Hop, me revoici avec une nouvelle photographie. Le temps est sans doute très court, si vous publiez votre texte demain. On peut dire que c’est un atelier « en direct » : c’est à dire que vous produisez un texte en un laps de temps donné ?
J’essaierai d’être plus régulière la semaine prochaine, en vous proposant une photographie mercredi, pour le lundi suivant …
Quel décor lugubre ! Ces pierres sombres, cette grille fermée, aux pointes acérées, ce dallage inégal, grisaille… Pour jouer dignement du violoncelle, il fallait rehausser le jeans élimé avec une veste de costume sombre comme dans un orchestre. Moi, le violon, n’ai besoin de rien pour paraître habillé : ma couleur chaude éclaire la place entière, mes notes lumineuses et sonores transforment le quotidien sombre en fête. Bien protégé dans mon étui coque, je suis sorti dispos comme une chrysalide née du matin, je brille comme un sou neuf. Mais m’apporter jusqu’ici a été plus chaotique, l’artiste n’a pas de voiture et m’a glissé dans un caddy de provisions pour me rouler d’un lieu à un autre, et choisir au fil de la journée le lieu improvisé le plus en vue, passant, stratégique. Or ces bourgeois ne s’arrêtent guère et l’artiste fait triste mine, tête basse, il les regarde passer sans une oreille ou un regard pour moi, et surtout pour sa sébile, discrète, devant son écriteau. Qu’à cela ne tienne, il me roulera plus loin, jusqu’à je trouve un auditoire que je fasse danser, exulter, s’émouvoir, qui illumine le jour et l’humeur de l’artiste.
J’aime beaucoup l’idée du point de vue de l’instrument, bravo
Original un violoncelle qui soliloque !
Fallait y penser au point de vu de l’instrument,bien vu !
C’est un angle de vue original et plaisant.
Excellente idée bien menée. Bravo.
Il pensait pourtant y arriver.
Séduire le public de la rue . Il en est à sa troisième tentative. Il a griffonné vite fait son parcours sur un bout de carton récupéré dans la poubelle jaune de son quartier. Rien n’y fait. Il a pourtant mis le paquet, pris une douche aux Bains publics qu’il ne fréquentait guère, caché son jean usé sous une longue veste achetée trois euros cinquante chez Emmaüs , ressorti son instrument remisé dans la cave inutilisée d’un voisin …
Son instrument ?
Les passants semblent en douter.
D’ailleurs ils ne s’arrêtent pas pour l’écouter. Les notes qui s’en échappent ne semblent pas lui appartenir. L’harmonie n’y est pas, le tempo absent. Les mains hésitent, le regard est fuyant. La cigarette ne suffit pas à lui donner de l’assurance.
La vieille Louisa se souvient d’avoir lu dans la rubrique Faits divers d’il y a trois ou quatre ans, cet article évoquant un trafic d’instruments de grande ampleur.
Elle s’arrête devant l’homme et lui fait comprendre qu’elle n’est pas dupe, qu’il ferait mieux de déguerpir …
Trop tard !
Une sirène hurlante approche. Quelqu’un a dû se charger de prévenir la police . L’homme est embarqué. Louisa aussi. Elle mettra un temps infini à prouver son innocence.
L’incident a mis un peu de fantaisie dans sa vie. Il y a quelques jours je l’ai vue pousser la porte d’une boutique « Ici cours de piano, guitare et violoncelle »…
Bravo ! Quel art de rebondir, et donner du suspense et du piment à la narration !!
Quel beau texte improbable, et quelle chute !
J’aime beaucoup la chute !
Merci pour le rythme et la fin optimiste.
Merci pour tous ces commentaires positifs.
Je vous souhaite une excellente soirée
Excellent. Bravo. Un texte mené tambour battant.
Heureuse de retrouver pour une deuxième semaine consécutive, incroyable, le chemin de l’atelier ! Merci Alexandra pour cet espace d’écriture.
Atelier 413
Il était là, juste là, sous ses yeux. Elle ne pouvait réussir à décrocher son regard de la scène que ses déambulations dans la ville lui avaient permis de découvrir, par hasard. Aussi soudainement que sa vie avait basculé il y a déjà quelques années, elle venait de remettre les pieds dans la passion qui l’avait consumée alors. Sa musique était divine. Comment avait-elle pu ne serait-ce que respirer sans lui ?
Elle se souvient encore de sa première rencontre avec ses notes, c’était dans ce vieux théâtre défraîchi où sa meilleure amie l’avait entraînée un soir de grisaille particulièrement tenace. Il ne lui reste guère de cette soirée qu’un vieux ticket d’entrée dont elle se sert comme marque page pour ses livres préférés et le souvenir de la grâce qui l’avait enveloppée alors qu’il jouait. Ce jour-là elle avait découvert la musique, et plus encore. Elle avait été dévorée ensuite par les interminables journées de cours qu’elle suivait finalement dans le seul autre but qu’une seconde rencontre, qu’elle imaginait encore plus belle que la première, forcément.
La déception avait été à la mesure des espérances qui avaient grandi alors qu’elle devenait elle-même une virtuose. Ils s’étaient croisés à nouveau à un concours prestigieux de musique contemporaine. Il faut dire les choses telles qu’elles sont, il avait vieilli. Elle aussi, mais peu finalement en comparaison. Il lui avait semblé usé plutôt et elle ne put s’empêcher de penser qu’il avait besoin de quelqu’un comme elle pour continuer son chemin. Mais la rencontre ne s’était pas produite, en plein milieu de la compétition elle avait dû rentrer pour s’occuper de sa famille. Puis le temps et les épreuves s’étaient accumulés et bientôt il ne restait de sa passion que des cours donnés à des adolescents que la musique intéressait peu.
Et c’était justement en revenant de son établissement d’exercice par des chemins détournés qu’elle venait de tomber nez-à-nez avec lui. Incroyable. Le temps lui parut se suspendre, chaque seconde retenue dans son souffle. Il lui semblait que c’était son corps que le musicien caressait de ses mains habiles tant ses gestes paraissaient doux, presque tendres avec l’instrument. Elle s’imaginait à sa place et elle put ressentir avec quelle merveilleuse dextérité il prenait soin de l’effleurer seulement pour ne tirer de l’instrument que le meilleur. C’était lui, et cette fois-ci elle ne pouvait laisser s’échapper sa chance. Rapidement elle alla vider son compte au distributeur le plus proche, l’individu ne semblait pas rouler sur l’or, la somme devrait suffire, en proposant trop elle avait peur d’éveiller ses soupçons. Et enfin elle s’approcha. Les négociations ne durèrent pas longtemps tant l’homme parut surpris de sa proposition.
Plus tard dans la soirée, une fois rentrée chez elle, elle ne croyait toujours pas à son bonheur. Il était là, tout près d’elle, rangé dans son étui. Le Duport. Son Duport maintenant.
Texte à retrouver aussi chez moi
https://deslivresetunechambreasoi.fr/2021/10/10/bulle4-atelier-413/
Là aussi la chute est très bien amenée et surprenante.Bravo !
J’étais embarquée dans cette histoire, je n’ai rien vu venir. Excellent !
Ouch! J’ai cru jusqu’au bout à une histoire sentimentale 😉
Belle chute!
Super ! Un texte bien écrit, qui tient en haleine et se termine par une chute inattendue et excellente.
Bonsoir ! Mon texte est à retrouver ci-dessous ou chez moi : marinadedhistoires.wordpress.com/2021/10/10/un-petit-plus/
Un petit plus
Hier j’ai mangé des flageolets « des musiciens » comme on dit. C’était bon, mais alors… Qu’est-ce que je le regrette aujourd’hui ! Je n’ai qu’une peur, c’est que les bruits chantants de mes flatulences viennent parasiter le son de mon instrument…Quelle honte devant les passants ! Ce n’est pas aujourd’hui que je ferai recette. Enfin, on verra bien, je vais jouer la Sarabande de Bach, c’est un morceau très dynamique qui devrait bien couvrir mes gargouillis et autres pétarades.
………………………………………………………………………………………….
– Quelle interprétation fabuleuse de la Sarabande !!! M’interpella soudain une vieille dame en déposant un billet de 50 euros dans mon escarcelle. Mais je n’arrive pas à définir la nature du son si subtil qui accompagne votre instrument…
– Oh…ça, c’est mon petit secret, je ne peux pas le révéler… Sinon j’ai peur que la magie n’opère plus…
Depuis ce jour, je ne me nourris plus que de haricots blancs, rouges, jaunes, Saint-Esprit à œil rouge, nombrils de bonne-sœur, orteils de pécheurs, mogettes, cocos et crochus de Montmagny et j’ai un public de fou !
Quel texte drôle : j’adore !
Merci Terjit
rhoooooooooo mais quelle drôle d’idée ! J’ai bien ri !
Tant mieux ! Merci Manue
Génial !
C’est drôle, pour midi, dans ma gamelle, sont prévus des flageolets 🙂
Ah ! Tu vas constater les effets musicologiques alors !
J’adore! Pas les flageolets mais ton texte original. Il est quand même heureux qu’il joue en plein air 😉
Très drôle, court et bien rythmé. Bravo.
Merci Claude !
Le 13 octobre de l’an 12 post-covid, un énorme bouton sur l’épaule gauche de Gérald est apparu dans la nuit. Mais comme son aspect était le même que n’importe quel bubon un peu développé, il était inutile de s’en inquiéter.
Le lendemain matin, loin d’avoir disparu, le bouton avait doublé de taille, puis encore le jour suivant. Au bout de quatre jours il était si gros qu’il formait comme une bosse sous son t-shirt, comme un petit volcan prêt à éclater.
Le dermatologue consulté en urgence incisa avec minutie, ne sembla pas plus inquiet que cela, et pris grand soin de rassurer Gérald sur sa guérison rapide.
Malgré le traitement pris avec application le volcan ne se calmait pas, et en son centre une petite pointe noire marquait la première partie visible du manche. Chaque matin cela grandissait. Les cordes sont apparues en moins d’une semaine, puis le reste de l’instrument s’est étendu en à peine un mois. Le diagnostic était sans appel : il était victime de l’un des effets indésirables du douzième vaccin, celui contre le variant de Lamotte-Beuvron !
Cette évolution du vaccin, ou sa mutation devrait-on plutôt dire, provoque dans un cas sur cent-vingt millions une modification génétique si profonde et définitive que le cerveau devient partition, et le corps instrument de musique. Pour le moment il est impossible de prévoir à l’avance quelles seront la taille et la forme de la modification génétique. Les cas observés vont de l’harmonica à la harpe, en passant, entre autres, par le trombone à coulisse et l’accordéon.
Gérald est un cas à part : c’est le seul à avoir eu la double modification génétique instrument/archet. A cause de cette maladie Gérald a mis fin à sa carrière de coureur cycliste, sa femme a quitté le foyer avec ses enfants, et il n’a plus droit qu’à recevoir le Revenus de Survie Approximative.
La rue dans ce cas a l’apparence d’une solution pour trouver quelques sous et garder un toit sur la tête. Chaque jour Gérald se pose sur le parvis de l’église Saint-Gauche et implore en jouant les fidèles de l’aider, ce qu’ils font avec une générosité sincère, spontanée et infinie dès que la messe commence. Ne dit-on pas qu’on peut vivre d’amour et d’eau fraiche ? En tout cas la majorité des croyants pensent que c’est possible, pas pour eux, mais que c’est possible. Gérald va ainsi de jour en jour, à jouer toute la journée.
Heureusement, quand il rentre dans son petit appartement il retrouve celle qui lui a ouvert les bras. Leur rencontre est aussi improbable que magnifique. Un soir ils arrivaient face à face devant la boulangerie, Gérald la laissa entrer, autant par galanterie que pour observer comment elle allait ouvrir la porte vitrée avec ses cymbales, mais il en fut pour ses frais, la porte était automatique. Elle s’est retournée vers lui avec un sourire triomphant, leurs yeux se sont croisés, il l’a aidé à manger son pain au chocolat et il ne se sont plus quitté.
Elle vient de trouver un emploi de bibliothécaire, ils vont enfin pouvoir sortir de leur misère et avoir les moyens d’aider leur fils atteint d’un autre effet indésirable terriblement handicapant : la floraison auriculaire de colza. Triste famille !
Voilà de quoi résoudre les anti vaccination de courir faire leurs injections ! Excellent !!!
Il y a de la poésie dans cette histoire mais je ne souhaite pas qu’elle se réalise. C’est à la fois triste et magique
Merci
Je me demande si l’OMS a répertorié cet effet secondaire 😉
Quelle originalité dans ce texte, j’aime beaucoup ce qui me fait sourire 🙂
Bravo Terjit pour cette histoire surréaliste très bien écrite. Excellente idée musicale. J’aime beaucoup.
Quel texte original et quel humour ! C’est vrai que sur les violoncellistes ont vraiment l’air greffés à leur instrument !
Quel beau dialogue, on dirait qu’il y avait une soif de s’y remettre ! Magnifique, le poème, bravo !
Merci Nicole !
Musiciens et écrivains
Ce violoncelliste me fait penser à un autre: Rostropovitch le 11 novembre 1989 devant le mur de Berlin[1]. Je me souviens de ce moment comme des mois précédents et suivants où le bloc de l’est à commencer à se fissurer et où il s’est écroulé avec le mur.
La deuxième réflexion qui me vient devant cette photo, c’est ma jalousie vis a vis des musiciens dont l’art est plus « exposable » que le nôtre.
[1] https://www.youtube.com/watch?v=TEx7Pu-Ok5E
Bonjour,
Voici mon texte :
L’opéra avait brûlé, dans la panique générale j’avais héroïquement réussi à sortir de ce brasier mon violoncelle. Depuis ce jour, j’essayais de trouver une place dans un orchestre mais qui aurait voulu d’un violoncelliste défiguré par un incendie.
Je décidai alors de continuer à jouer pour moi, à jouer pour le public de la rue, qui passait chaque jour, pressé. Les quelques pièces reçues, je les donnais aux SDF qui parfois se cachaient sur le parvis de l’église devant laquelle je jouais chaque jour.
La musique tout comme les pétards m’accompagnaient, me donnaient vie tant que je jouais. Tant que je jouais Bach, Vivaldi, Listz et tous les autres compositeurs qui berçaient ma vie, j’étais heureux même si au fil des jours, des semaines je ne ressemblais plus au musicien que j’étais sur scène, en costume noir et aux chaussures cirées, dans les plus beaux opéras du monde.
Je suis devenu un fantôme.
Une jolie histoire qui colle très bien avec la photo et l’atmosphère qui s’en dégage.
On aurait retrouvé le fantôme de l’Opéra! Belle idée mais quelle tristesse…
Mais un fantôme musicien et non un musicien fantôme, tant mieux. Joli texte.
Bonjour.
Voici mon texte. Bonne lecture et belle journée.
Douce compagne
Ou plus sauvage accompagnatrice,
Elle a (très/trop) souvent empli
Mes pensées, mes vides et mes silences.
Créant une bulle protectrice,
Se glissant dans mes oreilles
Pour échapper aux bruits environnants.
Devenue presque une colocataire,
Elle devient omnisciente
À ma majorité,
Comblant le vide laissé en quittant la bruyante maison familiale.
Encore maintenant,
Plus de deux décennies plus tard,
Elle reste un doux cocon
Qui m’enveloppe
Me crée une carapace étanche à l’extérieur.
Pourtant, il y eu ce jour
Où, au détour d’une ruelle pavée,
Des notes, une mélodie m’attirèrent
Vers une place en renfoncement.
Un instrument aux larges hanches,
Aussi majestueux qu’imposant,
Me rappela qu’elle pouvait aussi exprimer
Toute une palette d’émotions
Et verbaliser ce que l’on tait au plus profond de soi.
L’importance de la musique très bien suggérée, toute en nuances…
Une belle et douce émotion dans ce joli texte.
Bonjour, ma participation est sur https://photonanie.com/2021/10/11/brick-a-book-413/ et bien sûr ci-dessous.
C’était tout ce qu’il avait pu sauver lors de sa fuite hors des frontières de ce pays qui l’avait vu naître mais qu’il détestait à présent.
Il avait laissé derrière lui tout ce qu’il possédait pour prendre son seul trésor: le violoncelle fabriqué par son père.
Ceux qui l’avaient aidé à passer la frontière avaient rechigné en voyant l’encombrement mais il avait été intransigeant. Il voulait bien leur donner tout l’argent épargné depuis des mois et des mois mais il ne quitterait pas son instrument.
Il n’avait plus aucune famille et les sons qu’il tirait en frottant son archet sur les cordes lui rappelaient l’ambiance de la maison familiale. Ses parents lui avaient donné très tôt l’amour de la musique. Il faut dire que son père était un luthier reconnu à des kilomètres à la ronde. La musique avait accompagné son enfance et son adolescence et quand ses parents avaient été tués ensemble dans un accident de la route il avait décidé de quitter ce pays où plus rien ne le retenait.
Depuis quelques mois, il passait ses journées devant l’église où les passants s’étaient habitués à sa présence et aux sons mélodieux qu’il faisait sortir du violoncelle.
Son esprit s’évadait souvent en même temps que s’envolaient les notes et il oubliait la faim, les chaussures trouées et sa condition misérable…
L’avenir serait plus clément, il voulait y croire à tout prix.
5 heures de voyage en train la tête ballotte à droite, à gauche.
Laisser-aller.
Sous mon masque bleu. Son odeur synthétique me procure une tenace céphalée, et cache ma moue boudeuse, due à la frustration d’être enfermée. Je préférerais être Sous le soleil, m’abandonner, lézarder, rêver… ah … dormir.
Nous avons tous quitté le train en une cohorte sombre et ordonnée.
Roulements de valise, retrouvailles, délivrance.
Sur le pont d’Austerlitz le soleil reflète ses rayons obliques automnal sur la Seine, en diamants parfaitement taillés et scintillants.
J’ai fermé les yeux un instant pour m’accaparer la douce chaleur du soleil, plongée dans cette intimité silencieuse quelques notes de violoncelle ont résonnées tout près de moi.
Le musicien est installé sur le bord du quai, les yeux fermés habité par sa musique en parfaite communion en total partage, je l’ai écouté longtemps, j’ai savouré ce moment d’harmonie, portée par le son grave et envoûtant, délicieux instant de ressourcement.
Puis j’ai griffonné un petit mot de gratitude en y insérant un petit billet, discrètement je me suis éclipsée, le cœur léger, le cœur content, portée par d’agréables notes d’espoir.
On sent littéralement l’allègement moral.
Oui, et je pense que c’est ton violoncelliste que j’ai rencontré !
Merci !
Voilà ce que c’est que de s’y mettre tard!! lire les textes des autres et les trouver merveilleux!!
quel plaisir , mais quel plaisir de découvrir tous vos textes
et voici le mien
Do mi si la do ré
do mi si la do ré
domicile adoré
pas de domicile adoré
pas de domicile du tout
d’ailleurs
nada
nowhere
la rue
rien que la rue
ce violoncelle pèse un âne mort
un poids infini
mais
il me permet de vivre
chichement
de m’acheter ce paquet de clopes
clopes de base
rien à voir
avec ce qu’on m’offrait
du temps de ma splendeur
des havanes
les plus gros
les meilleurs
des vrais barreaux de chaise
pas comme ce tabouret
sans dossier
où je pose mon postérieur
pas de repos pour moi
le violoncelle
le tabouret
ma clope
voilà toute ma richesse
n’est pas Némanja qui veut
personne ne m’a découvert dans le métro
ne m’a offert un siège dans un orchestre
ne m’a reconnu
moi qui jouais pour les plus grands
à l’est.
à l’ouest
rien de nouveau !!
Ah, l’ouest… Rien de nouveau, en effet; mais persévère, après tout : qu’est-ce qu’on Rilke ? 😉
Cela pourrait s’appliquer à mon violoncelliste également…
Ils se sont peut-être croisés en suivant le même parcours 😉
C’est bien possible!! les parcours de vie se croisent et se recroisent
Il nous fend le cœur ce violoncelliste ! Vraiment !
Comme chaque jour, je suis là, assis sur un tabouret bringuebalant, devant les grilles de l’Eglise. Mon grand instrument de musique repose sur mon épaule endolorie. J’ai froid. Une pancarte mal griffonnée à la craie indique que je suis musicien sans ressources et qu’une pièce ou deux m’aideraient à me loger.
Toute la journée je joue les « Suites de Bach pour violoncelle seul ». Mais ne vous y prenez pas : il n’est pas seul, mon violoncelle : il est avec moi, contre moi. Mon complice, mon double, ma deuxième peau. Le violoncelle est l’instrument qui se rapproche le plus de la voix humaine, dit-on. C’est vrai. Je l‘entends murmurer ses confidences tout au long de mes pores. Je le console, j’écoute sa plainte qui devient aussi la mienne. Je croyais tout savoir de lui, et lui tout de moi, mais les irrégularités rythmiques des « Suites » nous rappellent que rien n’est si simple. La richesse émotionnelle de ces morceaux qui nous pénètrent tout au long de ma journée est chaque fois inattendue, imprévisible. J’aime décidément leur nom : les « Suites de Bach ». Chaque journée est ainsi : une suite enrichie de la veille, une page déjà connue à interpréter chaque fois différemment. Grâce à Bach, la modestie de notre quotidien devient une passionnante histoire à suivre.
Merci d’avoir partagé cette vidéo émouvante et pleine d’humour sur Rostropovitch !
Des suites difficiles mais très riches celles que tu nous proposes Claude, bravo.
Que c’est joli et poétique, je trouve que ton texte colle avec ce que dégage la photo, de la rudesse et de la beauté.
Pour sûr, Bach, c’est divin; si métrique…
Mais les romantiques qui s’ensuivirent ont, à mon goût, davantage tiré parti de cette proximité du son du violoncelle avec la voix humaine; Schubert, Schumann… et notre Berlioz ! Ah, là là…
Quoi qu’il en soit, avec l’automne s’intensifiant, qu’il fait bon être au chaud avec, pour compagnie, la vibrations des cordes, n’est-ce pas Gentil Nuage ?
Quel superbe hymne à la musique !
Un peu en retard, mais juste pour le plaisir:
Le violoncelle était l’amant de ma belle. Quand ils étaient ensemble, pour l’un et l’autre plus rien n’existait que l’intensité de leur passion fusionnelle. Elle le prenait entre ses cuisses, le tenant tendrement tout contre elle, sa tête nichée dans son cou comme pour lui murmurer des mots doux. Elle lui caressait le dos ses doigts agiles, faisant vibrer son âme toute entière et libérer de son corps, les douces harmoniques d’une musique céleste. C’était le sien et je tente maintenant de le faire chanter en souvenir d’elle.
Eh, oui ! Belle évocation de la troublante émotion que procure le violoncelle, si sensuel, tant dans la façon d’en jouer que par les accents presque humains de sa « voix ».
Merci, Pierre.
De même, juste pour le plaisir…
à consulter aussi à partir de ce lien : http://niak65poletique.canalblog.com/archives/2021/10/28/39196140.html
————————————————————————————————-
Berlignes
Berlin ! Berline ?
Berlin… Berlin ! L’an crescendo…
Chute le mur et ses parpaings de parano.
Au beau milieu d’un vaste écho
de cris, de chants, bruits de marteau,
sonne un Cello joué par Rostro !
Eh ! C’est-y pas beau, mon pélot ?
Ils entendent verdir Mao
pleurer sa fin la Gestapo
(qu’avait Stasi pour renouveau)
mais, à l’ombre des socialos
frottaient leurs maints, les capitaux
Berlin ? Berlin, un siècle après ?
On s’est fait trop mal au poignet
pour s’indigner, pour s’opposer… ?
L’argent viral s’est installé
(que Marx avait tant redouté)
sur Reeperbahn et ses quartiers
de folies chères, désormais.
L’un tend la main pour un denier
dans la ville des gratuités
quand l’autre étale un gros billet
pour s’offrir un autre minet
Berline… Berline ! Viens à moi
Manqué le quart de mon octroi
(membre de l’orchestre, tu vois ?)
trois heures que je joue, déjà,
devant cette gare au sang froid
pour m’offrir de lever le doigt
vers un Uber, sans foi ni loi.
Pourtant, je l’ai roulée, ma bosse !
sur tous les continents; leur growth
doit rire de ma maigre noce !
Moi, j’ai rendu tous mes négoces
(l’aura pas fallu qu’on m’y force)
peut me châle d’y perdre un os
mais l’océan gronde, féroce !
Alors, je joue
– foin des marchés ! de mon archet en acajou
tiniak ©2021 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK