Chaque dernier dimanche de mai, Jean se balade, les mains dans les poches. Il connaît tous les chemins de la forêt. Il attend l’émerveillement, l’illumination, qui lui dira :
« C’est celle-là ! »
Cet instant arrive toujours. Le temps importe peu, il a toute la journée devant lui. Alors, une fois son trésor trouvé, il sort son couteau et se penche doucement. D’un geste circulaire, il contourne les racines et en extraie la fleur. A hauteur d’yeux, il l’agite délicatement. Quelques morceaux de terre finissent en pluie sur ses chaussures. Puis, il glisse son bouquet de fleur unique dans une chemise de papier journal. Il caresse et étale chaque pétale, tandis qu’un sillon soucieux barre son front. L’étape est délicate. Enfin, il peut enfermer puis sangler fermement sa merveille, entre deux planches de bois. C’est l’heure de rentrer.
Chez lui, il ôte son herbier de la bibliothèque. Il l’ouvre à la 47è page. C’est là qu’il placera la fleur avec toute l’habileté d’un orpailleur. Sous chacune d’elles, un numéro et un nom. L’écriture est aussi ronde et déliée qu’à la première page. Jean a maintenant 54 ans, mais ce rituel ne l’a jamais quitté.
Lorsqu’il est mort, personne n’a pleuré ce vieux garçon. La mairie a vidé sa maison, et a jeté sans égard cet herbier. Pourtant, il y avait là autant de fleurs que de fêtes des mères à jamais manquées.
Nous étions en 1971 et Mlle Prettymore était mon institutrice au cours primaire.
Le soir, mon père ne venait me chercher qu’à 18 heures. Je restais ainsi une bonne heure chez Mlle Prettymore qui habitait la maison accolée à l’école.
Elle dénouait sa longue chevelure rousse et déposait sa blouse verte. Cela me fascinait.
Puis, elle sortait son herbier rempli d’herbes qu’elle collectionnait, cultivait et cuisinait. Elle nous servait un cake délicieux, tellement bon qu’il la faisait beaucoup rire et qui me mettait carrément dans un état second. Puis mon papa arrivait. Mlle Prettymore et lui allaient dans une autre chambre pour parler de mon travail. Je ne devais surtout pas les déranger. Mais j’étais tellement bien sur mon canapé que des fois même je m’endormais.
Sur le chemin du retour, mon père me mettait la main dans les cheveux et me disait que j’avais bien de la chance d’avoir une institutrice aussi bonne.
Je répondais qu’elle avait aussi de belles herbes. « Oui, son gazon est bien entretenu » disait-il en souriant.
Pourtant, à la maison, quand maman lui demandait de tondre, ça ne le faisait pas sourire.
Très beaux textes. J’avoue ne pas avoir compris mais le mexicain (mais a-t-on toujours besoin de comprendre pour aimer ? )
Merci Kevin pour le fou rire 🙂
@Alexandra : Jean a passé sa vie à assouvir sa passion. On ressent son bonheur tout au long de ton texte et on est même heureux de ce bonheur. Mais les dernières phrases nous obligent à réfléchir : La solitude est un bien lourd tribut à payer pour vivre sa passion !
Ah oui, c’est ainsi que je l’ai imaginé : heureux de pouvoir rendre hommage à sa façon. Quant à sa solitude … pourquoi la voir de façon négative ? Il n’a pas l’air d’en souffrir de son vivant. 😉
Là nous avons un épisode de sa vie. Pas sa vie entière ..
D’où cette focalisation sur un jour dans l’année. Il lui en reste 364 autres pour être dans la vie autrement que tourné vers sa mère.
Mais pour ça il faudrait en faire un roman. Ce n’est pas le but de l’atelier.
(heureusement qu’il a d’autres plaisirs. Pauvre homme sinon’)
@Le mexicain jaune : Nul besoin de la dernière phrase : l’amour est tellement présent dans les lignes précédentes ! 😉 Encore une belle déclaration d’amour à K !
@sam : une instit bien loin des consignes données aux hussardes de la république au début du XXe siècle. Vive mai 68 (même si la tonte du gazon est postérieure à cette époque 😉 )
Sam
sur 28 mai 2018 à 16h55
Merci Iza. (Je ne savais pas pour la tonte du gazon. Quelle époque ?)
Valérie
sur 28 mai 2018 à 12h34
@Alex : on s’interroge sur le pourquoi il n’a pu partager avec sa mére sa passion…
Ah zut, je pensais avoir laissé assez d’indices.
Alors il a 54 ans, et remplit son herbier de fleur qu’il cueille pour la fête des mères (le dernier dimanche de mai) depuis 47 ans (puisqu’il est à la 47è page. Une fleur par an.)
Sa façon de fêter la fête des mères, pour la sienne qui ne peut pas partager sa passion, puisqu’elle est absente … à toi de deviner pourquoi on s’absente de la vie de son enfant vers ses 7 ans … )
Valérie
sur 28 mai 2018 à 23h11
J’avais bien compris mais plusieurs possibilités : elle peut certes être morte ou elle l’a abandonnę ou peut etre ne l’aimait il pas et a t il tenu secret ce carnet …
Tout est libre, a proposé Alex. On a de tout: de la nostalgie, du poème, du dialogue et un joli texte dédié tout en douceur aux mamans justement fêtées hier.
Merci pour ces 4 textes de bonne facture ma foi…
Ah ah oui, Amor … la seule contrainte est la photographie. Plus on laisse de la liberté, plus l’art s’exprime … Et ces textes en sont un bel exemple. 4 textes, 4 regards. 🙂
@Alexandra: Histoire touchante. Perdre sa maman si jeune laisse toujours des traces. J’aime l’enchaînement, j’aime comment tu conduis l’histoire. D’abord, par une approche plus descriptive du geste, puis en nous faisant entrer dans la vie de Jean qui suit un même rituel depuis 47 ans et finalement dans ses émotions, lorsqu’on comprends la raison de tout cela.
@Mexicain Jaune: Au fond, si je comprends bien, tout reste accessoire pour exprimer ton amour de K.
Merci Pierforest : Merci ! Oui, un entrée en douceur jusqu’à la chute. On n’entre pas facilement dans l’intimité des gens. 😉 Et puis, je voulais vraiment montrer la résilience, cette joie à travers un acte simple (mais hautement symbolique.)
@Alexandra, une bien jolie histoire teintée de mélancolie. Touchante.
@Mexicain Jaune, rien n’est de trop pour K.
@Sam, le second degré est extra!
@Kevin, merci pour le fou rire du début de semaine. Il fallait y penser!
oui ! d’un autre côté j’ai 8 tortues chez moi, alors…
Valérie
sur 28 mai 2018 à 14h47
L’atelier, en dehors des blogs que je n’ai pas encore visités, est assez masculin cet semaine.
@Le mexicain : belle déclaration d’amour à K qui tourne cependant à l’obsession…mais s’il le vit bien!
@Sam: il semble que les plantes de cet institaient des effets bien particuliers. Si ellefait du bien à tout le monde, elle aurait tord de s’en priver.
@Kevin : un groupe d’ados aurait trés bien pu avoir la même interrogation ou bien dans une version plus contemporaine « Ca se fume? »
Sam
sur 28 mai 2018 à 16h59
et en plus 100% authentique…
Kevin
sur 28 mai 2018 à 22h05
Oh. Une tortue qui se fume ? je ne comprends pas. 🙁
Valérie
sur 29 mai 2018 à 23h09
Pour le coup c’est moi qui ne comprend pas. Dans ton texte les tortues sont les eleves qui demandent si les feuilles se mangent. Je disais donc que jimaginais la meme scene avec des ados demandant si les feuillent se fument…
Alexandra K : Il est minutieux, précis, ordonné, (comme l’écriture de ce récit), cet homme en quête d’amour maternel. Un rituel s’est installé au fil des ans, comme un don, une prière secrète, un cadeau, un espoir « dis, quand reviendras-tu ? »
Le mexicain jaune : Une déclaration d’amour où l’on se dit je t’aime, sincèrement.
Sam : Souvenirs d’enfance bien présents et avec le temps tout s’éclaircit.
Kévin ; Ah ! Ah ! Ah ! excellent ! et j’ai l’impression que tout cela est tiré d’une histoire vraie.
Vénusia
sur 30 mai 2018 à 12h52
@Alexandra: joli texte court tout en étant touchant et triste. J’aime beaucoup.
Très beaux textes. J’avoue ne pas avoir compris mais le mexicain (mais a-t-on toujours besoin de comprendre pour aimer ? )
Merci Kevin pour le fou rire 🙂
@Alexandra : Jean a passé sa vie à assouvir sa passion. On ressent son bonheur tout au long de ton texte et on est même heureux de ce bonheur. Mais les dernières phrases nous obligent à réfléchir : La solitude est un bien lourd tribut à payer pour vivre sa passion !
Ah oui, c’est ainsi que je l’ai imaginé : heureux de pouvoir rendre hommage à sa façon. Quant à sa solitude … pourquoi la voir de façon négative ? Il n’a pas l’air d’en souffrir de son vivant. 😉
Il n’a pas l’air d’en souffrir, c’est vrai… Mais la vie ne laisse-t-elle la place que pour un seul plaisir ? 😉
Là nous avons un épisode de sa vie. Pas sa vie entière ..
D’où cette focalisation sur un jour dans l’année. Il lui en reste 364 autres pour être dans la vie autrement que tourné vers sa mère.
Mais pour ça il faudrait en faire un roman. Ce n’est pas le but de l’atelier.
(heureusement qu’il a d’autres plaisirs. Pauvre homme sinon’)
@Le mexicain jaune : Nul besoin de la dernière phrase : l’amour est tellement présent dans les lignes précédentes ! 😉 Encore une belle déclaration d’amour à K !
@Sam : Un texte court et efficace pour nous parler d’une manière pudique de deux passions ! J’aime beaucoup !
Merci Josplume !
@Kevin : Une bonne idée que tu as su parfaitement bien développer, avec peu de mot et un humour efficace ! Un bon moment de lecture.
oh c’est gentil Josplume. J’ai eu l’idée en regardant mes tortues saccager mes salades :-/
@ le mexicain : je reste AC bouche B devant ce texte très X sur le Q de K. Je suis MU…
ha ha, pas mal! 🙂
@sam : une instit bien loin des consignes données aux hussardes de la république au début du XXe siècle. Vive mai 68 (même si la tonte du gazon est postérieure à cette époque 😉 )
Merci Iza. (Je ne savais pas pour la tonte du gazon. Quelle époque ?)
@Alex : on s’interroge sur le pourquoi il n’a pu partager avec sa mére sa passion…
Ah zut, je pensais avoir laissé assez d’indices.
Alors il a 54 ans, et remplit son herbier de fleur qu’il cueille pour la fête des mères (le dernier dimanche de mai) depuis 47 ans (puisqu’il est à la 47è page. Une fleur par an.)
Sa façon de fêter la fête des mères, pour la sienne qui ne peut pas partager sa passion, puisqu’elle est absente … à toi de deviner pourquoi on s’absente de la vie de son enfant vers ses 7 ans … )
J’avais bien compris mais plusieurs possibilités : elle peut certes être morte ou elle l’a abandonnę ou peut etre ne l’aimait il pas et a t il tenu secret ce carnet …
Je laisse au lecteur la liberté d’imaginer ..
Tout est libre, a proposé Alex. On a de tout: de la nostalgie, du poème, du dialogue et un joli texte dédié tout en douceur aux mamans justement fêtées hier.
Merci pour ces 4 textes de bonne facture ma foi…
Ah ah oui, Amor … la seule contrainte est la photographie. Plus on laisse de la liberté, plus l’art s’exprime … Et ces textes en sont un bel exemple. 4 textes, 4 regards. 🙂
@Alexandra: Histoire touchante. Perdre sa maman si jeune laisse toujours des traces. J’aime l’enchaînement, j’aime comment tu conduis l’histoire. D’abord, par une approche plus descriptive du geste, puis en nous faisant entrer dans la vie de Jean qui suit un même rituel depuis 47 ans et finalement dans ses émotions, lorsqu’on comprends la raison de tout cela.
@Mexicain Jaune: Au fond, si je comprends bien, tout reste accessoire pour exprimer ton amour de K.
@Sam: Très amusant, avec ce second degré.
@Kevin: Chacun ses priorités. 🙂
Merci !
Merci Pierforest : Merci ! Oui, un entrée en douceur jusqu’à la chute. On n’entre pas facilement dans l’intimité des gens. 😉 Et puis, je voulais vraiment montrer la résilience, cette joie à travers un acte simple (mais hautement symbolique.)
de même que si.
@Alexandra, une bien jolie histoire teintée de mélancolie. Touchante.
@Mexicain Jaune, rien n’est de trop pour K.
@Sam, le second degré est extra!
@Kevin, merci pour le fou rire du début de semaine. Il fallait y penser!
Merci !: 😉
Merci Marie ! 🙂
oui ! d’un autre côté j’ai 8 tortues chez moi, alors…
L’atelier, en dehors des blogs que je n’ai pas encore visités, est assez masculin cet semaine.
@Le mexicain : belle déclaration d’amour à K qui tourne cependant à l’obsession…mais s’il le vit bien!
@Sam: il semble que les plantes de cet institaient des effets bien particuliers. Si ellefait du bien à tout le monde, elle aurait tord de s’en priver.
@Kevin : un groupe d’ados aurait trés bien pu avoir la même interrogation ou bien dans une version plus contemporaine « Ca se fume? »
et en plus 100% authentique…
Oh. Une tortue qui se fume ? je ne comprends pas. 🙁
Pour le coup c’est moi qui ne comprend pas. Dans ton texte les tortues sont les eleves qui demandent si les feuilles se mangent. Je disais donc que jimaginais la meme scene avec des ados demandant si les feuillent se fument…
@ LMJ : Quel plaisir de te relire en ces lieux, cher LMJ.
Tu connais la symbolique de la lettre K ? J’adore son histoire …
Sinon je te répondrais,
« M, comme merveille. »
@ Sam : On mésestime souvent le rôle des maîtresses chez les garçons … chez les papas aussi ! 😀
J’aime bien la lecture à double sens. Et un rien nous transpose dans les 70’s … J’ai directement en tête cette fameuse maîtresse.
Tu crois que le père avait lui aussi besoin de leçon de grammaire ?
@ Kevin : Tu sais quoi ? C’est la première fois que j’écrirai à un Kevin : « C’est excellent, j’en redemande. »
Han … Alex, vilaine que tu es …
ah bon, mais pourquoi ?
bah, pourquoi ?
Alexandra K : Il est minutieux, précis, ordonné, (comme l’écriture de ce récit), cet homme en quête d’amour maternel. Un rituel s’est installé au fil des ans, comme un don, une prière secrète, un cadeau, un espoir « dis, quand reviendras-tu ? »
Le mexicain jaune : Une déclaration d’amour où l’on se dit je t’aime, sincèrement.
Sam : Souvenirs d’enfance bien présents et avec le temps tout s’éclaircit.
Kévin ; Ah ! Ah ! Ah ! excellent ! et j’ai l’impression que tout cela est tiré d’une histoire vraie.
@Alexandra: joli texte court tout en étant touchant et triste. J’aime beaucoup.
Merci Vénusia ! 🙂
Voilà, un rituel rassurant pour combler une absence qui ne l’est pas. 🙂