Il m’arrive très souvent de te rêver statue. La ligne parfaite de tes traits à jamais dessinée et figée dans cette peau de marbre. D’autres après ma mort te regarderaient, se pâmeraient devant ta beauté évidente et éclatante.
Ce soir, pourtant, tes traits sont tirés, fatigués par une guerre lasse et sans paroles. Je suis redevenue vierge de toi. Ton regard baissé ou bien tourné vers un ailleurs, tu rêvasses. Ton index parcourt alors la fine arête de ton nez et à mon tour je me plais à te transcender.
Le fusain m’aurait permis de croquer cet instant, les ombres seraient ressorties plus brutes. J’aurais alors accentué ces nouveaux sillons autour de tes lèvres, accentuant le défilé des âges. La ride entre les deux yeux aurait marqué une frontière que je ne peux plus dépasser.
L’aquarelle n’aurait pas rendu grâce à ton caractère fait de relief et de tourments, elle n’aurait que délayé de façon antithétique ton visage d’aiglon et t’aurait fait autre.
Le marbre, au contraire, cette matière noble d’un autre âge, fixerait tes courbes et déliés. Ma décision est prise : ce soir commencera ma dernière oeuvre. La tienne.
Une ultime fois, je parcourrai l’ovale de ton visage, la boucle de tes cheveux. Je leur ferai violence pour leur donner forme : je taillerai dans la masse et esquisserai tes contours, puis le ciseau viendra suppléer à la masse, pour finir je polirai chacun de tes recoins. Je t’enfanterai dans la douceur : un autre Toi naîtra alors …
Voilà plusieurs décennies maintenant que tu m’as quittée. Je suis une vieille dame aux doigts décatis, aux cheveux gris et désordonnés.
Mais dans mon jardin tu veilles toujours. Le regard, toujours fixé vers un ailleurs que je n’ai jamais compris.
© Leiloona, le 6 mai 2013
Crédits photo © Leiloona
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Le texte de Jacou :
Heures de gloire
Figé pour l’éternité
Avec ma gueule au nez cassé
Que je n’ai pu faire arranger.
J’étais beau, comme un dieu grec
Jeune et en bonne santé,
Cheveux bouclés, si joliment,
Que d’Athènes, tous les bergers,
D’envie, en palissaient.
Pour le concours du plus bel homme
Que la terre n’eut jamais porté
Inscrit je m’étais.
Ma gueule, à l’égale de celle des dieux d’Olympe,
Avait juste ce qu’il faut
Nez aquilin, lèvres ourlées.
Tenter ma chance, je décidais.
Succès féminins et masculins,
Me laissaient à penser
Que ce concours, pour moi, était fait.
Le jour dit, il y avait foule.
Phénomènes de foire, musculatures hypertrophiées,
Des gominés, aussi, il y en avait.
Cohorte de coachs, admirateurs, admiratrices.
Chacun roulait les mécaniques,
Gonflées aux anabolisants
Tablettes de chocolat,
C’en était même indécent.
Et moi, au milieu de tout cela,
Aucun ne m’arrivait à la cheville,
Tous sur-vitaminés, surentraînés.
Ephèbe, dans toute cette splendeur,
Dont la nature m’avait doté
Sans rien y ajouter.
Ni aide, ni artifice,
J’étais moi, le seul, l’unique.
Je regardais cet étalage de chair virile,
Pressentant bien qu’aucun,
Face à ma beauté naturelle,
Ne ferait le poids.
Je jouissais à l’avance du moment
Où, fièrement triomphant,
J’arborerais l’écharpe du vainqueur.
De mon avenir glorieux, j’en étais là,
Lorsqu’ un petit avorton m’apostropha.
De métèque me traita.
Un violent coup m’assomma.
Etourdi, innocent,
Vers le concours je me hâtais.
Quel ne fut pas mon dépit
De constater que celui-ci
Etait fini.
Un badaud, qui traînait là
Alors, me dit :
« Ne regrette pas
De ta mine outragée
Tu n’avais rien à espérer.»
Interloqué, de me mirer,
Je demandais.
Piètre figure, je découvrais.
Au visage me sauta la vérité,
Dans toute sa trivialité.
De ce béotien, en un instant
Le juif errant, j’avais été.
C’est ainsi, qu’aujourd’hui
De ce pâtre grec, que vous admirez,
C’est son sosie que vous voyez,
Figé pour l’éternité
Avec sa gueule au nez cassé
Qu’il aurait bien voulu faire arranger.
Le texte de Roswelette :
Nous ne nous connaissons pas.
Que se cache-t-il derrière ce visage impassible ?
Nos regards se croisent
Nos vies s’effleurent
Tout vacille, mais dans quel sens ?
Angoisse du doute…
Peut-être oserais-je faire un pas vers toi
Peut-être oserais-je prendre t’entourer de mes bras
Et déposer sur tes lèvres le souffle d’un baiser
Pour sceller la promesse silencieuse
D’un bonheur à venir
Voici vos liens :
K Mill : Statue
Yosha : Vestige
Céline : Retour sur Terre
Cardamone : Prendre l’air
Cécile : La statue de l’amant
voici mon lien leil, je passe vous lire dans la soirée : http://facetiesdelucie.canalblog.com/archives/2013/05/06/27080660.html
Je l’avais déjà ajouté ! 😉
Et voilà le lien pour cette semaine !
http://les-lectures-de-cecile.over-blog.com/article-une-photo-quelques-mots-4-la-statue-de-l-amant-117517431.html
Je reviens plus tard pour lire vos textes ! 🙂
Ajouté aussi ! 😀
leil et jacou j’aime vos textes où des hommes sont figés tels statues de sel dans un passé glorieux, ou pas…
J’ai bien aimé aussi nos textes où l’art était souvent au centre !
mouais moi j’ai fait dans l’art culinaire…
Leiloona : ton texte est à couper le souffle, je l’ai trouvé très beau et emprunt d’une forme de magie
Oh, ton commentaire me touche beaucoup, Kmill. Merci.
Je ne connaissais pas ce personnage… tu as bien fait de garder le mystère Leiloona les textes auraient sûrement eu moins de diversité ! J’aime tous les chemins que votre imagination a pris. Bonne semaine !
Oui, c’est aussi ce que je me suis dit : autant ne pas vous orienter ! 😉
Céline, si jamais tu passes par là : je ne peux laisser de commentaire sur ton blog car la publicité placée devant le code m’empêche de prouver que je ne suis pas un robot. :/
Jacou : J’aime bien la forme prise pour raconter cette histoire, cela donne un p’tit côté populaire que j’aime bien. J’aurai bien vu Brassens la chanter, par exemple ! 😀
Leiloona : je viens de voir qu’en effet le système est très contraignant. Forcer à voir une pub pour laisser un commentaire, c’est n’importe quoi. Merci de me l’avoir signaler, je n’y avais jamais fait attention. Bref, j’ai enlevé tout ça.
Sinon beau texte, je trouve que tu fais de très belles descriptions.
Merci Céline ! 🙂
J’ai oublié de te le dire la dernière fois déjà …
Cette fois-ci, j’ai regardé la pub, mais le code n’est pas apparu pour autant … Cela dt, j’ai des gènes de quiche blonde en moi …
J’ai fredonné tout de suite, en voyant la photo, les premières paroles du Métèque de Moustaki, ce qui m’a inspirée pour la suite ;mais Brassens, j’aime bien aussi.
Cet Antinoüs, homme du passé, a suscité des textes très beaux,(sans doute à son image), mais décrivant un futur sans laisser beaucoup d’espoir. Influencés par les temps présents?
Ah ben oui, Moustaki fonctionne très bien aussi ! Comme quoi, tu as bien retranscrit tes impressions ! 🙂