poème touchant et sensible !
@ Lilas Jade : Un texte qui attise les sens, une jolie description qui fait appel aux sens. J’aime beaucoup.
@ Ludovic : Un texte terrible, puissant, oui je rejoins les autres.
Merci!!!
Bonjour! Je découvre votre blog par cet atelier d’écriture et je trouve ça totalement génial! Se lancer sur un thème en groupe! Les textes sont divers et de qualité. Les poèmes sont très beaux et les textes recherchés. J’ai envie de dire est-ce que je peux participer?
En tout cas c’est un blog qui sort des sentiers battus sans prise de tête tout en gardant un grand sens littéraire.
Je vous garde dans mes favoris.
Oh, quel joli commentaire ! J’en voudrais un par jour des comme ça ! 😀 Merci à vous ! Et oui, bien entendu, vous pouvez participer ! 😀
Avec plaisir! Je vais plancher sur l’image de la statue et je reviendrai vers vous très vite.
😀