Elle claudique et monte les marches une à une ahanant et pestant tous ses ergots. Elle rechigne et manque de tomber. Il ne manquerait plus que sa nouvelle prothèse qui fait office de col du fémur parte aux oubliettes. Quatre mois de retraite, qu’elle nous a coûté !
Elle se rattrape à la rampe. Ma Josette. Je l’aurais retenue, elle et ses 50 kilos toute mouillée.
Elle est toujours la même qu’à ses 16 ans, le soir du bal des pompiers. 1951. Hier, ou presque pour moi. Des yeux de chatte, des jambes de 12 mètres de long, fines comme les pattes d’une gazelle, une chevelure blonde de lionne vénitienne. Tous les regards se retournaient sur elle et son derrière chaloupé chaloupant, mais c’est moi qu’elle choisit ce soir-là !
Aujourd’hui, je sais bien qu’elle n’est plus aussi vaillante. De l’eau a coulé sous notre pont des Arts, quelques coups de canif au compteur n’ont pas démenti notre attachement-cadenas. Elle a beau vieillir, elle reste ma Josette, 16 ans et des taches de rousseur sur le bout de son nez. Et quand son pied défaillant et criblé de cors-accordéons manque de déraper, je glisse mon bras droit protecteur sous son postérieur toujours chaloupé chaloupant.
© Leiloona, le 21 juin 2015
Le texte de Nady :
Vendredi 22 novembre 2013, matin
LUI :
Mon aimée,
Allons voir ce que nous offre cette journée,
Qui parait bien ensoleillée.
Une dernière journée rien que pour nous,
Sous le ciel de la ville de l’Amour,
Qui abrita le nôtre pendant de nombreuses années.
ELLE :
Mon adoré,
Qu’il pleuve, vente ou neige, tu es
Le soleil de mes journées.
La vie a toujours été un rêve éveillé à tes côtés.
As-tu bien pensé à tout payer ?
Il ne faudrait pas que les enfants aient cela en plus à supporter.
Samedi 23 novembre 2013, les grands titres des journaux disaient : « un couple d’octogénaires s’est suicidé au Lutétia hier »
Le texte d’Hermione :
TOUT LE MONDE A SA PROPRE HISTOIRE
Je sors du métro, et je suis bousculée par un vieil homme. Je regarde autour de moi. Je vois à quelques mètres une famille composée de trois enfants et un père.
Deux des enfants se disputent pendant que l’aîné prend des photos et que le père de famille téléphone.
Derrière moi, deux jeunes filles parlent de la tour Eiffel et de s’acheter un guide, et je soupire. Je suis obligée de venir à la capitale pour travailler. Je ne peux pas m’amuser comme les deux étudiantes derrières moi.
Pendant que je monte les escaliers qui emmènent à la sortie, et donc dans la ville, je vois le vieil homme qui m’a bousculé tout à l’heure qui laisse passer une vieille dame avec un joli nœud noir dans ses cheveux.
Tous les gens ont des histoires différentes. Le vieil homme pourrait très bien être un espion ou un marchand de glace, la vieille dame serait peut-être une riche qui gagne bien sa vie ou une vieille femme ayant vécue dans la rue.
Peut-être que quelqu’un me regarde en ce moment, et se demande si je suis une caissière à Carrefour ou un professeur de natation à la piscine la plus proche.
Le texte de Dominique :
Texte du matin, chagrin
Elle avait eu avec moi cette liberté de parole qu’on n’a qu’avec les inconnus, ceux qu’on sait ne jamais revoir.
Mais moi je ne savais pas, je n’avais pas compris.
Ou alors c’est de s’être trop confié, d’en avoir trop dit, qui a rendu l’avenir de notre foudroyante amitié impossible.
Il aurait fallu avoir de la pudeur, de la réserve, alors qu’on s’était mis à nu en quelques heures.
Peut-être aussi que ça n’était pas de l’amitié, juste un bouillonnement, un trop-plein de quotidien qui déborde.
Je l’écoutais, émerveillée, subjuguée.
M’avait-t-elle seulement entendue, quand moi je me racontais ?
Qu’ai-je dit ou pas dit, fait ou pas fait ?
Ne pas savoir, ne pas demander, pour ne pas risquer le coup fatal, le coup de grâce si laid, les mots qui diraient que cette rencontre, c’est moi qui l’ai rêvée, imaginée, fantasmée.
« C’était juste un café partagé, il ne s’est rien passé ».
Je l’avais remarquée dans un lieu que je hantais, un espace d’échange, une sorte d’exposition permanente de photographies et de textes. Quelques commentaires échangés, complicité naturelle, on s’était même fait la bise en partant.
Quelques semaines plus tard, elle m’est apparue par hasard à la sortie du métro, soleil éblouissant, sourire éclaboussant. J’avais rendez-vous avec mon amoureux dans une brasserie, là, à deux coins de rue. Elle a dit oui, m’a suivie, on s’est attablé tous les trois, riant.
On a tout partagé, le plat du jour et nos histoires, les profiteroles au chocolat et les saletés que fait la vie. Il est parti, on est resté.
Elle s’est livrée alors sans pudeur, allant trop loin, je crois, trop loin pour moi ou pour quelqu’un qu’on ne connait pas.
Qu’est-ce que j’ai dit ou pas ?
On a tant parlé, des heures sont passées. Où sont-elles, où est-elle allée?
Confiante je l’avais quittée, cœur énorme, saoule de joie. Je ne marchais pas, je volais, les yeux fermés pour ne rien perdre de notre rencontre.
J’ignorais l’absence à venir.
Chaque jour je l’attends, je patiente toujours, elle ne vient pas.
J’espère, j’avance vers elle et je referme les paupières pour mieux voir son visage qui s’efface.
Un chagrin d’une amitié pas encore née, est-ce que ça existe ?
Faut-il que je sois bête, n’est-ce pas ?
« Dis, quand reviendras-tu, quand cesseras-tu d’être un souvenir pour tous ceux qui t’ont connue autrefois ? » Yves Jamait.
NB Si vous me voyez fermer les yeux, c’est juste ce satané soleil qui m’éblouit.
Les liens des textes écrits à partir de la même photographie :
ohlala c’est « hot », Leiloona 🙂
je reviendrai pour les autres plus tard, le devoir m’appelle, comme on dit…
Hot ? Oh tu trouves ? 😮
Ton texte Leiloona… quelle beauté, quel amour ! Et puis la répétition du motif est très réussie, entraînante même.
Comme Adrienne je viendrai lire les autres plus tard !
Oh merci Sabrina, je suis touchée par ton commentaire ! 🙂
Coucou, voici mon lien, je repasse commenter ensuite : http://wp.me/p45xS2-119
Ajouté ! 🙂
Coucou aussi, comme Stephie, le lien et je reviens…http://albertine22.canalblog.com/archives/2015/06/22/32075017.html
Ajouté ! 🙂
Bonjour, mon texte est ici
http://randonnezvousdansceblog.blogspot.fr/2015/06/atelier-decriture-181e-une-photo.html
Bravo pour ton texte, on sent plein de tendresse pour Josette
Bonne journée
Ajouté ! 🙂
Bonjour, voici mon texte
http://randonnezvousdansceblog.blogspot.fr/2015/06/atelier-decriture-181e-une-photo.html
Bravo pour ton récit, on sent tout plein de tendresse pour Josette
Bonne journée
Merci, oui, je les aime bien ces petits vieux, même sans les connaître.
Leil : hi hi, j’adore ton texte. Ses jeux de mots et sa tendresse !
Nady : la fin m’a flanqué un coup 😉 Mais chute bien amenée !
Hermione : j’aime beaucoup m’imaginer les vies des gens que je croise moi aussi 😉
Dominique : très joli texte, bravo !
Merci ma belle ! ♥
Leiloona : J’aime beaucoup l’association grand âge et sensualité. Vive les postérieurs chaloupés des femmes mûres !
Nady : Un dernier départ mais ensemble… Leur motivation reste mystérieuse.
Hermione :C’est vrai que le métro est propice au jeu de qui fait quoi.
Hi hi ! 😀 Oui, après tout, je ne les voyais que de dos, d’où cette inspiration. 😉
un couple encore amoureux comme au premier jour même avec quelques incartades-
jamais je n’aurais pensé parler d’amour en voyant ces deux têtes de « vieux »
mais l’amour se moque des artères-
bravo ! bonne semaine- cordialement-
Ah ben heureusement qu’il ne fait pas attention aux artères … et puis je les ai trouvés beaux ces petits vieux, j’avais envie de les rendre polissons. 🙂
Il est si joli et si tendre ton texte Leiloona ! Leur amour me fait rêver…
Oh merci, c’est gentil. Oui, moi aussi, mais on se doute bien que ça n’a pas été rose tout le temps … 🙂
Ohhh Leiloona, ton texte est super tendre pour ce couple de petits vieux ! La touche coquine est super bien amenée, fallait y penser, bravo ! 😉
Je repasse plus tard pour la suite des lectures.
Merci, c’est gentil, Nady. Plus je vieillis, plus je m’aperçois que nous restons les mêmes intérieurement, donc je me dis que ça doit être pareil pour le côté polisson ! 🙂
Bouuuuh tu m’as oubliée dans les textes
Je reviens lire tout ça très vite
Le mien est en ligne : http://vudemeslunettes.fr/2015/06/22/un-week-end-a-paris-atelier-decriture-23/
Ah zut, je l’ajoute illico.
En fait, tu y étais, mais sous un autre pseudo … ralala, les ravages de l’alcool … 😛
Leil : j’adore. Le rythme, les reprises, comme les aléas de la vie qui ne les a pas séparés!
Nady : joli poème, malgré la fin. J’aime bien l’alternance des points de vue.
Hermione : en effet, belles interrogations que celles sur la vie des gens que l’on croise.
Dominique : tu créés en quelques lignes un bel univers, plein de mystère. Bravo.
Merci Sarah.
Ton texte est lui très percutant et reflète hélas la dure réalité de notre vie parisienne… belle plume, bravo 😉
Merci jolie Sarah ! 😀 C’est ce que je voulais faire, et comme vous le mettez en avant, je suis contente !
#YouMadeMyDay ! 🙂
Une petite préférence pour ton texte et celui d’Hermione. Mais je suis jalouse de vos talents en général !! 🙂
Merci Elora de ton passage. 🙂 Hermione va être contente ! 😉
Merci beaucoup Elora!
@Dominique : ton texte est troublant et très fort ! j’ai beaucoup aimé te lire.
Quelle surprise ! J’ai mon nom qui apparaît avec un lien ! Mais la personne qui se cache derrière le lien, ça n’est pas moi 🙂
J’essaye de t’écrire un petit texte rapidement car j’adore la photo !
Ah oui ? Pff je change tout ça …
@ Nady : C’est une problématique qui m’interpelle aussi, et en même temps je n’arrive à ne pas la trouver sublime …
@ Hermione : Ah oui, qui suis-je ? Mon paraître est-il mon être ? Et qui suis-je vraiment ? 🙂
@ Dominique: Je suis persuadée que certaines amitiés fortes sont plus intenses que certaines histoires d’amour fadasses. Je ne peux que comprendre le narrateur …
Bonsoir Leiloona, voici mon lien tardif !
https://monesille.wordpress.com/2015/06/22/lexpo/
Bonne lecture et bonne soirée
Je l’ajoute ! 🙂
Leiloona: Quelle belle histoire d’amour entre ces deux personnes âgés.
Nady: Très beau poème. La fin m’a laissé sans voix
Hermione: Chacun d’entres nous avons une histoire différente. Beau texte
Dominique: Un texte mystérieux et très beau
Merci, oui, mon petit coeur mou y croit encore ! 🙂
@Leiloona : je rêverais d’un avenir semblable, mon mari et moi nous sommes connus à 20 ans … (peut-être la PTH en moins pour moi, si possible ? 🙂 )
@Nady : j’ai cru que l’idée était la même, j’étais toute contente de partir travailler sur une note d’optimisme. Las ! La petite ligne en-dessous m’a collé des frissons pour la journée ! Vilaine ! 🙂
@Hermione : c’est vrai que dans le métro, y a de quoi s’amuser pour qui est curieux des autres. Mais pas besoin de juger, tu as raison !
Merci pour les commentaires à Dominique, mon pseudo pour écrire, c’est Adèle ! 🙂 🙂
Je suis allée voir ce qu’était une PTH ! Je dormirai moins bête ce soir ! 😀
Oui, la hanche, peu y échappent tout de même …
A 20 ans ? C’est beau ! ♥
Hihihi tu me fais rire Adèle mais il faut retenir surtout les beaux sentiments amoureux si fors, jusqu’à la mort comme Stefan zweig et Lotte d’ailleurs 😉
hi laquelle de dominique ? moi c’est dominique mais mon pseudo pour écrire c’est monesille, va comprendre Charles, va comprendre !-))
Mais c’est qui Charles !!! 🙂
Lol celui qui attend sans doute ?-)
mmmm j’ai mélangé les commentaires !
@Leiloona vrai que l’amour ne vieillit pas, ton texte est plein d’une énergie très parisienne, l’a la main leste le papy et le verbe aussi 🙂
@Nady c’est beau de ne jamais vouloir se quitter sans laisser d’embrouille derrière soi.
@Hermione, comme pour les photos chacun voit…ce qu’il veut bien voir, un reflet de soi ?
@Adèle /Dominique, oui je crois qu’on peut même manquer de quelqu’un que l’on a jamais vu, c’est comme les vides à l’intérieur des lego, ça remplit l’espace, ça pèse moins lourd mais c’est difficile à nettoyer.
Bises à tous.
@Leiloona : Oooh c’est un joli texte sur l’amour, véritable, qui dure 🙂
@Nady : C’est joli mais triste à la fois … Partir en même temps, continuer de prendre soin et de penser aux autres.
@Hermione : Haaaan, ça me rappelle la vie parisienne, quand il m’arrivait d’imaginer la vie des gens dans le métro (quand j’avais oublié mon bouquin ^^). Mais c’est vrai, à chacun sa vie, à chacun ses envies … à chacun sa perception de l’autre.
@Dominique : Un texte assez mystérieux mais j’aime beaucoup cette réflexion sur l’amitié 🙂
Merci à toi ! Oui, un amour qui dure, mais qui a aussi vécu de belles tempêtes malgré tout.
Et bien tout arrive ! je peux enfin arriver à trouver le temps pour vous lire…
@Leiloona : ton texte est tendre, doux, c’est un regard objectif et tendre sur l’amour. une belle leçon de tolérance aussi pour que l’amour dure toujours. J’aime beaucoup 🙂
@Nady : la chute est terrible mais respectable… parce qu’il n’y a rien de plus romantique de l’amour jusqu’à la mort… très bien écrit… merci !
@Hermione : comme tu as raison ! on ne connait rien des gens que l’on croise, mais comme c’est amusant de se raconter leurs histoires… Et nous ? quels costumes avons nous porté dans le regard des autres ? j’aime beaucoup ton point de vue pour cette photo.
@Dominique. Ton texte c’est de la poésie. L’amour/amitié, qui peut être aussi forte que l’amour! l’illusion d’une amitié naissante, une connivence qui se crée on ne sait plus pourquoi ni comment, mais qui manque quand elle disparaît aussi vite qu’elle est arrivée…
@Anne-Véronique : merci d’avoir si bien compris 🙂
Merci à ceux qui mettent des commentaires, parce que, n’est-ce pas ? , on écrit aussi pour être lu.
Et merci à Leiloona d’héberger mes textes, car je n’ai pas de blog.
adèle/dominique
Merci Anne-Véronique : un texte tendre, oui, mais qui n’oublie pas non plus les coups durs … :/
Leiloona, ton texte est magnifique…
Oh, merci. ♥♥♥