J’étais essoufflé. Mon coeur ne tenait qu’à un bout de souffle et menaçait de sortir de sa cage. Ma course m’avait conduit là, près de cette porte ouverte : mon salut était-il derrière elle ?
Des pas. Des pas derrière moi. Les mêmes, toujours. De la sueur perla sur mon front. Le souffle court, je laissai échapper une plainte. Mais très vite contenue. De façon ridicule je pensai à ces films où le héros pleurait leur maman dans ces situations. Là, dans ce sombre couloir, moi aussi j’aurais aimé qu’elle me prenne par la main et me glisse à l’oreille que tout allait bien se passer, qu’il suffisait de passer cette porte.
Je n’avais de toute façon par d’autre choix. Aucune alternative que cette porte. Ces hommes, sinon, auraient ma peau. J’essayai de bouger. En vain. Rien. Je ne commandais plus mes jambes, apparemment. Allais-je m’effondrer là, comme le dernier des trouillards ?
Le contrat était clair pourtant : toute peur engendrerait ma fin.
Le pied gauche, doucement, en avant. Jambe flageolante, peur jusqu’au bout des ongles, mais elle bougea. Un petit pas, puis l’autre, je pouvais y arriver. Mais qu’allais-je découvrir de l’autre côté ?
L’entrepôt n’avait pas encore délivré tous ses secrets, il m’en manquait un encore. Les marques sur les carreaux faisaient-ils partie de la dernière énigme à résoudre ? J’atteignis enfin la porte, je touchai de la pointe du doigt son bois froid et lisse. Encore un pas, et je serai de l’autre côté. Un pas, enfin.
Soudain, une lumière aveuglante. Un projecteur ? Des voix derrière. J’étais perdu. Je me jetai à genoux, la tête baissée, les bras en l’air. J’étais fait, j’avais échoué.
Une main sur mon bras. Amicale, douce, elle m’enjoignait de redresser ma tête. Au-dessus, une jeune femme me souriait. Tout autour, des hommes, souriants eux aussi. Mon périple prenait fin. Emmanuelle m’avait promis un cadeau « frissons », mais je ne m’attendais pas à cette plongée dans l’horreur. Le tourisme à sensations de Tchernobyl ferait partie de mes plus incroyables expériences.
© Leiloona, le 31 mai 2015
Le texte d’Anariel : Prisonnier
Viens, prends ma main.
La porte est ouverte mais tu restes dans cette vie-là, tel un animal captif qui aurait finalement accepté son sort. Aliéné par ce que toi seul peut combattre.
Mais de quoi as-tu peur ? de la plénitude d’un cœur serein, des lendemains meilleurs ? de n’en être jamais assouvi ?
Quelle intarissable soif de vie dois-tu étancher, claustré dans ton antre aux vapeurs maléfiques et éthylées ?
Enchaîné par tant de blessures que tu voudrais regarder en face, prisonnier de la honte et de l’angoisse.
Toi l’ému aux larmes brûlantes, déplorant tes rêves, éperdu de douleur, ne reste pas là.
Viens, prends ma main
Tu me dis qu’il te soutient, qu’il t’emmène ailleurs, qu’il exalte ce que sobrement tu réprimes, mais l’alcool t’emprisonne et te ramène ici, toujours.
Ton âme si blessée que tu dois fuir, oublier, que tu te grises et que tu te noies. Allez, pose ce tortionnaire de verre et sortons remplir ce cœur vide, tellement avide.
Je voudrais t’insuffler force et désirs, diffuser en ton être une onde magique, une onde nouvelle et salutaire.
Je voudrais que tu sortes et reviennes à la vie, que quelque chose qui ressemble au bonheur t’effleure puis te transporte.
Mais je ne peux t’offrir que ma main.
Tu regardes la porte ouverte sur la lumière
Tu regardes la main que je te tends, et la lumière encore.
Le texte de Nady : Lumière vs Obscurité
Une porte en bois,
Qui s’ouvre très lentement sur l’obscurité,
Et la lumière naît.
Comme des journées éteintes,
Soudain colorées par un présent heureux ou enjoué,
Et la vie reprend son rythme effréné.
Le texte d’Adèle :
Le code secret de l’univers.
Tu marches dans les prés, c’est doux et humide sous tes pieds. Tu glisses sans effort, dans le premier matin du monde.
Le rouge des coquelicots fait comme des taches de sang frais sur ta peau lisse.
Voici une maison, blanche et haute. Tu franchis le seuil et tu cries d’étonnement. C’est beau, c’est froid et ça fait peur.
Tu avances, tu passes une porte et soudain tu sens des couleurs, tu vois des odeurs, ou le contraire, ça n’a pas d’importance.
Tu continues de marcher, une nouvelle porte s’ouvre devant toi, puis une autre et tu passes de pièce en pièce. Dans celle-ci un baiser, une caresse ; dans la suivante tu trébuches et tu tombes, ça fait mal. Tu te relèves et maintenant tu vois deux portes, et là c’est toi qui dois choisir et tu ne sais pas si c’est essentiel.
Parfois, derrière la porte, tu découvres un escalier raide et sombre, tu descends les marches à tâtons et à reculons, et tu trembles. En bas apparaît une table de banquet, couverte d’or et de fruits mûrs, que tu dévores avidement.
Mais déjà la pièce rétrécit, les murs t’enserrent, et tu dois pousser une autre porte, plus lourde, gravir un escalier plus haut, tourner à gauche, à droite.
Tu tentes de te repérer, tu crois avoir compris le plan, mais il n’en est rien et tu dois avancer plus vite, plus loin, tu es perdu, tu es fatigué et tu penses que tu n’auras jamais fini.
Un jour, devant toi, une porte comme une autre, c’est ce que tu crois.
Tu regardes par le trou rond dans le bois, à hauteur de tes yeux, mais comme tu ne vois rien qu’une douce lumière, et que la porte est entre-baillée, tu entres avec confiance.
A l’instant même, tu sais que c’est la dernière pièce et que tu ne reviendras jamais en arrière.
Tu comprends tout.
A travers le code secret de l’univers, la mort éclaire ta vie.
Les liens vers les autres textes écrits à partir de la même photographie :
Victor Belin : Moselle, Moselle, Ô toi Moselle
Albertine : Abhra, le Kaa du 16ème
Anne-Véronique Herter : Le Choix
Adrienne : Première porte
Antigone : Mon alter ego
Sabine : Enclose
Sarah : Retrouvailles
Les Crokeuses : L’esseulé
Nath Choco : Le droit chemin
tourisme à Tchernobyl, frissons d’horreur garantis 😉
et prisonnier de l’alcool chez Anariel…
je me demande si la photo nous aura inspiré du glauque à tous 😉
bonne semaine!
Ah ah, oui, pour le coup la photo n’inspirait guère la joie, c’est clair ! 😀
J’étais pourtant bien décidé à faire dans le léger et le joyeux mais cette photo en a décidé autrement …j’espère pour la prochaine fois !
Leiloona ta chute m’a bien fais rire
Merci ! 😉 C’était le but. 🙂
@Leiloona et Anariel : j’ai bien aimé l’idée de sortir de là et non d’y entrer !
@Nady : en quelques lignes, l’essentiel …
Ouh là oui moi c’est pareil, courage fuyons ! 😀
Oui sortir et garder l’espoir !
Merci Adèle. Ton texte décrit merveilleusement bien la vie ! topissime ! un régal cette lecture 😉
Voici mon lien un peu coquin : http://wp.me/p45xS2-Z3
Leil : Eh bien, quel texte flippant 😉 J’aime beaucoup !
Anariel : eh oui, la porte est chargée de symboles. Chouette texte !
Nady : Joli petit texte sur l’ombre et la lumière :
Ajouté ! 🙂
Oui, elle ne m’a inspirée que des frissons, mais pas les mêmes que les tiens, d’après ce que je comprends. 🙂
Merci ! mais j’aurais préféré une inspiration comme la tienne 😉
Merci Stephie.
Quelle sensualité dans ton texte ! Comme j’aimerais avoir cette même légèreté descriptive qui laisse l’imagination s’envoler que tu as dans ton texte ! Congrats ! 😉
Leil, super suspens et horrible cadeau!
Cadeau particulier, mais après tout, le gars l’est p’tre aussi ? 😀
sans doute….
Anariel, belle variation philosophique, j’aime beaucoup.
Merci beaucoup !
Bonjour ! Voici mon lien actualisé : http://albertine22.canalblog.com/archives/2015/06/01/32132969.html
Leiloona : Ton texte est peut-être une dystopie, notre société est bien capable d’inventer « le tourisme à sensations « . Excellente idée !
Anariel : Texte étonnant, qui pose des mots forts sur l’alcool et la dépendance, sur le mal-être surtout.
Nady :Quelques lignes sur les moments heureux qui permettent d’avancer, sur la nécessité de saisir la lumière quand elle se présente !
Ah non, pas une dystopie, le tourisme à sensations à Tchernobyl existe bel et bien … Oui, hein ! 😮
Oui j’avoue que le sujet n’est pas des plus gais…
Merci Albertine. Belle description de notre « intelligentsia » fortunée et avide de se montrer et d’être vue dans notre belle capitale ! Bonne idée le gourou méchant et sans scrupule 😉
Leil : il ne manque plus que la caméra genre télé réalité! J’aime beaucoup!
Anariel : il est très mélancolique, ton texte, mais on a espoir pour ce personnage, qui regarde enfin la lumière.
Nady : joli poème, court et efficace. Joli jeu sur les oppositions.
Ah ah, oui c’est un peu vrai, il y a de ça. On y viendra sans doute d’ailleurs … #TheGame
Contente de lire cela, c’est tout à fait ce que j’ai voulu transcrire, merci !
Leiloona tu as oublié de mettre mon lien. Le voici http://lescrokeuses.blogspot.fr/2015/05/ecriture-une-photo-quelques-mots-178.html?m=1
Il s’intitule l’esseulé
Oublié ? Non … tu l’as mis hier soir alors que j’avais déjà éteint l’ordi et le matin je suis en retard, donc je ne mets pas les liens à jour. Je ne le fais que lorsque je rentre chez moi, je n’ai pas accès à mon blog le lundi dans la journée. Je l’ajoute.
@camoccupe (je n’ai pas réussi à poster sur ton blog)
Texte qui m’a bouleversée.
Dès les premières lignes, je l’ai reconnu, Pierre s’appelle en vrai Thomas, et c’est mon neveu de 29 ans.
J’aimerais tellement que l’histoire se termine bien.
Impuissance …
Ton texte fait froid dans le dos Leiloona ! Heureusement, ce n’était qu’un jeu !
Oui, hein, heureusement que ce n’était qu’un jeu. 🙂 Merci ! 😉
ma programmation n’a semble-t-il par fonctionné. Voici mon texte http://www.unchocolatdansmonroman.fr/2015/06/le-droit-chemin.html
ce lieu m’a semblé fascinant par son histoire, visiblement voué au pillage
Ah zut, tu m’as mis ton lien ? Mais où ? Je ne le vois nulle part, et je n’ai rien dans mes indésirables … Bon je l’ai ajouté ! 🙂
que de textes différents, j’ai aimé le jeu de ton imagination leiloona et cela me rappelle en effet les parties de Flashball dans des lieux aussi atypiques que celui-là ( mais bon là Tchernobyl ça me fait flipper !). Nady et Anariel j’ai apprécié l’espoir de vos textes, moi aussi je la vois cette petite lumière !
Oui, c’est un peu ça, ou encore le film The Game qui se finissait ainsi, si mes souvenirs sont bons ! 🙂
Cette lumière a beaucoup inspiré !
Je ne m’attendais pas à ce dénouement mais en revanche l’ambiance de ton texte est vraiment angoissante.
Je suis contente alors ! Je ne suis guère dans ce registre normalement, donc si l’angoisse était là, j’ai atteint mon objectif ! 😉 Merci.
@ Anariel : ah ça les dépendances … Espérons qu’il prenne cette main et la lumière qui va avec. Joli texte, avec de belles expressions, malgré l’horreur du contenu.
Merci ! On lui souhaite effectivement!
Ton texte est très original, m’a tenu en haleine jusqu’à un soupir de soulagement, puis un rire !
@ Nady : Oui, reprendre ce rythme malgré tout, mais à jamais changée … Je t’embrasse.
@ Adèle : Olala … hum, je préfère me dire que je comprends ma vie … durant ma vie, justement ! 🙂
Voilà qui n’est qu’une illusion, je le crains 🙂
Anariel: Pauvre personne alcoolique
Nady: Magnifique poème
Et oui Victor ! et bien malheureux le sentiment d’impuissance de ceux qui veulent l’aider!
Leiloona : belle idée, même si ça fait froid dans le dos que puissent exister de tels jeux.
Anariel : un texte comme un rêve… alors qu’il s’agit de sortir d’une dépendance.
Nady : bien vu le recto/verso 😉
Adèle : fascination des portes… et c’est vrai que cette porte est fascinante !
Adèle : le chemin de la vie et ses étapes plus ou moins ardues, un texte riche en symboles sur notre inépuisable questionnement
Merci d’avoir si bien compris ! 🙂
petit signalement : le lien en face du nom d’Albertine mène chez Stephie 😉 tout ça c’est pour nous émoustiller ?
Arff zut, c’est réparé. Merci de l’avoir signalé. ♥
@anariel : ton texte est juste merveilleux !!! Quel étrange moment ces instants de vies où la lumière nous tend les bras mais le démon (là de l’alcool) est plus fort que tout ! bravo ! J’ai beaucoup aimé te lire.
Merci Nady, je suis très touchée. Un personne que j’aime beaucoup me l’a inspiré..