Après un petit rodage dimanche, hier fut parfait ! J’ai bien ri ! Le principe de l’atelier reste le même qu’hier :
Je vous écris le début du texte et chacun, à tour de rôle, le poursuit dans les commentaires. Ainsi, vous écrirez la suite du commentaire précédent. Le but n’est pas d’écrire chacun un long texte, mais bien quelques lignes, un paragraphe tout au plus, puis de donner la main au prochain participant. Vous pouvez participer autant de fois que vous le souhaitez.
Pour garder l’esprit de cet atelier « une photo, quelques mots », j’ajoute une photo. A la fin de la journée, nous aurons écrit un seul et même texte, inspiré de la photo et qui commencera par ces mots :
Au dehors, la pluie avait cessé. Un ciel mêlé d’eau et de soleil déversait sur la place une lumière plus jeune.
(Je vous laisse poursuivre cette histoire qu’Albert Camus a bien voulu commencer pour nous.)
Lu-Fan avait décidé de prendre le thé sur le pas de sa porte pour profiter de cette matinée, du chant des oiseaux et des passants qui, en ce jour de marché commençaient à affluer sur la place. Elle aimait à les observer en se délectant du breuvage brulant et parfumé.
Lu-Fan portait sa robe de chambre fétiche, grise, moelleuse et un peu moche. Debout sur le pas de sa porte, elle vit son voisin sortir de chez lui. Ah son voisin, si beau et si mystérieux.
Comme chaque mardi le marché apportait au village ce supplément d’âme que Lu-Fan appréciait tant.
Les cancans et les ragots en faisaient bien sûr partie, vous vous en doutez bien.
Un arc-en-ciel commençait à se former… comme un signe d’espoir.
Elle se demanda alors si ce qu on racontait sur son mystérieux voisin était vrai. Est ce qu il venait d Amérique ? Certains disaient du Canada ? D autres pensaient plutôt qu il était français ? En tout cas ce qui était sûr c est qu il avait un accent.
Il était grand, si grand et il ne portait jamais de masque, même quand la pollution était intense, il devait donc être français.
Un français de France ou un français du Viet nam? qui sait?? il avait un accent, c’est sûr, mais Lu Fan n’arrivait pas à le déterminer avec précision, elle entendait si rarement des étrangers, et si peu d’hommes la regardaient dans sa robe moche, pourtant
En plus, un ami de Lu-Fan l’avait surpris à chasser la grenouille dans l’étang voisin. Du coup, la rumeur s’était répandue comme une traînée de poudre … »
Le voisin de Lu Fan ne pouvait être qu’un mage malfaisant ou pire, un français mangeur de grenouilles !
des grenouilles, c’est un français, mais avait il eu l’idée également de chasser le pangolin ou la chauve souris, comme eux les chinois en avaient l’habitude? était il devenu plus chinois qu’eux? ou se limitait il aux grenouilles dont il se régalerait des cuisses cuisinées à sa façon?
Une chose était certaine: il lui plaisait bien et elle espérait bien faire sa connaissance mais comment ? Elle n’oserait jamais l’aborder, et puis ça ne se faisait pas …
Son esprit divagait quelque peu, que faisait elle de son rêve d’indépendance, de liberté ! Ce n’était pas pour devenir la groupie d’un quidam étranger qu’elle étudiait d’arrache pied son petit manuel de lecture. Chaque soir, à la lumière vacillante de sa chandelle, Lu Fan decryptait les caractères avec délectation…
Peut-être que si elle troquait pour une fois sa robe de chambre pour une tenue plus féminine il le remarquerait et lui parlerait, ça valait le coup d’essayer…demain.
Lu-Fan décida alors de questionner l’esprit des ancêtres. Comme on lui avait appris dès sa jeunesse, elle préparera deux théières : une emplie de thé vert, couleur négative, l’autre de thé rouge, symbole de la chance et du bonheur. Elle les mélangera et la teinte dominante orientera sa décision.
Le breuvage fumant dégageait comme une chaleur rassurante. Ses ailleux la protégeait. N’etaient ils pas omniprésents dans sa petites maison, leurs portraits egayaient les murs de torchis. La mixture se colorait et refroidissait.
Lu- Fan se récita à mi-voix la recette de sa grand-mère : verser le thé vert au quart du bol, remuer et faire reposer 4 minutes. Puis prendre le thé rouge et le verser lentement sur le bol. Remuer pendant cinq minutes puis laisser reposer. Prendre le bol et le faire réchauffer dans ses mains… ça y était ! C’était prêt à déguster… Avec confiance mais inquiétude, elle allait savoir ce que pensait ses aïeux !
Le cœur battant, Lu-Fan ferma les yeux quelques instants avant de les ouvrir et de constater, fiévreuse, que la couleur du breuvage venait de se figer. Un rouge écarlate. Rouge comme la robe qu’elle était décidée à choisir en ce nouveau jour de marché. Rouge comme le nacre déposé sur ses lèvres. D’un trait, Lu-Fan but sa tasse de thé tiédi, en acquiesçant solennellement aux portraits de ses ancêtres. J’irai à sa rencontre, aujourd’hui, se dit la jeune femme, comme habitée par les signes impénétrables du destin.
Et se précipitant vers sa penderie, elle devait se dépêcher, les ancêtres avaient parlé, elle se prit maladroitement les pieds dans ses sandales qu’elle avait laissées à la porte, juste avant la cérémonie du thé. Sa chute fut spectaculaire mais moins que la plaie béante qu’elle venait de se faire en se cognant contre l’embrasure de la porte, coupante. Le sang coulait abondamment, rouge…
Comment encore considérer le rouge comme signe de chance après ça… Elle tenta de se lever mais sa raison vacilla, tout comme elle juste avant qu’elle ne tombe une fois encore mais dans les pommes cette fois, des pommes vertes bien sûr!
Le destin et peut-être même les ancêtres se moquaient d’elle.
Elle hurlait de douleur, quand, sur le pas de sa porte apparut le beau français, les traits déformés par l’inquiétude.
Il s’appelait Loïc Le Bihan. Marin au long cours, il était parti de son village de Cranalec-sur Mer, voilà trois ans. Ses bourlingues multiples, souvent peu avouables, l’avaient mené là à Sing-Ho, la ville de tous les trafics, à la recherche de Monsieur Wang, Maître puissant d’une secte : La Pagode Bleue. En ouvrant la porte, les yeux déformés par l’inquiétude d’un mauvais coup, il vit une femme allongée, évanouie, une tranche de vatrouchka raté tombant de ses mains couvertes de sang.
Lu-Fan toujours vêtue de sa robe de chambre grise et couverte de sang rouvrit les yeux. Le voisin mystérieux l’avait déposée sur le canapé. Elle lui sourit et lui proposa tout naturellement une tranche de vatrouchka et un thé rouge ou vert ? Ce n’est quand même pas une coupure à l’arcade sourcilière qui allait lui faire perdre sa bonne éducation. Loïc refusa mais se pencha vers elle et lui embrassa délicatement le front en lui murmurant « c’est un bisouguéritout » puis il sortit de chez elle
Puisant dans ses dernières forces, elle avait perdu beaucoup de sang, Lu-Fan se précipita à sa poursuite, après tout les ancêtres avaient parlé. Mais un homme blanc accompagné d’une femme couverte de sang attirent les regards et Loïc lui voulait rester discret. Il l’entraîna donc rapidement dans une ruelle déserte.
Il espérait trouver leur salut auprès de Monsieur Wang et tous les amis de la Pagode bleue mais
Qui pouvait savoir où leurs pas les conduiraient… Lu-Fan devrait reprendre ses manuels d’apprentissage. Loïc lui apprendrait la langue française et la complexité de sa grammaire, les conjugaisons notamment. Elle rêvait déjà de partir pour Cranalec-sur-Mer, son beau marin pendu à son bras. Avec lui, elle découvrirait d’autres paysages, d’autres possibles…
Ils s’arrêtèrent devant une vieille porte en bois. Il faisait nuit. Loïc frappa deux coups, puis un, puis deux. C’était le code, un homme lui ouvrit, puis se courba. Une pénétrante odeur d’opium régnait. « Ca me rappelle l’hydromel », fit Loïc. Le Maître est là ? », demanda t-il au portier. « Oui ». On les mena jusqu’à un bureau dérobé. « Monsieur Wang, fit le portier, Loïc vient d’arriver. » Wang se leva, se précipita sur Loïc, l’embrassa goulûment dans le cou et sur les lèvres, il le caressa un long moment et lui dit : « Chéri, tu es enfin arrivé ! ». Lu Fan tomba de nouveau dans les pommes vertes.
Ils allaient entendre parler d’elle les ancêtres! Ils s’étaient bien moqués d’elle avec leur couleur rouge dominante. Le seul rouge qui persistait était celui qui coulait à chaque fois qu’elle touchait à sa blessure!
Elle glissa un oeil à demi fermé vers les amoureux et entendit un mot bizarre: kouingn amann.
Mais qu’était-ce donc? Probablement une nouvelle drogue…
Ah, Oh !!!, Wang demanda à Loïc ce qu’il fabriquait avec l’évanouie, elle est jolie n’est-ce-pas, dit Loïc, puis, il s’appliqua à administrer à Lu-Fan quelques tapes bien senties sur les joues. Elle revînt à elle. Quatre paires d’yeux la fixaient. Elle reconnût ce Wang de la Pagode bleue, un triste sire qui se nourrissait de la faiblesse et du désespoir d’hommes et de femmes qui avaient eu le malheur de frapper à sa porte. Sa Pagode bleue, véritable lieu de perdition, était la honte de Sing Ho.
Il restait un morceau de vatrouchka dans la main de Lu-Fan, elle le lança de toutes ses forces au visage de Wang dont l’arcade sourcilière s’ouvrit d’un seul coup. Wang s’évanouit de douleur. Loïc, encore un morceau de kouign amann sur les lèvres, se dit qu’un korrigan devait lui pourrir la vie et qu’il devait à tout prix quitter ce pays, Wang, la Pagode Bleue et trouver en endroit tranquille où il pourrait continuer son trafic de kougn amann au haschich. Le Limousin, se dit-il, sera parfait …
C’était sans compter sur Lu-Fan …
Pour la deuxième fois de la journée elle suivit Loïc. Elle détestait Wang, mais pas son beau breton… et ne s’avouait pas vaincue ! Très vite arrivée à ses côtés elle lui murmura à l’oreille l’adresse du meilleur bordel de la ville, il allait voir ce qu’il allait voir !
Pas emballée par ce nouveau jeu… J’aime mieux la phrase imposée à mettre dans un texte.
Au contraire, il me semble que de temps en temps cela remue bien d’avoir à écrire après les autres, plus spontané du coup!! et puis lire l’ensemble est follement amusant! merci d’avoir essayé!!
Il se laissa convaincre, un marin comme lui en a vu d’autres, et ils se retrouvèrent dans une chambre avec un grand lit surmonté de miroirs. Il avait déjà couché avec des femmes, il y a longtemps, mais pas comme ça. Elle lui arracha sa chemise, le poussa sur le lit, et le temps qu’il comprenne ce qu’il se passe elle fouilla dans le sac de Loïc. Dans le miroir du plafond il vit un dos nu, une chevelure dénouée et un kougn amann brandit comme une hache. Heureuse de l’effet de stupéfaction elle ajouta « tu n’imagines pas ce qu’on peut faire avec ça mon petit bonhomme ».
Ben moi non plus je ne l’imagine pas mais ça doit être drôle 😀