Un petit carreau.
Le premier.
Celui de notre enfance. Nos jeux insouciants, main dans la main avec toi, soeur de coeur, double adoré.
Moi la blonde, elle la brune.
Un même chemin de vie.
Une voie royale s’ouvrait devant nous.
Rires et délires.
Un deuxième carreau.
Celui de notre adolescence. Les sorties, les interdits. L’apprentissage de la vie. Jalousie, amitié, amour. Mais toujours ensemble. Ta main dans la mienne.
Chemin rétréci, mais praticable.
En route vers l’âge de raison.
Un troisième carreau.
L’entrée dans l’âge adulte. Ta disparition. Ce gouffre en moi. Mes mains tendues vers ce vide. A jamais seule.
Voie sans issue, voie de garage. Une vie à recommencer.
Carreaux blancs.
A jamais brillants par ton absence.
Carreaux muets.
Inutiles à consulter.
Que dire à part le silence ?
Revenir alors sur d’autres carreaux.
Les colorés.
Nos jeux dans la cour de récré. Une vie à imaginer, à façonner.
Nos robes, marelle et mosaïque de notre vie.
Petits carreaux photographiques.
A jamais enterrés. A jamais figés.
© Leiloona, le 10 février 2013
Crédits photo © Romaric Cazaux
—————————————————————————————-
Le texte de Morgane :
CATHIE
Ma très chère Cathie,
Cette semaine, je prends ma plume pour t’écrire car je ne vais pas pouvoir venir jeudi : J’ai eu beau insister auprès de mon patron sur l’importance pour moi d’être libérée le jeudi matin mais il n’a rien voulu savoir … Il n’a pas cédé … Il veut absolument que je sois là lors de la visite de ses futurs (éventuels) clients anglais. J’ai de plus en plus de mal à le supporter ! Il est aussi aimable qu’une enclume. Je me demande s’il n’avale pas un balai tous les matins au petit déjeuner …
Je joins à ma lettre une photo de nous deux, enfants, retrouvée dans un tiroir d’une commode de Mamy Colette. Le vague à l’âme, nous vidons petit à petit sa maison dans le but de la mettre en vente pour couvrir les frais indécents de son placement en maison spécialisée. Le démon Alzheimer fait de plus en plus de ravage ce qui déculpabilise (un peu) ma mère de l’avoir placé dans cet endroit triste et médicalisé. Elle redoute le jour où sa propre mère l’appellera Madame lorsqu’elle franchira le seuil de sa chambre…
Te souviens-tu du jour où cette photo a été prise ? C’était lors d’une de ces fameuses soirées camping que l’on affectionnait tant. C’était toi qui avais pris l’initiative d’inventer pour l’occasion cette chorégraphie sur un tub de Claude François : « Alexandrie Alexandra » me semble-t-il …
Je me souviens de la petite fille volontaire et rieuse que tu étais alors … J’aimerais tellement revoir briller tes yeux de milles étoiles comme à l’époque. J’aimerais tant que tu retrouves le sourire. Je ne t’ai pas trouvé très en forme jeudi dernier et ça m’a attristé. Je voudrais tant que tu cesses de te renfermer dans ce sentiment de culpabilité. Il ne s’agissait que de défense : C’était lui ou toi ! Si tu étais coupable, tu serais enfermée pour plus de 20 ans et non 7. Enlève-toi de la tête que c’est de ta faute ! Tu n’en pouvais plus, tu étais à bout de force, à bout de d’espoir, à bout de tout … Et la haine a pris le dessus. L’issue de votre histoire était de toute façon fatale … Ces pluies de coups ne pouvaient plus durer. Avant que tu lui ôtes la vie, il avait ôté celle de l’enfant que tu portais sous une rafale de coups de pieds… Tu aurais été la prochaine.
Je suis là Cathie. J’ai toujours été là ; même quand tu m’as mise de côté pour éviter d’avoir à m’expliquer les marques sur ton visage. Je serais toujours là. Dans 4 ans, le jour de ta sortie, je t’attendrais devant cette grande porte bleue. Je tacherais de te faire goûter à une vie faite de petits riens qui forment le bonheur simple au quotidien. Plus que 4 ans et tu seras libre. Ma maison te sera grande ouverte.
Je te joins également un dessin fait spécialement pour toi par Lola.
Pierre pense bien fort à toi.
Je t’embrasse comme je t’aime. Tu accompagnes mes pensées chaque jour.
Ton amie de toujours.
Céline
—————————————————————————————-
Le texte de Jacou :
La vie
Robes à carreaux
Sucettes et dragées multicolores
Deux petites filles
Avancent vers leur avenir
L’une brune, l’autre blonde
Mais qu’importe
Elles sont là, elles sont bien
Tout le destin du monde
Est dans leurs mains.
—————————————————————————————-
Et voici vos liens :
Soène : La vie est belle
K Mill : Été 69
Yosha : Le fossé
Gaëlle : Mon trésor
Mamido : Les demoiselles de la Rochelle
Cardamone : Ensemble
Zelda : Soeurs
Quelle tristesse dans cet admirable texte, Leiloona.
Une soeur de coeur a parfois… ou souvent une place plus importante qu’une soeur de sang, surtout quand on est fille unique.
Je n’ai pas ressenti cette photo en tristesse.
J’espère que dans ton billet, tout est imaginé et que tu n’as pas vécu ce drame.
Bonne semaine & bisous d’O.
Hum, non pas vraiment. Mais perdre une amitié que je pensais réelle, oui, ça je l’ai déjà vécu.
Parfois l’amitié n’empêche pas le repli sur soi.
@ Leiloona : comme Soène ce texte m’a beaucoup touchée. L’image de cette « marelle de vie » est très belle.
@ Morgane : un texte dur, très fort et malheureusement d’actualité… même si la photo respire la joie et l’insouciance, c’est vrai qu’on n’imagine pas forcément un après heureux
@ Jacou : j’aime l’espoir qui se dégage de ce poème, en accord avec la photo
Merci Yosha, je ne pensais pas que cette image allait autant vous toucher. Je vous remercie de vos commentaires.
J’adore ce texte Leiloona. Cette image de la marelle est pleine de sensibilité. Belle semaine !
Merci beaucoup, Garance. 😉
Coucou,
Voici ma participation de cette semaine : http://espace-temps-libre.blogspot.fr/2013/02/atelier-decriture-n4.html
Je tire mon chapeau aux filles qui parviennent à écrire des poèmes aussi chouettes car j’en suis bien incapable. La poésie n’est pas mon genre littéraire préféré, je le trouve souvent trop abstrait, mais là non, c’est limpide et cela me touche.
@Morgane, ton texte est également magnifique. Il te prend là quand on le lis. Il faut bien faire une petite pause pour le digérer, l’intégrer.
Excellente semaine
Peut-être parce que ce texte oscille entre poésie et prose ? 😉
Merci. 🙂
Leïloona et Morgane: Deux beaux textes très forts et émouvants sur l’enfance évanouie et le souvenir ébloui qu’il laisse pour un après souvent décevant et difficile. Mais grâce à ce passé lumineux, les personnages arrivent à supporter les épreuves.
Jacou: La période précédente… Quand l’avenir qu’on entrevoit est encore plein de promesses.
Merci à toutes les trois pour la qualité de votre écriture.
Oui, je crois aussi que la force acquise lors de son enfance ne se perd jamais. Encore faut-il en avoir.
Pas eu le temps d’écrire cette semaine, même pas eu le temps de lire les textes de la semaine dernière…
En tout cas, merci pour vos jolies textes, particulièrement yosha dont j’ai trouvé l’histoire très jolie.
Bonne semaine!
Ludo
Oui, c’est une période super fatigante. Au boulot, c’est un peu Apocalypse Now en ce moment ! 😛
Superbe Leiloona, je réfléchissais hier à la mosaïque sur la robe, me disant, mon texte achevé, que je n’avais pas utilisé ce détail. Ton texte est superbe et poignant. Bravo !
Merci Gaëlle.
L’idée est venue après une première écriture. Hop, j’ai effacé le repmier texte, perdu à jamais dans les limbes. 🙂
Leiloona j’adore ton texte! Cette évolution est très bien retranscrite. Une vraie part de vérité..
Merci KMill.
Il manque pourtant quelque chose, mais je n’arrive pas à savoir quoi encore. Je reprendrai ce texte, je crois. 😉
Leiloona, très beau texte, très fort et émouvant. Très efficace le contraste entre la cadence ludique de la marelle et la noirceur du gouffre ouvert.
J’aime beaucoup le poème de Jacou aussi – simplicité et profondeur, ça vibre et laisse joliment songeur.
Morgane – Je ne m’y attendais pas -OUTCH! Dur et fort!
Merci Cardamone. 🙂 J’aimais aussi ce décalage entre le jeu de l’enfance qui nous envoie au 7è ciel, et la descente aux enfers de cette amitié, pourtant belle.
Hello Morgane,
Les photos de Leiloona nous entraînent dans des circonstances extrêmes…
Ton texte dévoile subtilement le triste histoire de Cathie.
Imaginés, certes, les récits que j’ai lus sont réels, malheureusement.
J’ai aimé ton billet même si c’est très triste.
Bises de Lyon
@ Jacou,
Serais-tu une incorrigible optimiste ? 😆
C’est vrai que l’enfance déborde d’espérance.
Bises de Lyon
Merci Merci Merci pour vos commentaires qui me font tellement de bien et qui me donne encore et toujours envie de sortir mon carnet et mon bic chaque week-end.
Beaucoup de jolis textes cette semaine : C’est hebdomadaire en somme …
Leiloona m’a « scotché » par son talent … (encore une fois…)
Le poème de Jacou est sucré et plein d’espérance : Comme l’enfance !
J’ai un gros coup de cœur pour la création de Zelda : Elle nous a plongé dans le regard d’une enfant face au handicap de sa sœur : J’ai été très touchée … Bravo !
Bonne semaine à tous
Bises Bretonnes
Oh, merci Morgane.
*smiley qui rougit*
😳
Soène
Je regarde les évènements; en tire des conclusions ou pas. Connaissant mon penchant pessimiste, je m’oblige à l’optimisme, ne voulant pas « plomber » la vie de mes proches. Et lorsque je vois ces deux petites filles, je voudrais tellement un avenir meilleur, pour elles, que celui qui semble se profiler ; sans tomber dans le « tout le monde, il est beau, tout le monde, il est gentil »; j’espère et essaie de participer, à ma façon modeste, à ce que les choses soient meilleures.
Bonne journée. Jacou
Un tempo parfait, Leil : bravo !
Merci beaucoup. Et pourtant, je n’étais pas contente de ce texte. L’idée était là, mais il m’a manqué un je ne sais quoi … Peut-être du temps pour travailler certains mots.
@ Morgane : Une belle amitié, malgré la distance, malgré le geste … Un texte fort.
@ Jacou : Si seulement nous gardions toujours cette foi en l’avenir …
Leiloona et Morgane : une photo positive, mais des écrits qui font apparaitre une ombre sur le « tableau ». Deux beaux textes !
Jacou : un joli poème positif et plein d’espoir pour l’avenir.