Une photo quelques mots n° 416

par | 13 Nov 2021 | Atelier d’écriture | 60 commentaires

@ Robert Collins

C’est à vous ! A lundi ! 🙂

60 Commentaires

  1. Cloud

    Lorsque j’observe la photo, ce danseur, aux muscles dessinés comme une planche d’anatomie me laisse perplexe. Il porte sur le dos une femme, frêle sans doute, mais probablement quand même une cinquantaine de kilos, ce qui n’est pas rien, et il ne laisse cependant apparaître aucun rictus, aucune souffrance.
    Parce que moi aussi, j’ai dansé dans ma jeunesse. Certes mon niveau était à faire fuir Terpsichore et pleurer Nijinski, mais je sais ce qu’est un « porté », comme on dit dans le milieu. Hisser le corps de sa partenaire est un exercice éprouvant. Lors des quelques représentations mémorables auxquelles j’ai participé, je me vois encore, rouge écarlate, à deux doigts de l’apoplexie, soulevant par la taille une danseuse de la troupe, souvent bien en chair, au visage marqué par la peur que je la lâche brusquement, et qui me regardait d’en haut réclamant pitié. J’imaginais à ce moment le public ressentir, impuissant, les mêmes angoisses. Il était venu pour voir des sylphides et se retrouvait devant une compétition d’haltérophilie. Les secondes devenaient pour moi interminables ; je priait pour que le Temps ne suspende pas plus son vol. Dieu merci, Monsieur Volkoff, notre vieux pianiste au smoking élimé, un exilé russe qui avait accompagné les films muets au début du XXe siècle, accélérait le rythme pour mettre un terme au carnage. Je laissais enfin tomber sans grâce ma partenaire sous des holàs de remerciements de l’assistance soulagée et me lançait, en dépit de mon collant tirbouchonné par l’exercice, dans des sauts écarts avec le sourire forcé d’un homme politique battu aux élections.
    Toute expérience, même cuisante, a ses vertus. Aujourd’hui, lorsque j’assiste à une représentation chorégraphique, je ne peux que m’émerveiller devant la prouesse des danseurs capables de masquer aux spectateurs les efforts incroyables qu’ils doivent déployer. Dans tout art, le talent est souvent de ne laisser percevoir au monde qui l’entoure qu’une émotion immatérielle.

    • Céline

      Je viens de finir le livre Étonnez-moi qui retranscrit tout aussi bien que votre texte la difficulté des portés. La confiance est au coeur de la réussite et cette photo le montre bien.

    • Photonanie

      Un témoignage qui sent le vrai, on a bien la perception de l’effort qui se réalise devant nous.

    • Latmospherique

      Quand on a les dessous de l’histoire on ne peut qu’être en admiration devant une telle scène! Et prouesse physique.

    • Janickmm

      C’est qu’il ne faut pas prendre à la légère le choix de la partenaire.

    • tiniak

      Lézard vivant : notre passion du mouvement, faite art vibrant, sous les graviers ministériels !

  2. Plume47

    Jambes en l’air
    Et pointes des pieds
    C’est leur vocabulaire
    A ces amants damnés
    Ils ont choisi cette grammaire
    Pour exprimer leur colère
    Bras levés
    Doigts écartés
    Dos courbé
    Posture élaborée
    Ils défient la gravité
    Devenus sourds à l’amour
    Ils ne savent plus s’aimer
    C’est fini pour toujours
    Terminé

    • Céline

      Très joli texte. Bravo

    • Cloud

      Superbe ! Bravo. Aborder cette photo en dialogue intime chorégraphique est une excellente idée, et de surcroît là bien retranscrite en poème.

    • Photonanie

      Ensemble mais séparés, chouette poème au désamour.

    • Latmospherique

      C’est tranché, tranchant, une danse qui sonne comme un adieu
      Bravo

      • Plume47

        Merci vraiment pour vos retours.

    • Janickmm

      Sont ils des survivants, tentent ils d’oublier l’inoubliable.?

    • tiniak

      Ah, bon ?

  3. Céline

    Bonjour. Voici mon texte du jour sur cette photo tellement significative pour moi.
    Bonne lecture et excellente journée.

    Trois ans…
    36 mois que ce drôle de crabe
    Est venu me pincer de l’intérieur,
    Bousculant le présent,
    Balayant le futur.

    Trois ans…
    À s’en remettre au corps médical,
    À se balader d’examens en consultations,
    À enrichir son parcours de soin de diverses spécialités,
    Son répertoire de contacts médicaux.

    Trois ans…
    À composer avec des effets secondaires
    Plus intenses que ce vaisseau indésirable.
    À accepter cette fatigue quotidienne,
    Cet esprit malhabile voire défaillant,
    Ses nouveaux traitements antidouleurs.

    Mais aussi et surtout
    Trois ans…
    Où de nouveaux rôles sont apparus,
    Où la charge de cet après-cancer
    Alourdit le quotidien,
    Barbouille le futur d’un opaque brouillard.

    Mais surtout j’aimerai tant
    Que l’on ne s’enferme pas
    Dans un duo patient/aidant
    Que l’on redevienne un duo d’aimants…

    • Photonanie

      Texte touchant, une interprétation très personnelle de cette photo de couple.

      • Céline

        Merci beaucoup.

    • Latmospherique

      Un texte poignant qui vient nous bousculer.
      Un final très bien choisi, un jeu de mot comme un souhait puissant qui n’attend que d’être entendu

      • Céline

        Merci beaucoup

    • Janickmm

      C’est exactement cela de l’amour en surdosage !

    • tiniak

      Un texte intime où ne manquent des rimes en ‘ase’…
      Mais j’en aime les phrases.
      Couraze !

  4. Cloud

    Ce texte est poignant, superbement exprimé. Et le désir formulé dans les dernières lignes apparaît comme un cri d’amour.

    • Céline

      Merci ☺️

  5. Photonanie

    Bonjour à tous, ma participation est ci-dessous mais également sur https://photonanie.com/2021/11/15/brick-a-book-416/
    Bonne journée.

    Il en avait littéralement plein le dos de cette bonne femme!

    Ils s’étaient connus à la salle de musculation, avaient échangé quelques sourires appréciateurs puis s’étaient rapidement trouvés dans le même lit pour le meilleur et pour le…meilleur.

    Il y avait deux ans déjà. Complètement obsédés tous les deux par leur apparence, ils prenaient des tas de produits anabolisants pour parfaire leur musculature. Aucun concours, aucun programme d’exhibition dans la région ou plus loin ne les rebutait. On les voyait partout, ensemble et sur la même longueur d’onde, créant de nouvelles figures à deux pour faire saillir leurs muscles.

    Tout allait merveilleusement bien jusqu’au début du printemps dernier. Elle commença par limiter sa consommation de produits dopants laissant ainsi rapidement fondre sa masse musculaire. il s’en étonna mais mis ça sur une lubie de régime ou autre fantaisie féminine.

    Puis elle commença à laisser traîner des magazines avec des photos d’enfants un peu partout dans leur appartement. Inutile de dire que le signal n’arrivait pas au cerveau masculin de son compagnon. A croire que les nœuds de ses muscles empêchaient l’information d’arriver jusqu’à ses neurones!

    Au fil du temps, l’horloge biologique de l’une avait pris de l’avance sur celle de l’autre, toujours obsédé par son corps.

    Hier elle lui avait carrément posé un ultimatum: tu me fais un enfant, très vite, ou je te quitte directement après l’exhibition de ce soir.

    Il savait qu’il vivait les derniers instants de leur couple et qu’il sentait pour la dernière fois le poids de sa compagne sur ses épaules. Il ne pouvait pas laisser tomber tous ses rêves et changer radicalement de vie, même sous la menace.

    Le spectacle fini, elle rentra une dernière fois dans leur logement pour emporter le bagage préparé discrètement au cas où malgré l’espoir qu’il partage enfin son envie de fonder une famille.

    Cette photo, devenue collector, est la dernière des “Musclamoureux” comme on les appelait dans le milieu.

    • Cloud

      J’aime beaucoup ce texte. Ah, être et paraître… Avec le temps, seul le premier demeure…

      • Photonanie

        La « beauté » extérieure si fugace et l’intérieure qui dure…

    • Céline

      Très beau texte sur les rouages d’un couple et de cette fichue horloge biologique

      • Photonanie

        Merci de ton commentaire Céline

    • Janickmm

      Beaucoup d’humanité !

      • Photonanie

        Merci à toi aussi Janick

    • tiniak

      « Il en avait littéralement plein le dos de cette bonne femme! »
      L’entrée en matière, toute littéraire, se confirme par la suite. C’est génial !

  6. Latmospherique

    La fin d’une relation…
    Les « Musclamoureux » je trouve que ça colle magnifiquement bien à la photo. Les deux vont de paire naturellement

    • Photonanie

      Et oui, tout passe tout lasse tout casse dit-on parfois. Merci Marie.

  7. Latmospherique

    Voici mon texte – poème:
    A retrouver sue mon blog: https://latmospheriquemariekleber.wordpress.com/2021/11/15/composition/

    Sur ton dos et tes os
    J’écris une histoire
    Celle de ces corps au désespoir
    Qui se mêlent et s’emmêlent
    Dans une danse funeste

    Ton corps plie sous le poids
    De mes membres lourds
    Comme ces secrets que l’on porte
    Et qui sur le cœur s’impriment
    Jusqu’à nous faire perdre le nord

    Tu t’arques et tu te crispes
    Il ne faudrait pas quelque regard
    S’incruste dans notre composition
    Ballet vengeur qui hurle l’abandon
    D’un combat déjà perdu

    Sur ton dos et tes os
    J’écris en arabesques
    Le temps qu’il nous reste
    A être acteurs de cette scène
    Avant de redevenir nous-mêmes

    • Photonanie

      Un spectacle pour le public et une réflexion en interne sur le temps qui passe…bien trop vite!

      • Latmospherique

        Oui le temps semble parfois nous abandonner à notre triste sort!

    • Céline

      Superbe texte !!!

      • Latmospherique

        Merci beaucoup Céline!

    • Janickmm

      Les coulisses de la danse et toutes ces questions qui déboulent dans notre inconscient.

      • Latmospherique

        C’est exactement ce que j’ai souhaité traduire. Merci!

    • tiniak

      Je reviens de ton blog, d’où je découvre, navré, qu’il n’y est pas possible d’y porter commentaire, alors je le fais là.
      Le mouvement de ton poignet imprime, sur ces quelques lignes, un esprit mouvementé !
      J’en ai savouré la dépense – le fait de se dé-penser au profit d’une image, pour le simple partage d’émettre sa pensée, cette fleur à cinq doigt… Comme ta main ouverte… (ou bleue, dirait ce cher Pierrot : Desproges). 😉

  8. Cloud

    Joli poème qui exprime avec beaucoup de sentiment ce paradoxe entre la fiction artistique offerte au public et la réalité intime des acteurs qui la jouent.

    • Latmospherique

      Merci beaucoup. Ce sont souvent des questions que je me pose. Où commence et se termine la fiction et la réalité?

      • Photonanie

        Alors tu devrais aimer te laisser emporter par le roman d’Alexandra (notre hôtesse sur ce blog) « La dixième muse »

  9. Janickmm

    Le contact charnel
    Le geste éternel
    Avec grâce et paresse
    Apprivoiser la caresse
    Être soi juste ici
    Être toi juste ainsi

    Les gestes lents domptés étudiés mis en scène nous portent, de pas chassés en regards croisés, se donner l’un à l’autre le meilleur, oublier l’autre, oublier soi, être deux.

    • Photonanie

      Un bel assemblage de couple.

    • Céline

      L’amour en construction et tout en délicatesse. Bravo

    • Latmospherique

      Un magnifique poème, un bel accord, une danse éternelle.

    • tiniak

      De danseur à dense heure : vibrance ! 😉

  10. lauravanel-coytte

    Indifférence et tolérance

    Autant j’aime passionnément la peinture, la sculpture, le cinéma, la photographie(et bien d’autres arts et choses), autant le spectacle vivant comme le théâtre,l’opéra ou la danse me laisse indifférente bien que je comprenne fort bien que d’autres puissent aimer ça. Je ne cours pas après mais si j’ai l’occasion, je ne le fuirais pas le spectacle. J’aimerais ou pas mais j’essaierais de comprendre, Je suis toujours ouverte à la surprise d’aimer, à la découverte de ce que je ne connais pas. En cela, j’ai été choquée,même si ce n’est pas dans la danse, par quelqu’un qui aime ce que je n’aime pas(je lui ai précisé que je pouvais concevoir son attirance) mais me dit qu’elle ne comprend pas et même trouve idiot que quelqu’un aime ce qu’elle n’aime pas. Où est la frontière entre mon indifférence(curieuse et ouverte) et son intolérance ?

    • Céline

      Belle interrogation sur l’amour à l’opposé

    • tiniak

      Insidieux serpentaire… Mais je me suis habitué à tes points de fuite.

  11. OLLIER Nicole

    Un, deux, deux fois deux, deux qui font un, la jambe droite d’elle en continuité de la jambe droite de lui, la jambe gauche de lui en continuité du bras gauche d’elle, les bras se dédoublent, les mains s’écartent en doigts dont la luisance transparente du haut contraste avec l’opacité sombre du dessous. Reflets de marbre, de celluloid. Nervures acérées des tendons et des muscles de lui, tracé des côtes et des plis du tissu d’elle, fuselé doucement galbé des muscles d’elle. Deux têtes en font une, deux chevelures se mêlent. Hercule soutient un monde, le tout, une araignée à huit pattes, inquiétante, envoûtante. Tissus chamarrés. Noir et banc, clair-obscur, létale piqûre.

  12. Janickmm

    Comme un scorpion !

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