M’asseoir sur un banc, cinq minutes avec toi …

par | 18 Mar 2013 | # Parfois j'écris ..., Atelier d’écriture, Une photo, quelques mots | 32 commentaires

nuages

Nous sommes tous les deux assis sur ce banc. A la belle saison, nous y sommes tous les jours, à la même heure. C’est notre petit moment à nous, loin des tumultes de la vie.
Elle est là à mes côtés, je sentirai presque le tissu de son gilet si jamais je me penchais un peu. Mais elle est délicate, alors je fais attention de ne pas trop l’émouvoir. Si je m’écoutais, cela ferait bien longtemps que les choses auraient évolué  entre nous. Mais il ne faut pas la bousculer.

Du coin de l’oeil je l’observe : sa fine bouche laisse entrevoir un mince sourire, elle replace nonchalamment une mèche derrière son oreille droite. Elle semble avoir tout son temps. Elle tourne alors la tête, cligne des yeux : notre signal pour notre évasion.

Toujours assis sur notre banc, nous levons alors la tête vers le ciel. Les nuages nous emportent bien loin de chez nous, au-delà de notre histoire. Très vite, elle voit une baleine. Moi, je ne vois rien, ou du moins si. Je ne vois qu’elle. Alors, pour ne pas l’agacer, j’acquiesce. Oui, oui, bien entendu que je la vois ta baleine. J’aimerais plutôt trouver un bateau, il nous permettrait de partir d’ici, de quitter nos familles qui ne comprennent pas cette relation naissante entre nous.

Ils nous jugent, osent porter un regard noir sur ce sentiment si pur. Nous ne faisons rien de mal pourtant, sur ce banc. Nous imaginons une autre vie, une que nous n’avons pas vécue, une que nous pourrions vivre encore. Si seulement …

Malgré tout, il nous reste tout de même notre faculté d’imaginer un autre monde : embellir la réalité pour pouvoir la supporter …

Au loin, les nuages forment une guirlande d’avions. Avec un peu de chance, nous arriverons à temps pour le prochain vol pour Bahia …

Peut-être une prochaine fois, Véronique vient d’arriver et se penche vers nous :

– Madeleine, Richard ! Il est temps de rentrer. La soupe du soir va être servie. Vous reviendrez demain.

Je tourne alors la tête vers la douce jeune femme. Au loin, derrière elle, l’inscription en lettres noires de la maison de retraite se détache : « Clair Soleil ».

©Leiloona, le 17 mars 2013

Crédits photo © Romaric Cazaux

—————————————————————————————-

Le texte de Stephaniz : 

Dans le ciel de mon cœur

Etendus dans le pré, yeux tournés vers le ciel
Nos deux mains se caressent et nos cœurs se séduisent
Les papillons joyeux dans nos ventres aiguisent
L’appétit de nos lèvres et nos rêves pluriels.

Allongés sur le sable, yeux tournés vers le ciel
Nos deux corps enlacés, collés comme des aimants
Des projets plein la tête comme de jeunes amants
Nous goutons à la vie douce comme le miel.

Enlacés sur un banc, yeux tournés vers le ciel
Les nuages défilent comme annonçant l’orage
Ces bêtises, mon dieu, ne sont plus de notre âge
Pourquoi tant d’amertume, reproches au goût de fiel ?

Derrière la fenêtre, yeux tournés vers les cieux
Je contemple la neige qui lentement s’impose
Enrobant de sa ouate mon cœur aux airs moroses
Qu’il est loin cet instant où l’on tombe amoureux…

—————————————————————————————-

 

 

Le texte de Morgane : 

JEUX D’ENFANTS

 

Nous voici allongés dans l’herbe fraiche après notre longue balade dans cette campagne à perte de vue aux alentours de notre maison. Nous avons voulu profiter ensemble du premier dimanche ensoleillé du mois de mai.

Nous admirons le ballet des nuages cotonneux au dessus de nous ; ils se transforment sous nos yeux tantôt en vaisseau spatial, en dinosaure, ou en chapeau de pirate.

Je serre ta main dans la mienne et je me sens bien.  Prêt de toi, je me sens toujours parfaitement bien. Comme si c’était toi le maillon manquant de la chaine de mon bonheur.

Huit ans maintenant que tu es venu bouleverser notre vie. Nous sommes devenus parents grâce à toi et  avons eu la joie de connaitre ce sentiment très fort si souvent décrit par nos amis mais tellement incroyable qu’indescriptible quand c’est de votre enfant qu’il s’agit.

J’aime ton regard étonné, ton énergie comme ta joie de vivre. Je suis toujours en attente de tes éclats de rire, tes questions pertinentes et ton enthousiasme quotidien.

Le jeu des formes est maintenant remplacé par le jeu de la fée. Il s’agit d’exprimer notre vœu le plus cher si une fée avait l’idée de nous rendre une visite impromptue. Evidemment tu me parles d’une belle Ferrari rouge … Je me dis que cette réponse ressemble à celle que pourrait avoir ton père … Il doit y avoir un gène « voiture de sport » au niveau des chromosomes masculins.  Pour rester dans l’idée de la Ferrari, je te réponds que j’aimerais nous retrouver tous les trois, en un claquement de doigts, sur une plage des Seychelles. En réalité, je pense que si une fée venait réellement me proposer ses services, je lui demanderai de me redonner l’innocence propre à l’enfance ; celle que l’on perd au fur et à mesure de nos expériences d’adultes. Je souhaite que tu gardes en toi cette innocence le plus longtemps possible pour que tes pupilles continuent de briller, comme en ce moment, puisque tu viens de tourner ton visage souriant vers moi à l’idée de pouvoir te baigner dans une mer chaude parmi des poissons multicolores.

—————————————————————————————-

 Le texte de Jacou : 

 Que sont devenues les images d’Epinal ?

 

Magnifique jour ensoleillé. Il serait dommage de ne pas en profiter. Tenue chaudement confortable, chaussures de marche, me voilà partie en balade.

Les oiseaux pépient, se confiant leur joie de vivre une belle journée. L’herbe se redresse, reverdie de bonheur. Les taillis et les bosquets tentent de cacher leurs épines. Quelques feuilles mortes hésitent encore à se détacher des branches. L’air offre sa vie sainement fraîche. Le soleil, médaille dorée, m’accompagne. Le bleu céleste, digne de celui d’une peinture italienne, enjolive mes pensées.

Mais voici que celles-ci se troublent.

Quel est ce froid brutal, ce silence soudain ?

Le médaillon doré, enserré par des monstres noirs, ne parvient plus à éclairer le tableau idyllique.

Devant cet obscur oppressant, je me hâte.

Voici que j’entends : « Là-haut, au sommet de la colline, elles sont toutes là. »

–          De quoi parlez-vous ?

–          Ne voyez-vous donc pas au sommet de cette colline ces ombres furtives, ces bras levés vers le ciel, ces pauvres corps mutilés, torturés.

–          Je ne vois rien de ce que vous me dites.

–          Elles sont pourtant là, je vous le dis. Elles sont revenues.

Un vent glacé se lève, finissant de tirer le rideau noir, masquant définitivement les précaires rayons du soleil.

Alors, je vois.

Des feux follets, par dizaines, descendent la colline.

Les lumières révèlent, s’approchant de moi, des visages de femmes. Jeunes, vieilles ; parmi elles se trouvent aussi des petites filles.

Elles me parlent.

–          J’étais guérisseuse. J’ai été accusée d’empoisonnement…

–          J’étais veuve. Je soignais les gens. J’ai été accusée d’avoir rendu mon voisin stérile…

–          Accusée, accusée, accusée…..

Ces mots, cent fois, mille fois répétés.

Certaines pleurent.

–          J’ai dénoncé mes sœurs, mes cousines. C’était trop de souffrances. La torture…elles ont brûlé, comme moi.

–          J’ai été condamnée au cachot. J’ai été violée plusieurs fois par jour.

–          Je n’avais ni de quoi boire, ni de quoi manger, dans la geôle. Quand je n’ai plus eu assez de force, les rats m’ont attaquée…

–          J’ai eu le nez et les oreilles coupées. J’ai dû avouer…

Les mots tombent, implacables : torturées, crucifiées, accusées, brûlées.

–          Je n’étais pas instruite. Personne ne pouvait m’assister pour le procès, car tous craignaient d’être accusés de pactiser avec le diable.

–          Je ne savais ni lire ni écrire. Ils se demandaient comment pouvais-je connaître le pouvoir des plantes. Ma voisine a perdu son enfant. Une de ses vaches est morte en même temps. Tout le monde m’a accusée de sorcellerie.

–          Sur mon corps, ils ont cherché la marque du démon. Ils m’ont tondue, ont fouillé. A force de me piquer sur tout le corps, un hématome est apparu sur ma jambe. Ils avaient la preuve. J’étais une sorcière.

L’une d’elles évoque un rapport inquisitorial, « Le Marteau des Sorcières », ordonné par un pape.

Toutes ces femmes, tant de femmes, victimes. Maltraitées, parce que faisant peur. Responsables du péché originel… mœurs et  moralité mises en doute. Accusées de crimes imaginaires.

Elles dansent, se tenant par la main, ronde incertaine. Elles sont heureuses et graves.

Elles disent leurs malheurs, leurs souffrances. Elles rient, se réconfortent, repartent en une danse, endiablée, si j’ose dire.

Un crachin glacial tombe sur mes épaules. Je frissonne. Il est temps de rentrer.

Je leur fais un signe.

L’une d’elles me crie : « N’oublie pas ! Ne nous oublie pas. Fais savoir notre histoire.

L’an prochain, à la même date, nous t’attendrons, ici, sur la Lande aux Bruyères. »

Cette nuit –là, je fis un rêve. Des feux follets descendaient la colline.

C’étaient des femmes en burka, des petites filles excisées, des femmes défigurées, des femmes aux corps déformés par des brûlures, des femmes lapidées, des filles qui étaient traitées de putes, parce qu’elles portaient une jupe, des filles violées, victimes de tournantes…tellement de femmes d’aujourd’hui, de tous les continents…

—————————————————————————————-

 

Le texte de Ludovic :

S’allonger un moment dans les herbes vertes
Et regarder en silence, passer les nuages
Oublier les ennuis de l’automne de l’âge,
Et savourer de la vie, ce qu’il en reste.

 

—————————————————————————————-

 Voici vos liens : 

Stéphanie : Helline

KMill : Les larmes d’une photo

Yosha : Les prochaines vacances

Gaëlle : Regarde le ciel

Cardamone : Dans l’obscurité

Soène

Didi

Jean-Charles : Contrejour

Cess : Le Choix

Lucie

Lilou : Les nuages moutons

Garance : Qui voit quoi ? 

32 Commentaires

  1. Ludovic

    Salut a tous,
    Je reviens vous lire très vite, je suis en retard pour mon texte…
    Voici donc ma petite contribution:

    S’allonger un moment dans les herbes vertes
    Et regarder en silence, passer les nuages
    Oublier les ennuis de l’automne de l’âge,
    Et savourer de la vie, ce qu’il en reste.

    • Leiloona

      Texte remis « en haut ». 😀

    • Leiloona

      Et on retombe en enfance à chaque fois. ♥

  2. lucie

    l’innocence perdue, des amoureux de tout âge sur des bancs, cette photo vous a inspiré des personnages teintés de douceur, de mélancolie parfois.

    • Leiloona

      Oui, et des textes légers aussi, comme le tien ! 😉

    • Leiloona

      😆

  3. bladelor

    Très joli ton texte !

    • Leiloona

      Merci ! 😀

  4. Yosha

    @ Leiloona : j’aime la délicatesse de ton texte, cet amour naissant symbole d’évasion
    @ Stéphaniz : j’aime ces saisons, ces émotions qui passent comme des nuages
    @ Morgane : encore une fois vraiment touchée par ton texte, la façon dont tu parles du ressenti en tant que parent est très juste et c’est beau ce souhait que son enfant garde son innocence le plus longtemps possible
    @ Jacou : on bascule dans le fantastique sans crier gare, avec un message fort derrière

    • Leiloona

      Merci, Yosha. ♥

  5. Yosha

    @ Ludovic : un beau moment de contemplation, de vie

  6. Soène

    Leiloona, j’aime ces amitiés de « Vieux ». Les liens se nouent dans les maisons de retraite, et à deux la vie prend d’autres couleurs.
    C’est tendre et pudique.
    Une belle histoire que tu as imaginée mais qui arrive souvent. S’évader de nos vieilles carcasses, ça permet de ne plus penser à l’environnement pas toujours idéal pour ces dernières demeures.
    Bonne semaine et bisous d’O.

    • Leiloona

      Tendre et pudique, oui, c’est joliment dit.

  7. Jean-Charles

    @ Leiloona : Je ne m’attendais pas à cette fin mais c’est joliment fait et sûrement proche de la réalité.

    • Leiloona

      Ah oui ? A laquelle t’attendais-tu ? 🙂

  8. stephaniz

    Très beau texte jacou. Il est vrai qu’aujourd’hui encore les femmes sont loin d’avoir la place, le respect et la considération qu’elles devraient avoir…

  9. Leiloona

    Stephaniz : Désolée, je n’ai pas répondu à votre mail. J’espère que cette expérience vous a plu et que vous trouverez certaines réponses à vos questions. 🙂

    En tout cas, le regard ici est bienveillant, la critique, si critique il y a, se veut toujours constructive.

    J’aime beaucoup certaines expressions, comme « nos rêves pluriels ». Très évocatrices.

  10. stephaniz

    @Leiloona : Merci pour votre réponse et ces propositions d’ateliers en tous les cas forts sympathiques.

  11. Leiloona

    Morgane :
    Je me dis que malgré tout, malgré les désillusions, on peut aussi poser un regard enfantin, mais non superficiel ou dénué de tout sens, sur ce qui nous entoure. A nous, adultes, d’essayer de retrouver ce regard. Pas forcément évident, mais ce regard donne tellement de force qu’il est indispensable d’en garder un peu en soi. 😀

  12. Leiloona

    Jacou : un texte extrêmement puissant car nous sommes dans le merveilleux et les légendes pour ensuite basculer dans la sombre horreur, la plus cruelle qui existe.
    Prenant et déroutant.

  13. Leiloona

    Ludovic : Un poème pessimiste … « Ce qu’il en reste » : le prendre à pleines dents; le goûter et ne rien laisser derrière soi. Le temps est précieux, faisons-en attention, oui.

  14. Cardamone

    Leiloona, superbe texte, si empreint de tendresse et de délicatesse

    Jacou, j’aime l’étonnante atmosphère de ton texte, cet étrange défilé, danse – Bien bel hommage à ces femmes.

    Ludovic – Tout simple en apparence, et si juste – j’aime beaucoup.

    • Leiloona

      C’est gentil, merci ! 🙂

  15. Kmill

    J’adore ton texte plein de poésie Ludovic, il nous laisse le choix de vagabonder à notre libre imagination.
    Leiloona, j’ai beaucoup aimé ton texte également, une jolie histoire

    • Leiloona

      Merci Kmill ! 🙂

  16. Gaëlle

    Superbe Leiloona…

    • Leiloona

      Merci, Gaëlle ! ♥

Soumettre un commentaire