Regarde-les, Jocelyne,
A se tourner autour
A rire à gorge déployée
Ne perdent-ils pas leur temps
A ne pas goûter au plaisir de la chair ?
Savent-ils déjà
A quel point le temps passe vite ?
A quel point hier encore tu accrochais
Des guirlandes de fleurs dans tes cheveux ?
Le lac n’est-il pas le miroir de nos vies ?
Une mise en abyme du temps désormais derrière nous ?
N’est-il pas le reflet de nos belles années,
Une projection de ce que nous fûmes
Deux êtres éperdus d’amour
Mais aujourd’hui encore, Jocelyne,
Mes bras t’enserrent, mon coeur te bat la chamade
De l’herbe folle s’est collée à toi
Comme autrefois.
La plus grande perte, la nôtre, marche déjà dans notre ombre.
Ne nous retournons pas
Profitons surtout de nos dernières années.
© Leiloona, le 16 juillet 2013
Le texte de Morgane :
Je m’étonne encore de sentir cette douce chaleur m’envahir lorsque Yvon fait preuve d’une telle tendresse en public. Il est vrai que je ne suis pas ce qu’on peut communément appeler une habituée de l’amour …
Autant que je m’en souvienne, j’ai toujours été une solitaire … Toute petite je savourais mes instants de calme rêverie au fond du jardin avec pour seule compagnie les lapins grignotant au fond de leur clapier. À l’adolescence, mon physique jugé ingrat me réservait les moqueries des filles et n’attirait pas le regard des garçons. C’est à ce moment là que les livres ont comblé ma solitude : je me suis réfugiée dans des histoires plus variées les unes que les autres. Les années ont défilé et j’ai fait des livres mon métier ; je suis donc devenue libraire mais aussi « vieille fille ». Mes parents ont longtemps cherché une explication à cette situation apparemment inconvenable et n’ont pas toujours été très délicats dans leurs commentaires. Ma sœur cadette a été placée sur un pied d’estale car mariée avec trois enfants ce qui me fait me sentir tel un canard noir face au cygne blanc lorsque je suis face à elle.
Ma solitude ne m’a jamais pour autant réellement pesée ; je ressens un sentiment de destinée voir de fatalité … Ma vie me paraît riche et heureuse entourée d’histoires extraordinaires ; je partage le plaisir des mots avec mes clients devenus habitués.
Yvon était lui aussi un habitué de mes rayons ; nous avons longtemps partager nos lectures puis nous nous sommes donnés rendez-vous pour quelques cafés en tête à tête pour finalement partager un dîner où il a osé m’embrasser plus que timidement. Une tendre complicité est née entre nous. Bien sur nous sommes à mille lieux de l’histoire passionnelle de « out of Africa » mais les moments passés ensemble nous remplissent de bien être et d’un sentiment de jeunesse il faut bien se l’avouer …
Nous admirons ce jeune couple assis en face de nous qui apprécient autant se chamailler que de s’embrasser et imaginons notre rencontre si elle s’était produite 20 ans plus tôt … Ça nous fais rire : nous savourons l’instant … …
Le texte de Za :
Elle avait dit : « Je pourrais tuer quiconque essaierait de nous séparer. Je n’ai jamais fait de mal à personne, mais un mot, un geste, un doute, et je pourrais étrangler le conspirateur, lui faire avaler ses paroles, bien profond. Je pourrais le jeter du haut de la falaise, là où les calanques plongent, où on ne revient pas du vertige. »
Il avait passé un bras autour d’elle, sans rien dire.
« Regardez ailleurs et laissez-moi le regarder. »
Elle avait alors plongé dans l’eau glacée de ses yeux, sans vergogne, en dégustant chaque goutte. Elle s’était collée à lui, chacun formant le rempart de l’autre. Le genre de tableau qui irrite les culs serrés, qui affole les culs bénis. Elle avait le chic pour savoir ce qui choque. Mais elle ne faisait pas semblant.
« Que m’importent les ans et le regard des autres,
Que m‘importent les ans, la raison et vous autres,
Que m’importent les ans et ce qui nous sépare,
Que m’importent les ans, le diable vous emporte,
Peu m’importent les ans et la mort, vaste blague. »
Vos liens :
K Mill : Le temps d’un pique-nique
Yosha : Hanté
Cess : Se perdre et se retrouver
@ Leiloona : c’est vrai qu’on peut imaginer un miroir avec un décalage dans le temps à partir de cette photo, joli texte qui nous fait réfléchir sur l’amour et le temps qui passe…
@ Morgane : j’aime la richesse de ton texte : cette femme qui subit la solitude, surtout à cause des regards et commentaires malveillants et la comparaison avec sa soeur elle « dans la norme ». J’aime qu’elle trouve son refuge et mille autres vies dans les livres. Et bien sûr, qu’elle rencontre enfin cet amour qui n’est pas réservé aux jeunes ou aux beaux… grâce à ses chers livres en plus !
@ Za : presque effrayant cet amour ! J’aime beaucoup la ritournelle finale.
Un miroir virtuel, oui ! 😉
Morgane : j’aime bien ce texte, une certaine douceur s’en échappe ! 🙂
Za : Les mots, les phrases prennent aux tripes : une belle authenticité se dégage du texte.
Merci pour cette participation ! 😀 Sois la bienvenue, et surtout n’hésite pas à recommencer. Il paraît, tu verras, qu’on y prend goût ! 😀