Une photo, quelques mots n° 403

par | 28 Avr 2021 | Atelier d’écriture | 65 commentaires

@ Ashley Winkler

Trouverez-vous toile à votre pied ? 🙂

A vos claviers. Publications des textes lundi matin (ou dimanche soir.)

65 Commentaires

  1. Photonanie

    Merci pour cette photo qui va faire travailler notre imagination 🙂
    Il me semble que c’est le n°404 par contre.
    Bonne fin de semaine.

    • Alexandra K

      Haaaouuu ! Tu as raison ! Bon, tant pis, on restera bloqué une semaine de plus au numéro 403, comme le film un jour sans fin. 😛

  2. Cloud

    Dans le domaine des dieux, c’était l’effervescence. Ce jour là, Prométhée rendait visite au Maître d’Oeuvre chargé des grands travaux. Le chantier en cours était ambitieux : créer l’Homme et l’introduire sur une Terre déjà pas mal occupée par les plantes et les animaux.

    Dans l’atelier, les rouleaux de papier envahissaient les coins et les recoins. Les murs étaient tapissés de planches anatomiques multicolores d’Homo Erectus en coupe, avec force détails de la mécanique ingénieuse qui le composait. Les plans étaient tous dessinés à la cote, prêts à être envoyés à la fabrication.
    Prométhée, accompagné de son aréopage, suivait attentivement les explications qu’on lui donnait, et posait de nombreuses questions pertinentes aux différents ingénieurs. Il ne voulait surtout pas se louper dans l’affaire, d’autant que Zeus le regardait depuis quelque temps avec une certaine suffisance.

    – Ca ne me semble pas mal dans l’ensemble, bien que je trouve le fonctionnement un peu complexe, quand même…

    – Ce sera une bonne machine ! Voyez-vous, Grand Patron, nous avons pensé à tout. Les hommes pourront se multiplier moyennant une différence mineure entre deux genres. La propagation pourra être exponentielle, et nous avons même inséré une dimension plaisir dans le processus pour les inciter à se reproduire.

    – Ils vont rapidement devenir trop nombreux !

    – Non, une obsolescence programmée fera qu’ils ne resteront jamais très longtemps.

    – Tant mieux, ils risqueraient de se prendre pour des dieux ! Ils penseront ?

    – Oui. C’est un peu le problème. Ils penseront au meilleur et au pire… On n’a pas trouvé la parade pour le pire. Ca risque de ne pas toujours être joli-joli… Mais l’harmonie, je vous le signale, n’était pas dans notre cahier des charges…

    – Bon. Je vais m’en occuper. Pourquoi pas une âme pour chacun ? Ca irait ?

    – Excusez-moi, Grand Patron, mais j’ai bien peur que cela ne suffise pas.

    Prométhée était bien ennuyé. Il avait pensé un temps offrir le feu aux terriens pour les distraire, mais ils auraient vite fait de s’en servir à mauvais escient.
    Derrière ce groupe d’hommes qui parlaient haut et fort, une jolie jeune fille seule au fond de la salle leva timidement la main. C’était une fille de Zeus (« manquait plus que çà… », grommela Prométhée).

    – Avec mes huit sœurs, on peut peut-être faire quelque chose. Ca ne résoudra pas tous vos problèmes, mais ç’aura le mérite d’ajouter un peu d’harmonie et de beauté à votre programme. Je vous propose que nous donnions à vos êtres humains de quoi exprimer et partager leurs émotions. On appellerait ça les Arts.

    Un immense éclat de rire collectif, viril et moqueur, envahit l’atelier à faire trembler les murs. Prométhée hilare apostropha l’adolescente avec condescendance :

    – Merci mademoiselle… C’est gentil mais on verra ça près le confinement, hein ?…

    • janickmm

      Magnifique création de l’être humain, et c’est la « dimension plaisir » qui fait toute la différence, … et la fin du confinement, c’est bientôt, ah ah ah !!!

    • Photonanie

      Quelle belle description de la création humaine, ça me plaît beaucoup vu comme ça.
      Bravo Claude 🙂

    • Kroum

      Nous avons vu tous les deux dans cette photo une touche artistique. Ton dialogue est très agréable et plein d’humour. Bravo Cloud!

    • rizzie2

      Prométhée ferait bien de revoir sa communication mais la création de l’homme vue par Cloud est savoureuse

    • Terjit

      HIHIHI ! J’adore le dialogue, particulièrement le « Ils penseront ? », « oui c’est bien ça le problème »… mais Zeus merci, pas trop quand même :-). L’art pour améliorer tout ça ? Quelle idée !!! Merci Cloud.

  3. miss marple

    Ah quel beau premier texte!! et vive la fille de Zeus! on s’ennuierait à mourir sans les rts! oups! obsolescence programmée??

  4. miss marple

    bonjour,
    rien à voir avec le précédent!!

    Une tortue
    qu’y a t-il à l’intérieur
    d’une tortue
    qu’est ce qu’on y voit ?

    Un œsophage
    un estomac
    une rate
    et même un foie
    des intestins
    et
    un cœur

    Un humain
    qu’y a t-il à l’intérieur
    d’un humain
    qu’est ce qu’on y voit ?

    Un œsophage
    un estomac
    une rate
    et même un foie
    des intestins
    et
    un cœur.

    Tortue
    humain
    même combat
    il faut vivre
    parfois survivre
    l’une comme l’autre
    rentre la tête
    en cas de coup dur
    risque un œil
    de temps en temps
    juste pour voir
    puis se renferme
    dans sa coquille
    dans sa carapace.

    A l’intérieur
    c’est tout tendre
    il faut toquer
    doucement
    très doucement
    sans violence
    pour atteindre
    l’inaccessible étoile !

    • janickmm

      comme une comptine on se laisse aller, et la vérité est là ! touchant !

    • Photonanie

      Oh que c’est poétique cette comparaison entre tortue et humain. Si seulement nous pouvions ralentir nos vies par moment, arrêter de courir et avancer lentement mais sûrement, en prenant le temps, comme les tortues…

    • Cloud

      Que c’est beau ! Vraiment bien mené ce parallèle et cette morale douce et convaincante. Bravo et merci.

    • Kroum

      Un joli parallèle entre intérieur animal et humain dans ton texte et une conclusion bien trouvée.bravo Miss Marple!

    • rizzie2

      comme une tortue décapotée peut être inspirante !

    • Terjit

      Comme c’est doux à lire ! Merci Miss Marple

  5. Kroum

    Dans ma famille on était gastro entérologue depuis 3 générations. Observer l’intérieur des corps et toute cette partie de l’abdomen m’a toujours fasciné. Les chemins tortueux des intestins, le placement des différents organes, tout cela donnait de bons ingrédients pour la préparation des examens. Il m’arrivait même d’étudier l’intérieur des corps de certains animaux et celui de la tortue avait ma préférence. On ne compte plus le nombre d’affiches autour de la médecine que j’ai pu entassées à côté de mes livres de cours. A certains examens on nous demandait souvent de dessiner les parties qu’on travaillait pour expliquer les maladies qui pouvaient s’y développer ou les opérations conseillées. A force d’en voir sur les murs de ma chambre d’étudiant, il m’était plus aisé de reproduire des croquis. Dans notre maison j’avais dédié une pièce entière à tous ces dessins, photos, affiches achetés au fil de mes années d’études. J’ai même continué à m’en procurer tout au long de ma carrière pour les analyser. Aujourd’hui, je me plais à y faire un tour de temps en temps, elle servira certainement à mon petit fils quand il sera en âge d’étudier.

    Pour mon fils, cette matière lui semblait trop compliquée et il n’a choisi aucune spécialisation. Il poursuit sa carrière de médecin généraliste sans entrain. A des périodes de sa vie il pensait changer de métier mais je suis parvenu à lui démontrer que c’était une hérésie.

    Son couple bat de l’aile. Je crains parfois que mon petit fils en souffre et perde le goût de l’étude, ce qui pourrait endommager une carrière de médecin.
    Avec ma femme, il nous plait de le recueillir souvent à la maison. On lui donne une certaine stabilité, ça arrange les parents et j’ai ainsi un œil pour qu’il poursuive sérieusement son cursus scolaire. Il n’a que 10 ans mais mieux vaut qu’il assure les premières bases.
    Je reconnais que je suis moins strict avec lui que je l’ai été avec mon fils et je fais confiance à son génie. Tout à l’heure, je l’ai entendu entrer dans la pièce des affiches, à côté de mon bureau. Ça fait quelques jours d’ailleurs que je l’entends passer du temps en silence dans cette salle. Aujourd’hui j’entends des bruits, il doit certainement s’intéresser à toute la documentation stockée. J’ai ressenti un vrai plaisir, juste à l’idée que ce gamin commence à s’intéresser à la médecine.
    Aussi, sur la pointe des pieds, je me suis approché. La porte était entrebâillée. J’ai attendu un moment avant d’y entrer. A l’intérieur ça s’activait de plus en plus. C’est fou comme la curiosité de cet enfant était extraordinaire. Déjà il m’épatait !
    Quand j’ai décidé d’ouvrir la porte et d’entrer j’ai eu un choc : mon petit fils était affairé au-dessus de toutes les affiches, les découpait les unes après les autres pour les coller sur un tableau qu’il avait installé sur une chaise. Quand il me vit, c’est avec fierté qu’il s’exclama : « Regarde papi, quand je serai grand je veux être un artiste ! ».

    • janickmm

      Une vocation inattendue qui termine un texte expressif et bien mené.

    • Photonanie

      Et oui Papi, chacun sa route, chacun son chemin 😉

    • Cloud

      Excellent. Après tout, il a raison : de beaux collages artistiques sont certainement aussi importants que des affiches techniques obsolètes. Dommage pour les souvenirs et le plaisir des collectionneurs… Merci pour ce texte à la chute inattendue bien amenée.

    • rizzie2

      A scientifique, artiste et demi !

  6. Miss marple

    Quelle envolée..car ce n’est pas une chute..nous nous elevons vers le grand art!!

  7. rizzie2

    Lison a été missionnée par le professeur de sciences pour aller chercher une carte du monde dans la réserve. Précautionneusement, les doigts de la fillette ont fait tourner la longue clé dans la serrure jusqu’à ce que le panneton actionne le pêne. C’est la première fois que Lison pénètre dans le royaume silencieux et très fermé des bien nommées Sciences de la Vie et de la Terre. Dès que la porte pivote, un monde de couleurs minérales apparaît. D’un seul coup, sable, neige, terre, roche, végétaux et océan emplissent l’espace où des affiches déployées, roulées, entassées déclinent le vivant sur tous les tons.
    Le regard de Lison se fixe sur la reproduction d’une tortue décarapaçonnée dont la tête, avec tous les plis, lui rappelle celle de sa grand-mère pour cette façon qu’elle a de la rentrer dans la gangue de ses épaules. Certainement que la petite langue rose de l’animal fait le même bruit de succion que celle de sa grand-mère. Autre point commun, les petits yeux sombres et inquisiteurs qui la fixent. Lison n’a jamais vu l’intérieur de son aïeule mais elle est prête à parier qu’il y a aussi des ressemblances.
    Sur une autre affiche, elle remarque deux croquis de vaches dont les organismes sont exposés à tous vents en une sorte de vitrines comparatives. Même chose pour une coupe d’humain de face et de profil. C’est précisément à ce moment-là que Lison a la sensation de devenir, elle-même, transparente.
    Lors de l’inventaire de fin d’année, le gestionnaire a trouvé une affiche non répertoriée qui présentait les caractéristiques d’une biche. Son pelage était brun, ses cils recourbés et elle avait de doux yeux marron et veloutés, presque humains.

    • Photonanie

      J’aime bien l’association de la tortue et de la grand-mère…

    • Janickmm

      Des métaphores, emplies de tact et de bienveillance, la dernière est une belle surprise.

    • Cloud

      C’est drôle et ce texte pousse malgré tout à la réflexion. J’aime beaucoup. Il y a de la poésie dans le dernier chapitre. Nous sommes effectivement faits de chair et de sang, mais le rêve nous donne heureusement une dimension salutaire…

    • laura vanel-coytte

      ça existe encore les petites filles curieuses?

  8. Terjit

    Quand j’étais petit, j’avais l’illusion que tout pouvait s’expliquer grâce à la division ou la multiplication par deux. Les multiples ont ceci de magique qu’ils sont déclinables à l’infini, et la nature semble montrer que tout marche par deux, ou multiples de deux. Bien sûr il fallait parfois faire des pirouettes pour y arriver, le meilleur exemple est le nez. L’évidence est que nous n’en avons qu’un, mais en y regardant de plus près il y a bien deux trous. Je prenais cela pour une démonstration implacable. J’étais tellement fasciné que pour m’endormir je plaçais le chiffre un dans la narine gauche, son double dans la droite, puis quatre dans la gauche, huit dans la droite et ainsi de suite. Arrivé à plus de mille je faisais demi-tour pour vider ce nez trop rempli, de peur qu’il n’éclate. Et je m’endormais paisiblement, dans mes croyances enfantines d’un monde bien ordonné, simple et rassurant.

    Puis vint le jour où on m’a parlé des virgules… c’était la première fois que j’avais un tel problème à résoudre. Refusant par principe de me tromper, je décidais, après une intense réflexion, qu’il était inutile de s’en préoccuper, puisque ça ne répondait pas à l’évidence. Sûr de mon fait je continuais à croire en mon monde binaire, refusant de comprendre que bien des choses ne pouvaient s’expliquer aussi simplement, refusant d’imaginer que c’était un moyen de toucher à l’immatériel.

    Dans mon petit monde d’enfant le socle de valeurs qu’on me transmettait ne pouvait que renforcer ma vision binaire du monde : des parents partageant une amour inamovible, duquel découlait naturellement une explication du Bien et du Mal faite de convictions inébranlables. Dans ce monde idyllique il n’y avait de place ni pour le doute ni pour la nuance, et j’avoue que cela me convenait parfaitement. Cependant, et bien que je ne m’en rendais pas totalement compte à l’époque, il y avait un grain de sable dans ce beau rouage.

    Dans la maison de mon enfance il y avait le bureau de ma mère dans lequel je n’avais pas le droit d’entrer. En toute logique, cela ne me posait pas de problème dans la mesure où il y avait des choses autorisées et d’autres qui ne l’étaient pas. Je n’avais objectivement aucune raison de remettre en cause cette décision de parents qui détiennent la vérité universelle, mais bien sur j’étais intrigué par ce qu’on me refusait de voir. Les rares fois où j’ai interrogé ma mère sur la raison de cette interdiction, sa réponse se limita à ce qu’un enfant de mon âge peut voir ou ne pas voir. Je me contentais de cette explication fumeuse, mais insidieusement l’histoire des virgules commençait à me titiller le cerveau. Mes parents m’avaient habitué à la plus grande transparence, et comme démonstration s’adressaient à moi avec des mots choisis mais sans jamais me cacher la vérité, du moins je le pensais. Alors pourquoi ne pas me dire clairement ce que je ne pouvais pas voir ? Qu’est-ce que ce bureau renfermait de si intolérable pour mon âge ?

    Un jour où ma mère avait oublié de fermer le bureau à clé, j’ai entrebâillé la porte pour me faire ma propre opinion. J’étais tenaillé par la culpabilité d’aller à l’encontre d’une décision parentale, la trahison était ce qui était le plus banni dans cette maison. Mais l’excitation était si forte que je franchissais le pas en tremblant comme une feuille morte. Ma première vision a été celle d’un capharnaüm indescriptible, tellement déroutant en comparaison de cette maison toujours propre, rangée dans un ordre millimétré. Mon petit monde binaire s’ébranlait puisque cette mère était capable de ce désordre alors que tous les actes de sa vie donnaient une image opposée. Malgré tout je repoussais encore les virgules comme on mitraille l’ennemi depuis sa tranchée, mais j’en savais trop ou pas assez pour m’arrêter là. Dans un coin de la pièce une petite table avec une forme recouverte d’un linge bleu dégageait une odeur étrange. Je me suis avancé en tendant l’oreille pour être sûr que personne n’allait me surprendre, et j’ai soulevé le linge.

    Sur une planche de bois, entourée d’épingles et écartelée d’une multitude de crochets, une tortue offrait au monde ses entrailles encore luisantes. La mitraille n’était plus suffisante pour clouer les armées de virgules, j’étais perdu, écartelé comme cette tortue sur sa planche. Je me suis enfui en courant pour tenter de survivre, mais le monstre qui me servait de mère arrivait dans le couloir. J’étais certain qu’elle allait m’empaler et me déchiqueter, comme un tueur le fait pour se débarrasser des témoins de ses crimes. Quand elle m’a attrapé j’ai mordu, griffé, hurlé, insulté, jusqu’au moment où je ne pouvais plus bouger dans ses bras trop puissants.

    Pour essayer de me calmer elle a tenté de trouver les mots justes. Elle ne m’a pas reproché d’avoir bravé l’interdiction, mais m’a expliqué que si elle voulait m’empêcher de voir son bureau c’était par amour, parce que j’étais trop jeune pour comprendre, et d’autres fadaises qui ne faisaient qu’amplifier mon dégoût.

    Je me suis réfugié dans ma chambre bien rangée, dans mon petit monde bien ordonné, mais ça y était, les virgules étaient entrées dans ma vie, par effraction… et je n’étais pas prêt.

    • Photonanie

      Quel choc que la découverte des virgules pour cet enfant si bien encadré!
      On a raison de dire que la curiosité est un vilain défaut 🙂

    • Cloud

      Oh, Terjit ! J’adore ce texte ! Il est fantastique dans les deux sens du terme. Bravo, et merci pour cet instant de poésie délicieusement alambiquée.

    • Janickmm

      « La virgule signe de ponctuation divisant certaines propositions dans une phrase indiquant une pause  » , nous y sommes, l’enfant a vécu tout ce que nous dévoile cette explication, il fait une pause dans sa chambre bien ordonnée, espérons qu’il en sorte avec fracas pour découvrir encore le monde. Ce texte est plein de sensibilité, merci.

    • rizzie2

      Superbe texte plein d’enfance et de logique, j’aime beaucoup. Chapeau pour la maîtrise de la concordance des temps, je suis très admirative !

    • Kroum

      La thématique de l’enfant et de ses émotions est bien maîtrisée chez toi Terjit. Je me demande quelle sera sa réaction quand il découvrira les points de suspension. Mais rien ne presse, il faut lui laisser le temps à ce petit. Bravo terjit!

  9. Céline

    Bonjour. Voici mon texte, cette photo tombe à pic. Bonne lecture et bonne journée.

    À l’aube de la quarantaine, je voudrais remercier :
    – ceux qui m’ont critiqué, dévalué car ils ont boosté ma confiance en moi,
    – ceux qui n’ont pas cru en moi car je n’en ai jamais tenu compte,
    – celui qui m’a dit que je n’aurai jamais mon bac car je suis arrivée jusqu’au Master 1 avec la volonté de toujours continuer d’avancer et d’apprendre,
    – celle qui m’a prise pour une autre car elle m’a donné encore plus envie d’être celle que je suis,
    – celui qui m’a harcelé pendant plus d’un an car je n’ai plus peur,
    – ceux qui ont eu peur de s’engager car j’ai appris à compter sur moi-même,
    – celles et ceux qui m’ont abandonné sur le chemin de l’amitié sans même un regard en arrière car j’ai continué le mien sans m’arrêter,
    – mon corps qui me malmène depuis mon enfance car il m’a permis de développer une résistante à toute épreuve et à vivre au jour le jour,
    – ceux et celles qui ont refusé mon aide car j’ai pu tendre la main à d’autres,
    – celles à qui j’ai offert mon aide et qui semble l’avoir très vite oublié, je connais ma vraie valeur,
    – ceux/celles qui me trouve trop grosse, trop bavarde, trop occupée, trop sérieuse, trop… car… je m’en fous complètement,
    – tous les coups que j’ai dû encaisser car ils ont renforcé mon âme et mes pensées et ont endurcie ma carapace,
    – et puis finalement à ma force de caractère qui m’a permis de ne pas m’effondrer au moindre coup de vent ou de tempête. Et bon sang, ce qu’il y en a eu…
    Ainsi, j’ai pu choisir mes pinceaux et réaliser ma propre toile, qu’elle plaise ou non mais n’est-ce pas là toute la subtilité de l’Art ?

    • Photonanie

      Liberté chérie…

      • Céline

        Oh que oui

    • laura vanel-coytte

      mieux vaut être seule que mal accompagnée
      surtout quand on a été bien accompagnée pendant 25 ans

      • Céline

        Tout à fait

    • Cloud

      Bravo ! Il y a un principe bouddhiste qui prône l’estime de soi. Je crois effectivement qu’elle est fondamentale. Se construire à travers les autres, mais être soi-même y contribue. Ce texte est superbe et profond dans sa légèreté..

    • Janickmm

      Une belle âme forgée par des rencontres difficiles et malveillantes, peu importe, elle a fait son chemin et à trouvé un bel équilibre, merci pour cette belle réflexion.

    • rizzie2

      Très beau texte que je garde pour les jours de doute. Merci

  10. Photonanie

    Bonjour tout le monde. Ma participation est également sur https://photonanie.com/2021/05/03/brick-a-book-403-bis/

    J’étais entrée par hasard dans ce local et je me croyais transportée dans la chambre des Merveilles de Sens: le cabinet des curiosités m’avait tellement impressionnée la première fois que j’y avais mis les pieds.

    Reprenant mes esprits, je demandai timidement

    – Y a quelqu’un?

    Un silence assourdissant me répondit. Bon ce n’était pas gagné apparemment. On m’avait dit de me rendre au local 45 C afin d’y rencontrer ma future prof de chimie organique.

    J’étais fascinée par les détails des planches anatomiques suspendues autour de moi. La représentation de la tortue en particulier avait scotché mon regard. Je pense que jamais plus je ne regarderai ma tortue terrestre Caroline de la même manière. Il est vrai que ce qui se cachait sous sa carapace m’intriguait peu. Il suffisait qu’elle sorte la tête quand je lui présentais une feuille de salade pour que je considère que nos échanges étaient satisfaisants.

    Mais quand même, quel désordre dans son corps! C’est peut-être pour ça qu’elle était aussi amorphe.

    La planche se rapportant à l’être humain me paraissait plus évoluée. Les organes semblaient un peu plus ordonnés.

    J’en était là de mes réflexions quand une grosse voix me fit sursauter:

    -Je peux savoir qui vous a autorisée à pénétrer dans ce local Mademoiselle?

    – Euh…c’est Madame Goffart qui m’a dit de l’attendre dans le local 45C.

    -Ah, je vois. Et vous trouvez que ce local ressemble à un labo de chimie? Vous voyez quelque part un tableau de Mendeleïev qui pourrait vous faire penser que vous êtes au bon endroit? Ici c’est le local 45A Mademoiselle. A pour anatomie, le local que vous cherchez est le 45C, comme chimie, c’est clair pourtant.
    Je ne vous retiens pas. A l’avenir essayez de réfléchir un peu plus sans quoi je crains que votre passage chez nous soit plutôt bref!

    • Cloud

      Trop tard, le 45A a produit son effet de fascination et de découverte. Et c’est tant mieux. De toutes manières, le corps humain répond aux lois de la chimie. Seuls les murs des locaux et la cerbère du 45A y font obstacle. Un texte léger et bien mené. Merci.

      • Photonanie

        Merci aussi à toi Claude. Bonne journée.

        • Photonanie

          Juste une question, pourquoi LA cerbère? Et pour la petite histoire, j’ai vraiment eu une prof de chimie qui s’appelait Goffart et elle m’a donné le goût de cette matière dans laquelle j’ai poursuivi 😉

          • Cloud

            Parce que, vue ma génération, j’ai été sans doute très marqué par les écoles de filles (un monde exclusif de femmes) et les écoles de garçons (où, pratiquement seuls les hommes enseignaient, )… Dieu merci l’époque est révolue…

          • Photonanie

            C’est bien vu, là où j’étais il n’y avait que des filles-femmes 😉

    • Janickmm

      J’adore ces descriptions et ces sensations et cette jeune personne un peu déroutée qui pousse la porte quand même… et l’erreur mène à la découverte.

      • Photonanie

        Il faut toujours oser pousser les portes de la connaissance 🙂

    • rizzie2

      il y a toujours des brutes insensibles à la poésie et la fascination des intérieurs de tortues… Très joli texte !

      • Photonanie

        On a tous connu de bons et de mauvais profs dans notre parcours scolaire…

  11. laura e vanel-coytte

    Bonjour,
    Voilà mon acrostiche bouts rimés:

    Cabinet de curiosités
    C’est l’ancêtre du musée:
    Arrangé par affinité
    Biologie ou antiquité.
    Instinct et beauté
    Nouent un traité
    Et espérant l’éternité.
    Trier avec assiduité

    Devoir du curieux patenté
    Elaguer la forêt avec régularité.

    Curiosité est une jolie qualité,
    Urbanité des solitaires de la cité.
    Rareté
    Impétuosité
    Organisation des curiosités
    Savoir et pouvoir, autorité.
    Il y a des images sur papier
    Témoins d’un glorieux passé
    Entrez, visitez
    Souriez avec amabilité.

    Merci et bonne journée

    • Photonanie

      Un bel acrostiche rondement mené 🙂

    • Cloud

      Joli ! Bel acrostiche bien tourné et au rythme très plaisant.

    • Janickmm

      J’ai aussi pensé que cet atelier reflète toute une vie et l’âme de la personne qui l’occupe, tu as trouvé les mots.

    • rizzie2

      Joli rythme dansant !

    • Kroum

      Tu nous as écrit un joli acrostiche bien rimé. Bravo Laura!

  12. janickmm

    Bonjour à tous,
    https://janickmm.wordpress.com/2021/05/03/5505/
    et aussi ici

    Je le découvre en poussant la porte de son atelier, assis sur un tabouret à vis, la pointe de son pinceau instille la peinture par touches parcimonieuses … Entrez ! Entrez ! lance-t-il d’un ton joyeux, sans que ma présence le perturbe, heureux d’avoir une visite.

    C’est un peintre. Vêtu d’une blouse trop grande pour lui, sa chevelure blanche et soignée encadre un visage fin. Ses yeux à l’éclat métallique vous transperce et le sourire ne s’éloigne jamais de sa bouche à demie couverte d’une moustache à l’italienne. Il peint toute sorte de schémas anatomiques, étrange lieu.

    Je suis aussitôt envahie par une odeur familière de bois chaud, cette odeur qui caractérise un grenier sous la chaleur de l’été, mêlée à celle de la peinture, je suppose …

    « J’ai …. Je …. » Les mots ne viennent pas facilement, j’avais pourtant ressassé mon discours sur le chemin, mais là, devant lui c’est très différent.

    Profonde inspiration, « je suis votre nièce unique » …

    Cette fois il lève les yeux pour me dévisager, cherchant peut-être une ressemblance, un trait familier, un regard complice.

    Je lui tends le rouleau qui lui est destiné. Sa main fébrile le saisit, le déplie avec précaution conscient qu’une chose incroyable y est enfermée.

    Quatre petites lettres signent le tableau : Rose … Il tressaille. « Approche-toi » … Lentement, il a prononcé ces deux mots, comme une libération inattendue, un espoir inespéré. Un long moment s’écoule, emplit de silence, moment béni des Dieux, extrêmement voluptueux, aucune gêne, même l’éternité pourrait y avoir sa place.

    « Il me ressemble … » prononce t’il avec difficulté, la réalité éclate, l’émotion est intense, la révélation est fracassante. Le portrait qu’il tient entre ses mains tremblantes, lui ressemble. Je laisse le silence véhiculer le trop plein d’émotion.

    Puis je me lance, « Elle m’a toujours dit qu’elle vous reconnaitrait, elle était persuadée que vous étiez encore en vie ».

    Il me regarde à nouveau, l’éclat métallique semble avoir des étincelles, et parle avec difficulté, le souffle court : « Moi aussi je l’ai toujours cru, mais j’avais tellement peur d’être déçu que j’ai préféré taire ce sentiment au fond de moi, comme un secret »…

    Les minutes s’éternisent, puis, il ose : « Que devient-elle ? », se hasarde-t-il en souffle libérateur, car la question est difficile, il craint la réponse, mais il est implorant.

    La porte de l’atelier s’ouvre doucement, Rose apparaît, vibrante d’émotions, un sourire magnifique sur les lèvres … Yoseph ! (ma mère attendait dans le vestibule, la porte entrouverte lui permettait d’être à l’écoute).. Le frère et la sœur s’enlacent avec passion, c’est un tableau magnifique dont je suis la seule admiratrice. Je prends une photo, sans déranger leur intimité, ils sont loin déjà, perdus en pensée, l’un et l’autre dans les souvenirs terribles de leur enfance volée, ballotée en arrestation, déportation et camp de travail forcé.

    • Photonanie

      Que d’émotions dans ces retrouvailles fraternelles…

  13. Cloud

    Que c’est beau ! Le décor se prête très bien à cette magnifique histoire joliment racontée. La dernière phrase ajoute une douleur profonde enfouie qui ne fait qu’accentuer au plaisir de lire ces retrouvailles familiales. Bravo.

  14. rizzie2

    Jolie évolution du rythme qui passe graduellement du léger à l’émotion intense. Bravo !

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