Le froid me piquait la peau. Je m’arrêtai, les mains dans mes poches, et contemplai. La roue tournait au loin, sans discontinuer, symbole de ce temps qui passe, sans jamais s’arrêter. Carpe diem ! criaient les Anciens …
Je n’y pouvais y voir que la lente disparition mécanique de l’homme. Une vie sans se rendre compte de cette horloge qui égrène de son tic tac un me-tic, men-tac, to-tic, mo-tac, ri-tic. Seule la roue grinçait ce matin et quelques touristes s’entassaient dans cette roue de la Fortune des temps modernes.
Je plongeai les yeux sur ta silhouette. Toujours le même profil droit, aquilin presque, les yeux dans le vague aussi : à quoi penses-tu ? Les pans de ton manteau semblaient flotter dans les airs et allongeaient encore ta silhouette.
Je me rapprochai et te tendis mes mains gelées. Après un infime geste de recul et de surprise, un simple cillement qui aurait pu passer inaperçu, tu les pris dans les tiennes. Mais la chaleur n’y était pas. Regard fuyant, sourire éteint, mains au coeur gelé, ton amour s’en était allé.
Imperceptiblement, il était reparti en exil, comme ces minutes qui s’égrènent et disparaissent sans qu’on s’en aperçoive.
Crier à l’injustice, me débattre, griffer, mordre, mon ire était sourde de tes appels et n’avait pour écho qu’un mur de silence. L’heure n’était plus à l’amour, tu serais un négatif d’une photo couleurs, trou béant de mon album-photos.
Je lâchai tes mains molles et partis sans me retourner. A quoi bon dire la vanité ?
Dans mon dos, deux hommes me suivaient du regard : toi et la statue. Laquelle des deux était la plus aimante ?
© Leiloona, le 6 avril 2015
Mina Tindle avec « Pas les saisons » pour accompagner mon texte …
Le texte de Ludo :
Rendez vous
Je le croisais chaque jour depuis des semaines, toujours au même endroit, au pied de la statue. Il semblait attendre. Qui? Quoi? Je ne sais. Moi, pressée, sur le chemin du travail, j’avais d’abord remarqué son look. Un peu bohème, de longs cheveux noués en queue de cheval négligée, des lunettes de soleil et des vêtements colorés.
Le lendemain, il était encore là, au même endroit. Chaque jour, depuis deux semaines. Je crois qu’il m’a vu aussi, il m’a salué de la tête une fois, en réponse à mon sourire un peu trop appuyé, un peu trop entreprenant, un peu trop « appel du pied », un peu trop, tout simplement! J’en avais rougi, ce qui avait provoqué un nouveau sourire de sa part! J’avais alors accéléré le pas, colérant contre moi même d’avoir été si bête!
Un autre jour, tout à fait par hasard, parce qu’il était au téléphone, j’avais appris son prénom : David.
Alors aujourd’hui, j’ai pris une décision! J’ai pris ma journée de travail, je vais le rencontrer! Je vais l’attendre, j’ai tout prévu, ma tenue, jolie, soignée, sexy mais pas trop, un peu de lecture pour l’attendre et même ce que je lui dirai!
Il est 10h lorsque j’arrive au pied de la statue. Encore deux heures avant notre moment, celui où nos regards se croisent chaque jour. Il n’est pas là! Je m’installe sur le banc en face, dos à la grande roue, espérant celle du destin aujourd’hui. Je sors mon livre, j’ai choisi une histoire d’amour, compliquée, difficile et laborieuse mais qui s’accomplit avec tellement de bonheur à la fin; comme un symbole, un appel. Je lève le nez à chaque passant qui approche, je guette, j’épie! J’ai vu passer des mères de familles poussant des landaus et tirant les plus grands pour qu’ils avancent, des ados casques sur les oreilles, qui paradent comme des loups à la saison des amours! Puis un couple de retraités, marchant lentement se tenant par le bras, d’abord dans un sens, puis dans l’autre, plus tard! Mais pas de David!
Il est 14h, la grande roue se met en route, à cette heure là, nous nous sommes déjà croisés d’habitude, je l’ai vu de loin, j’ai ralenti mon allure pour avoir tout le loisir de l’observer sans qu’il ne me voie. Puis arrivée à sa hauteur, il m’a déjà rendu mon regard! Une fois passée, je sens ses yeux qui me suivent dans mon dos! Il a déjà regardé mes fessés, m’a désirée peut être!
Mais pas aujourd’hui, il n’est pas venu à notre rendez vous, virtuel certes, mais que j’avais tellement fantasmé, préparé, rêvé… que je n’avais pas envisagé cette possibilité : qu’il ne soit pas là !
Je décide de rentrer, j’ai froid et la pluie commence à tomber! Je sors un stylo de mon sac, écrit « pour David » sur la première page du roman que je n’aurai finalement pas lu, trop occupée à l’attendre, et je le dépose au pied de la statue, là où nous aurions dû nous rencontrer! Parfois les hasards sont capricieux et ne se laissent pas provoquer si facilement…
Les liens qui mènent vers les autres textes écrits à partir de la même photo :
Monesille : La grande roue
Albertine : Et si la roue pouvait tourner à l’envers ?
Cléo : La statue
Patacaisse : Paris, je t’aime !
Sabine : La roue de la Fortune
Nath Choco : Spleen
Victor : La plainte d’un poète
Sabine : Les Tuileries
Sarah : Changement de direction
Leiloona et Ludo, vos deux textes se font écho. Une histoire qui s’achève, une qui ne commence pas. Vous dites tous les deux les espoirs et les déceptions du sentiment amoureux. Deux très beaux textes emprunts de mélancolie.
Merci Titine, oui effectivement les deux textes se font écho, en racontant des histoires différentes … de là à se dire que l’amour est teinté de mélancolie, il n’y a qu’un pas. Du moins, la statue a-t-elle peut-être orienté notre démarche ?
Merci en tout cas.
@ Ludo : Oui, forcer le destin nous joue des tours parfois … un joli texte, d’une douce mélancolie.
bravo à tous pour votre inspiration, elle m’a fait défaut 😉
Cela arrive ! 😉 A la semaine prochaine. 🙂
pour moi aussi vos participations se complètent-
j’aime beaucoup, une photo qui nous a tous inspirée !
je vais rendre visite aux autres blogs- amitiés !
Oui, Ludo et moi étions, sans le savoir, sur la même longueur d’ondes, mais cela ne m’étonne guère ! 😀
Leiloona, j’aime ce memento mori en fond de ton histoire. Ici aussi la nostalgie, la mélancolie et une page qui se tourne. Ludo, ton texte me fait penser à Amélie Poulain !
Merci Nath ! 🙂 Oui, je crois bien, après voir lu les textes (vivement le lundi férié pour se plonger illico dans la lecture des textes) que cette image était emprunte malgré elle à une mélancolie certaine … Merci.
Bravo à vous 2, 2 beaux textes émouvants et emplis de tristesse fort bien écrits.
Merci pour ce jeu passionnant.
Bonne journée
DOmie
Dominique, je n’ai pas trouvé ton texte ! 🙁
Merci à toi ! 🙂
Ah la la, ma Leil, les amours déçues…
Ludo : David devait avoir mangé trop de chocolats de Pâques. Je suis certaine que demain, il trouvera le livre laissé à son intention 🙂
Eh oui, ma Stephie …
Leiloona, j’aime beaucoup cette idée d’histoire d’amour qui se termine. Tu l’as très bien relatée. Ludo, j’ai également beaucoup apprécier ton texte un petit peut mélancolique 🙂
Merci Victor ! 🙂 Un brin mélancolique, cette photo, vu nos textes ! 😉
voici mon lien
http://domandalas.eklablog.com/bricabook-une-photo-quelques-mots-170e-atelier-d-ecriture-a115228204
Merci
bonne journée
DOmie
Je l’ajoute ! 🙂
Merci à vous tous pour ces textes magnifiques !
Une même photo et tant d’histoires. J’aime ce partage de mots.
Oui, toujours une multitude d’histoires chaque semaine … ça commence à faire ! 😉
J’ai bien lu les et ma préférence va a la 2eme, quel suspense !!
Je remballe mon texte alors ! 😛
Bonjour tout le monde ! Voici le lien actualisé vers mon texte : http://albertine22.canalblog.com/archives/2015/04/06/31804595.html
Leiloona : Lettres classiques forever ! Ce memento mori est superbement « placé » dans ton texte qui est par ailleurs très réussi. J’aime beaucoup ton travail d’écriture sur les mains.
Ludo : Pour moi qui te suis depuis quelques semaines, c’est ton meilleur texte, il décrit si joliment les émois féminins. Bravo !
Le lien était déjà actualisé, ma chère ! 😀
Oui, lettres classiques, à jamais … je ne peux pas faire autrement, je baigne dedans. ♥
Merci Albertine! J’en rougis!
Merci pour vos gentils comm! Ça fait du bien de revenir, même si ce n’est pas parfait! Si ça vous plait, tant mieux!
Leiloona> tres joli texte sur la rupture, la fin, l’essoufflement, mais le tout dans le calme, la douceur. Ca rend le propos encore plus mélancolique je trouve! Bravo!
Merci ! ♥ Oui, j’avais envie de « doux », malgré tout … comme l’atmosphère assez feutrée de la photo finalement.
J>’aime beaucoup ton texte mais il est vraiment triste!
Voici ma participation: http://aufildesplumes.blogspot.fr/2015/04/une-photo-quelques-mots-8.html
Oui, c’est vrai que j’en ai écrit des plus joyeux, déjà … 😉 Lien ajouté ! J’irai lire demain.
Jolis textes !!
Merci ! 😀
j’ai failli oublier 😉
http://lagazettedecitronbleu.eklablog.com/accueil-c18260698
un peu de legereté 😉
Ajouté !
leiloona, j’ai trouve ton texte tres bien ecrit et je suis triste pour cette personne.
ludo, j’ai peste que l’inconnu ne soit pas au rv 😉
Oh, tu sais, l’amour … ça va, ça vient … c’était une chanson, non ? 😉
La jeune femme va de l’avant, elle s’en va, c’est mieux non ? 🙂
Leiloona et Ludo : deux beaux textes autour de cette statue dont je me suis largement désintéressée… en préférant la mélancolie et la détresse (que je retrouve chez vous aussi).
Oui, moi aussi, je ne l’ai que très peu utilisée dans le texte, même si elle sert pas mal « mon propos ». 🙂
très jolie approche du temps qui passe, inexorablement, Leil.
Merci ma belle Sabine. ♥
Ludo ton texte fort bien écrit me parle beaucoup. J’aurais vraiment pu être celle-ci!
Leil : j’aime beaucoup, c’est plein de douceur malgré le sujet.
Ludo : roooh, drôle de rendez-vous manqué! Je n’aurais pas pensé qu’il ne viendrait pas! Même si le premier « il n’est pas là » était prémonitoire…
Un peu tard, mais voici mon lien.
http://mespetitesrecres.blogspot.fr/2015/04/changement-de-direction.html
Merci Sarah ! ♥ Lien ajouté ! J’irai le lire demain. 😉
Deux textes qui font un parfait dyptique ! quand l’un vient il n’est pasvraiment là et l’autre ne vient pas mais il est tellement présent ! A croire que vous vous êtiez entendus ! De toute manière cette photo donnait un sentiment d’attente et de rendez-vous.
Oui, deux textes échos sans se concerter ! 😀 Sinon, oui, la statue symbolisait bien l’attente.
Leiloona, j’adore l’utilisation des phrases courtes, accompagnées d’une ponctuation parfaite, qui donnent indéniablement un rythme sec et froid au texte. Je trouve qu’il n’en ai que plus triste, et qu’il donne de la dimension à toutes ces émotions. Très réussi ! 🙂
Oh, lire un tel commentaire me fait chaud au coeur. Merci ! ♥
Texte très touchant Leiloona ! La mélancolie se retrouve dans de nombreux textes à ce que je vois. Peut-être est-ce les couleurs de la photo ? Ou bien la statut ?
Très joli texte de Ludo, j’aime beaucoup cette attente. Je pense que nous sommes nombreux à avoir espérer un rendez-vous avec une personne que nous croisons tous les jours 😉
OUi, c’est vrai que la mélancolie s’est pas mal lue sur les textes de la semaine dernière, la couleur, oui, je ne sais pas ! 🙂