Et voici la photo du 328è atelier d’écriture.
Les textes seront publiés en commentaires, ci-dessous le lundi 24 juin. Je vous remercie de respecter cette date, car (selon moi) il est important d’avoir un regard neuf sur une photographie. Si jamais certains participants publiaient leur texte avant cette date, ils influenceraient les autres.
Je vous donne rendez-vous dans 8 jours.
Coucou Leiloona
Bien noté. L’image me parlera peut-être plus tard dans la semaine 😉
Entre temps, belle semaine et gros bisous
Il est 23h58, la lumière du balcon du haut vient de s’allumer, je le vois parfaitement à travers la porte vitrée. Cynthia est en avance aujourd’hui, il ne devait pas y avoir grand monde à la fermeture de la boulangerie.
Le balcon s’encastre parfaitement dans le cercle de mes jumelles, plus rien ne peut me perturber.
Sa silhouette passe une première fois derrière la porte fermée. Puis elle revient, s’arrête et ouvre la fenêtre pour laisser passer un peu d’air frais. Le contre-jour me permet à peine de distinguer sa petite robe rouge à carreaux mais dessine parfaitement ces hanches que je connais si bien. Elle reste là quelques instants, s’allume une cigarette et disparaît.
Je ne vois plus qu’une ombre sur le mur du fond. Un bras se lève pour ouvrir la porte du placard, l’ombre pivote sur elle-même pour mettre le café dans la machine. La vapeur de l’eau en ébullition fait une ombre délicate sur le mur, puis s’arrête. Le bras se déplie de nouveau, mais à l’horizontale pour verser le café. Elle réapparaît de profil, une tasse fumante à la main.
Avec le même geste délicat que d’habitude, sa jambe gauche se soulève légèrement pour faire levier derrière son pied droit, puis l’autre jambe fait la même chose. Elle est maintenant un peu moins grande, juste la taille parfaite pour pouvoir l’embrasser.
La tasse prend de la hauteur pour rejoindre ses lèvres délicates, mais comme le café est brulant elle se penche en avant pour la poser sur le balcon. Malheureusement je ne peux pas voir son décolleté, la rambarde me bouche la vue. Elle se relève et ses mains passent dans son dos pour défaire la fermeture éclair de sa robe, puis elle disparaît vers la droite.
Quelques minutes plus tard elle repasse dans la lumière et disparaît à nouveau. En un instant j’ai pu voir très distinctement la courbure de sa poitrine et ses fesses rebondies. Moins d’une minute plus tard la revoilà, enveloppée dans son peignoir translucide. Son café est maintenant moins chaud, elle reprend sa tasse et sort sur le balcon.
Elle profite de cet instant dans la brise rafraichissante puis s’accoude sur la rambarde pour regarder la rue. La petite brise s’engouffre dans son décolleté relâché, et se croyant seule elle laisse le tissu s’écarter de sa poitrine, ce qui dévoile par intermittences la face interne de son sein gauche.
Quand elle croise les jambes mon ami le vent me fait un nouveau clin d’œil en insistant sur le haut de ses cuisses. Pour réajuster son peignoir elle n’a pas d’autre choix que de l’ouvrir pour recroiser les deux pans, et serrer la ceinture. Durant deux secondes elle est là, totalement nue, totalement nue uniquement pour moi.
Son café terminé elle reste encore une minute à prendre le frais, puis retourne dans son appartement, referme la fenêtre et tire le store. Je sais que c’est fini pour aujourd’hui.
Je prends le poème écrit pour elle cet après-midi, je plie le papier pour en faire un avion qui volera jusqu’à son balcon.
Comme tous les soirs il part dans la bonne direction, est dévié par je ne sais quel malheur et s’écrase dans le caniveau.
Comme tous les soirs je souhaite une bonne nuit à mon oreiller.
Comme tous les soirs sa beauté m’empêche de trouver le sommeil.
Comme tous les soirs je me répète la phrase que je serai incapable de lui dire en achetant ma baguette demain matin.
Un texte frais en ce début d’été. Un jour elle recevra ton joli poème, j’en suis sûr. Très joli texte rafraîchissant, bravo Terjit.
Texte avec une belle sensualité. J’aime bien le côté fantasme de cette femme versus la réalité quand il s’agira d’acheter sa baguette de pain.
(Suis ravie de te relire.)
On minimise trop souvent l’effet papillon d’un avion détourné, fut-il en papier 😉
Très joli. On aimerait poursuivre la lecture, laisser encore le regard et les mots glisser vers l’appartement d’en face…
Ravi de te lire à nouveau. L’ambiance, les nombreux détails simples, la légèreté de l’avion/poème qui s’envole m’ont enthousiasmé. Tout comme la fin où on retrouve la gaucherie d’un adolescent. Bravo.
Touchant et plein de sensualité.
sensuel et terriblement hot
Bravo ! Vous avez bien réussi à échapper à cette photo si dure avec une très belle histoire…
Subtil et délicat, j’aime bien ces situations légèrement équivoques que tu as excellé à décrire ou comment détourner (pas l’avion) une photo pour en faire ce qu’on a décidé d’écrire soi …
Une parfaite symétrie
ressort de cette photographie.
C’est impressionnant
tellement les deux étages sont ressemblants !
Ils me font penser à nos jumeaux.
A la naissance, ces deux clones étaient très beaux.
Mais on les regardait plus avec curiosité,
à la recherche de la moindre disparité.
Ce blanc presque chirurgical supposé
semble usé.
Un peu comme notre monde où tout est normé,
Cadré, dirigé, policé, fatigué…
De rares touches de belles folies
se distinguent parfois à travers lui,
comme l’usure par le temps
des murs de ce bâtiment.
Mais à bien y réfléchir,
Ce qui différencie nos jumeaux et le monde de cette façade à rafraîchir
c’est un lien irréfutable
qui existe entre eux en dose parfois infinitésimale ;
mais il est si fort
que la vie aime y prendre corps !
Dans le premier cas on l’attribue à la gémellité,
Dans le second, on le nomme Humanité.
Un point commun entre nous: la gémellité mais le traitement est tout différent. On sent que tu sais de quoi tu parles 😉
Beau texte. La démonstration est parfaite et pleine d’affection.
ouah….rébellion et révolte quand tu nous tiens
Un lien puissant, oui. Tout comme l’est ta dernière phrase ! J’ai beaucoup aimé.
La phrase finale qui donne la force du texte. C’est bien de soigner les fins.
Hello Kroum
Ta symétrie t’a mené sur un autre chemin que le mien.
Semblables et différents et tellement fusionnels, les jumeaux. J’aime beaucoup ton analyse et la poésie qui se dégage dans ton billet.
Bises de Lyon
Kroum, encore une réflexion très personnelle 😉
Fille unique, comme j’aurais aimé avoir un jumeau ou une jumelle…
Je suis envieuse de la facilité (très apparente ..) avec laquelle une histoire comme celle-ci s’écrit en poésie. Bravo pour la symétrie
Elle aimait la symétrie. Sans doute à cause de son métier. Alors que bien des architectes aiment se démarquer et créer « farfelu », depuis sa première année d’études, elle avait choisi de rester dans le classique absolu, avec des lignes droites et épurées, dans un style sobre, presque austère -comme sa vie- s’alliant aux couleurs neutres, toujours dans des nuances de gris.
En façade seulement. Le « paraître » était pour elle très important. Sans doute à cause de son éducation. Ses années d’uniforme en marine et blanc avaient laissé des traces dans ses souvenirs et sa façon de vivre. Rester droite en toutes circonstances, ne pas se faire remarquer, s’imposer une discipline rigoureuse, tout cela elle l’avait appris de ses parents et pendant son parcours scolaire.
La fantaisie ne semblait pas guider ses pas, même si parfois elle se débridait et cassait les codes, à l’intérieur.
D’aussi loin qu’elle s’en souvienne, elle rêvait de s’inscrire au Concours des Pensionnaires de l’Académie de France et d’être accueillie toute une année à la Villa Médicis, à Rome. Sans doute à cause du don de son père pour le dessin.
Pour cela, elle avait imaginé la restauration du Fontago dei Tedeschi, « l’entrepôt des Allemands », en obstruant délibérément de nombreuses fenêtres derrière un matériau révolutionnaire qui filtrait la lumière. Quelques trouées blanches en trompe-l’oeil agrémentées d’un faux balcon étaient la seule fantaisie qu’elle concédait pour cette métamorphose, façon « container ».
Elle prenait un risque. Sans doute à cause son petit grain de folie intérieure. Et elle était une battante ne baissant jamais les bras. Soit son projet serait rejeté d’office, soit alors son audace enthousiasmerait le Jury. Elle ne doutait pas de la curiosité des jurés et savait qu’elle les subjuguerait par la découverte de l’intérieur du bâtiment séculaire. Il leur suffirait juste de pousser la porte…
J’aime bien l’idée de l’architecture en trompe l’œil. Je photographie souvent des façades étonnantes avec peut-être, parmi elles, celle de ton héroïne 😉
😆 PhotoNanie, parfois je suis bien inspirée par la photo de Leiloona.
Et comme en ce moment, mes lectures beaucoup autour des peintres italiens du 15e et 16e siècles, j’ai eu un « coup de plume » !
Gros bisous
Ne pas se fier qu’aux apparences évidentes, révèlent aussi de jolies surprises! Je vais la pousser, moi cette porte, curieuse comme je suis 🙂
Je t’en prie, pousse 😆
Dans la vraie vie, on a aussi parfois de jolies surprises, en persévérant 😉
Gros bisous
@Soene
J’ai beaucoup aimé. Ce personnage à plusieurs facettes est touchant. Merci et bravo.
Merci Anne Marie
Bises de la Métropole lyonnaise
Beaucoup de choses dans ton texte : la construction d’une personne avec ses différentes facettes, la construction d’un bâtiment qui lui ressemble. L’un comme l’autre laissent apparaître des choses mais en sont d’autres à l’intérieur. Intéressant.
Merci Valérie
J’aime bien que tout soit « carré ».
En écrivant, je me suis retrouvée pas mal 😉
Bises d’O.
Moi aussi j’aime beaucoup l’idée de trompe l’oeil. Ton texte offre plusieurs angles et c’est très réussi.
Merci Cloud
Le trompe l’oeil est le plus souvent esthétique et énigmatique 😆
Bises d’O.
Toi aussi tu as été frappé par la symétrie dans cette photo. J’ai beaucoup aimé ton histoire et j’espère qu’elle poussera la porte, mais sinon elle a encore toute sa vie pour prendre confiance en elle.
Merci Kroum
« Elle » est architecte, elle est pleine de ressources 😉
Bises d’O.
Hello Kroum
J’y ai vu une façade « idéale » 😆
Dès que j’ai un moment, je retourne chez Leiloona pour te rendre la politesse 😉
Bises d’O.
Ce n’est qu’en proposant l’originalité qu’on permet d’avancer.
Oui, il faut « se démarquer » Leiloona
mais positivement 😉
Gros bisous
Tu as tout à fait raison, Leiloona
@ bientôt avec une autre de tes photos 😉
Gros bisous en attendant
Discipline et fantaisie font-elles bon ménage ? Avec le temps sans doute…En osant pousser les portes, en se demandant quel est l’enjeu et en avançant sur son chemin en visant haut..
Et surtout préserver sa folie intérieure …
Quelle belle philosophie, Apolline 😉
Toi m’a p’tite folie, un petit grain de fantaisie dans la vie c’est tellement bon 😆
Bises d’O.
Cette nuit là, Franz avait été en proie à un cauchemar récurrent. Il s’était de nouveau retrouvé, lui le retraité paisible de 70 ans, juché à trois cent mètres de hauteur sur le balcon étroit de l’une des deux seules ouvertures d’un gigantesque bâtiment en tôle ondulée uniforme, sans fenêtres, qui ne laissait entrevoir aucune vie apparente. Face à lui, un ciel gris et blafard surplombait un vaste désert de pierres monotone. Empreint de la totale désespérance que causait ce sentiment d’isolement et d’abandon, il pensait, toujours dans son rêve redondant, subir là un châtiment suprême pour l’éternité dont la seule issue possible était de se jeter dans le vide. Seule l’hypothèse de participer à son insu à une télé-réalité pour seniors supervisé par le CSA l’empêchait de passer à l’acte.
Une fois réveillé, Franz considérant avoir été suffisamment perturbé par l’absurdité de son imaginaire cyclique, décida, après son petit déjeuner pris avec quand même grand appétit, de laisser un temps de côté ses lectures régulières de Kafka et de Camus.
En fin de matinée, il se mit à la terrasse de son coquet logement alsacien de Niedermorschwir, caressa longtemps ses géraniums qui retombaient délicatement sur les colombages bien entretenus. Le regard tourné vers le paysage qui s’offrait devant lui, il eut un frisson fugitif devant l’alignement des vignes qui évoquait le rythme déprimant des tôles ondulées, mais leur convergence verdoyantes vers le ciel azuré le rassura. Il se servit alors un verre de gewurztraminer vendanges tardives et murmura : «Sisyphe aurait été plus heureux s’il s’était réveillé ».
J’aime bien la fin résolument optimiste malgré la prise de conscience d’un équilibre fragile 🙂
@cloud
La lecture de ton texte me fait oublier de siroter mon verre de gewurz. C’est peu dire que je deguste ta prose. Laisse tomber Kafka et Camus pour te plonger dans la réédition de : La méthode à Mimile. Salvateur pour le moral.
big brother is with us
Je retrouve tes touches d’humour avec beaucoup de plaisir sur un début de texte grave. Bravo maestro Cloud !
Cloud, rapprocher l’alignement des pieds de vignes et la tôle ondulée…aurais tu abusé du gewus???
Hahaha je reconnais bien là ta verve espiègle, Cloud. C’est tout bon. Et effectivement l’abus de certaines littératures a un fort impact sur les rêves. 😛
Hello Cloud
Moi, retraitée paisible de 70 ans, j’ai adoré ta façon d’imaginer les choses 😆
Et je prends toujours aussi mon petit-déj avec beaucoup de plaisir et grand appétit !
J’adore l’Alsace et le Gewurzt !
Assez parlé de moi 😳
Ton texte entre rêve et réalité est très vraisemblable. L’image de la monotonie des rangées rectilignes des vignes si bien entretenues n’est pas une légende 😆
Bises d’O.
J’aime bien l’idée de « caresser les géraniums »…Il est finalement bien retombé sur ses pattes, ce Franz après sa « totale désespérance » . Alors vive le Gewurtz. Et merci pour ce contraste saisissant entre rêve et réalité
– « Ca y est mon gars ? Tu as fini ? Tu as réfléchi ?
– Non, non, deux minutes s’il vous plait. Il m’en manque une.
– Une quoi !
– Une différence !
– Une différence ? Mais de quoi tu parles ?
– J’en ai six, il me manque la 7ième. Vas-y, vous êtes comme mes profs vous ! Vous m’aidez pas et il faudrait que j’ai fini alors que je viens de commencer !
– Je ne t’aide pas ! Tu te moques de moi ou je rêve. Je te montre cette photo pour te faire réfléchir à ce qu’il t’attend avec tes conneries et toi tu joues au jeu des sept différences ! Game over mec ! Du temps bientôt, c’est tout ce que tu auras, enfermé dans ta petite cellule h24, 365 jours dans l’année. Tu as quoi dans la tête !
– Mais j’ai rien fait ! C’était pour rire, je vous ai dit.
– Parce que tu trouves cela drôle de faire boire une fille, de lui faire fumer ta merde et de la violer à quatre dans une cave.
– Mais elle rigolait !
– Elle rigolait ! Mais vu ce que vous lui avez fait prendre, tu crois réellement qu’elle contrôlait quelque chose. Vous avez abusé d’elle, mec ! Elle ne tenait même pas debout quand on la retrouvait, seule, dans le noir. Elle sanglotait. Elle aurait pu mourir avec ce qu’elle avait dans le sang et va être traumatisée à vie. Et toi, tu me dis que tu n’as rien fait, qu’elle rigolait… Tu as beau être jeune mec et avoir deux neurones, tu ne vas pas t’en sortir comme cela cette fois. Ce n’est pas la première fois que tu te retrouves dans mon bureau, tantôt pour un vol à l’arrache, un deal…mais là, gars, tu es allé trop loin. Et le pire, c’est que tu ne réalises même pas ce que tu as fait. Rien n’est grave à tes yeux. Tu as à peine 15 ans. Tu vas te retrouver en centre de détention pour mineurs. Du temps, tu vas en avoir : pour te repentir et en chier. Tu vas avoir l’occasion d’en faire des jeux des 7 différences et autres sudoku. J’espère seulement que tu prendras aussi le temps de réfléchir à ton avenir et que tu trouveras l’intelligence de repartir sur de bonnes bases. Lève-toi et suis-moi, un juge va te recevoir. »
Une texte tragique-comique, mais qui laisse le goût du tragique.
violemment d actualité
Glaçant ton texte mais ô combien d’actualité, hélas. Une grande imagination pour arriver sur ce thème à partir de la photo du mois. Serait ce le côté lugubre du cliché qui t’a inspiré ?
La visite de la bac dans mon collège je pense…
L’idée des 7 différences et qu’il manque la 7ème ! Détail tellement dérisoire dans une situation grave d’immaturité. Bravo
Il est vrai que la photo incite à penser prison…
Val : ouch, cela commence gentiment, puis tourne court. L’utilisation du dialogue renforce l’immersion et l’horreur du gars qui n’a pas conscience de ses actes. Glaçant.
Le titre du film serait « multicolore ».
Cette photo serait le visuel de l’affiche du film.
Le film commencerait par une image très floue, un fondu de gris.
Le spectateur se demanderait s’il y a un problème de mise au point dans le matériel de projection.
La musique monocorde et aiguë viendrait renforcer un sentiment de malaise qui s’installe.
Le flou peu à peu permettrait de laisser voir des lignes droites verticales ondulantes à grande vitesse.
Le son se transformerait en un sifflement de serpent transformant le malaise en oppression.
Les lignes droites peu à peu se stabiliserait jusqu’à se figer dans leur verticalité.
La caméra se lancerait alors dans un long travelling faisant défiler des centaines de panneaux gris métalliques tout en s’éloignant progressivement pour faire apparaître une construction de panneaux métalliques sur plusieurs niveaux.
Stop brutal de la caméra. Apparition de deux balcons dans le champ de la caméra.
Au-dessus des deux balcons, une lumière rouge s’allumerait. Faiblement d’abord puis monterait en intensité. Au point d’aveugler le spectateur. La lumière rouge se mettrait à tourner. C’est un gyrophare.
Le spectateur sentirait la nausée qui monte. Il regretterait d’être venu. Mais c’est comme ça quand on se revendique d’être un voyeur.
Le sifflement progressivement laisserait place à une sirène hurlante. Le spectateur n’aurait qu’une envie, s’enfuir. Mais il aurait accepté le contrat en entrant dans la salle de cinéma. Les portes resteront fermées jusqu’au mot FIN.
Brutalement, le silence absolu reviendrait dans la salle.
Un coup de tonnerre et un éclair blanc déchirerait l’image : un forçat en tenue orange quasi fluorescente, décharné, au visage livide se tiendrait debout les bras en croix à droite de chaque porte des balcons.
Deuxième coup de tonnerre, deuxième éclair : 5 matons aux chemises bleues électriques, disposés en quinconces, descendraient attachés à un filin. Ça ne se verrait pas au premier coup d’œil, mais on remarquerait quelque chose d’étrange. De menaçant.
Les matons auraient les yeux fermés, la mâchoire carrée, le cheveux court.
Silence à nouveau. Qui s’éternise.
Le spectateur commencerait à s’agiter dans son fauteuil.
Le silence continue. L’image est figée : rouge, orange, bleu, gris.
Dans le silence, très bas pour commencer commence à l’élever un chant d’oiseau, le chant d’un rossignol qui s’amplifierait jusqu’à remplir l’espace.
FIN
Le spectateur pleure, de soulagement, d’épuisement. De joie de sa liberté retrouvée.
https://benecrit.wordpress.com/
Brrrr! Perturbant!
Merci @Photonanie…. c’est exactement ce que j’ai ressenti avec cette photo qui m’a laissée perplexe longtemps !
@Benecrit
Sensationel d’imagination et d’écriture. Un vrai plaisir de lecture. Texte surprenant et saisissant.
Merci Anne-Marie, mon intention au démarrage de l’écriture était de terminer sur la nature qui reprend ses droits, en particulier les coquelicots… nous aurions pu nous retrouver dans un champs d’été 😉
Bravo. Du cinéma évènement qui aurait à coup sûr un certain succès. Comme dans les années 70, le spectateur devient acteur.
ça c’est bon…digne d’un bukowski
@LeCorbac Whaouh ! Mais ma vie est un tout petit peu plu calme…
Merci @Cloud… quand j’en aurai assez d’écrire je me lancerai dans le cinéma ! La vie nous réserve plein de surprises
On se projette dans ton film ressentant un certain malaise d abors puis de l’apaisement. Bien vu.
Bravo pour l’incipit multicoloré après le gris uniforme
J’aime beaucoup l’utilisation du conditionnel et l’effet répétitif qui met à la fois le spectateur et nous les lecteurs dans une situation atypique et en devenir
Et j’ai aussi vraiment apprécié la fin avec ce chant du rossignol qui s’élève…
Je vote à quatre mains pour le film !
Bénécrit : Han, eh bien la photo vous a inspiré pas mal de textes très très sombres. C’est « marrant » car lorsque je l’ai choisie, je ne l’ai pas vue sous cet angle là.
Belissima ou Grandiosa
Il avait dit « je veux ».
Les ingénieurs avaient dit « impossible ».
Il avait exigé et fait du chantage.
Etant donné les sommes en jeu, le constructeur avait répondu OK, on s’adaptera.
Les commandes américaines étaient arrivées à point nommé pour renflouer le plan de travail des chantiers, ils en avaient au moins pour dix ans, du boulot, ils en avaient tellement manqué qu’ils avaient tendance à dire oui à tout. Pourtant là en l’occurrence, c’était un sacré challenge comme on aurait dit dans un anglo-saxon très américanisé.
Le Virtuosa, le Bellissima, l’Harmony of the Seas, le Célibrity Edge…Il faut quand même un ego surdimensionné pour baptiser ainsi tous ces paquebots gigantesques. C’est ce que pensait Stanislas en regardant sans admirer tout à fait le spectacle, dépassé par son côté titanesque. …Pourtant il saluait la performance technique et le savoir-faire français, seul en Europe sinon au monde. On est un peu chauvin dans ces cas-là.
Il y avait eu la création de l’ascenseur dynamique et panoramique extérieur qui avait été réclamé par le précédent armateur et qui avait généré moult discussions, problèmes techniques à résoudre et révision des devis initiaux – of course – mais qui avait vu finalement le jour le long de la coque du dernier paquebot.
Le « je veux », prononcé avec force avec un accent jamais évité, consistait maintenant à créer le long du bastingage, des petits balcons individuels couplés aux appartements avec mezzanine, ces suites de luxe à des tarifs faramineux. Personne n’y croyait et aucun technicien ne voulait s’engager dans ce qui était considéré comme une lubie voire un caprice de nanti.
Stanislas pensait à haute voix : regarde moi ça ces loggias, elles sont toutes identiques – un peu trop d’ailleurs, pas du tout personnalisées, presque ridicules, on se croirait dans un lotissement. Quand même ça chahute un peu l’aura…
Et puis, voir le tombant de l’océan, accroché à la rambarde dans un aplomb de 62 mètres même par temps clair et clément, faut déjà se cramponner, alors quand ça tangue ! Dernièrement, il parait que les passagers avaient un mal de mer effroyable et vomissaient tripes et boyaux devant les baies grandioses et totales demandées par un autre richissime extravagant sur un de ses paquebots, au point d’avoir contraint les constructeurs de colmater le bas des dites baies !
Stanislas, grisé, avait retenu tous les chiffres : 35000 tonnes de plaques de métal, 3200 ouvriers sur le site et 5000 sous-traitants, 550 kms de soudures sur le Grandiosa, 331 m de longueur, des suites parfois à 50000 euros la semaine…Plus de 6000 passagers et près de 1600 membres d’équipage, 800 millions d’euros. Il avait été effaré par ce monde méconnu de lui. Et quand il avait réfléchi aux injonctions contradictoires : super ! Du travail pour plein d’années, des tas d’ouvriers qui ne pointeraient plus au chômage oui mais quelle pollution que ces géants des mers, transporteurs de nababs et autres crésus qui en faisaient leurs choux gras sans barguigner et sans états d’âme. Mégalomanie quand tu nous tiens !
Il repensait au dernier accident qui s’était produit à Venise et qui aurait pu être dramatique et se disait qu’il faudrait bien un jour inverser le processus et introduire un zeste de raison dans tout ça, ah on était loin de nos Gilets Jaunes !
Il avait surtout été intrigué par le rituel de la cérémonie de la pièce d’or et ça c’était une magnifique histoire. Pour défier le danger et vaincre les superstitions, des pièces d’or ou d’argent – en général deux – sont soudées lors d’un grand cérémonial dans la coque du bateau lors de son lancement.
Depuis combien de temps cette tradition, Stanislas n’avait pas su mais la poésie de l’affaire l’avait séduit tout en se disant que si le Titanic avait eu ces fameuses pièces dans son ventre, elles ne lui avaient pas été très utiles.
Originale l’idée du paquebot sur commande 🙂
@Apolline
L’idée de ces paquebots démesurés m’avait effleuré. Du coup, je suis admirative. J’apprécie que l’on dénonce avec talent les absurdités qui jalonnent notre époque.
Admirative est peut-être un peu « trop » ?
Suis en vadrouille depuis une semaine donc lirai les textes à mon retour fin de semaine pour ensuite écrire mes retours…
A bientôt tous
techniquement parfait
J’adore l’idée du paquebot… j’ai eu beaucoup de mal à imaginer ce qu’il pouvait y avoir autour de cette photo. Bravo !
Belle manière de dénoncer la grandeur, le pouvoir, la richesse de certains dont l’impact n est pas que positif!
Apolline : J’aime beaucoup cette histoire de pièces soudées. Belle symbolique ! (Le reste du texte avec la grandiloquence et la démesure de l’entreprise est bien rendu, mais mon esprit poétique gardera finalement ce qu’on ne voit pas, paradoxalement. 😉 )
Merci Alex,
Ça m’intéresserait que tu précises ce que tu entends par « on ne voit pas »;
Est ce trop décrit, trop précis, trop ? J’ai peut-être tendance à être trop justement et à ne pas laisser la place au lecteur…
Mais les données chiffrées et les pièces sont véridiques…
Oh non, ce qu’on ne voit pas, ce sont les pièces soudées ! Rien à voir avec ton texte. Je comparais les pièces soudées, belles en symbole, complètement écrasées par la grosseur du paquebot ! 🙂
Ah, ok, (Toujours éviter les quiproquos, ) oui, cette histoire de pièces m’a subjuguée par son contraste si poétique avec la dureté du milieu industriel…
Voilà ! 😉
La méprise
Depuis toujours elles avaient tout fait pareil. C’est bien normal après tout vu qu’elles étaient nées du même œuf, jumelles jusqu’au bout des ongles. Les premières années de leur vie, leur mère les habillait de manières différentes pour les reconnaître plus facilement mais elles s’amusaient à échanger leurs vêtements dès qu’elles étaient hors de vue. A l’adolescence, ce sont les petits amis qu’elles échangeaient, sans rien leur dire évidemment sinon où aurait été le plaisir. Vu qu’elles n’avaient aucun secret l’une pour l’autre, personne ne s’était jamais rendu compte de rien. Jamais une question précise n’était restée sans la réponse adéquate puisque dès qu’elles étaient ensemble elles se racontaient tout dans les moindres détails, aussi intimes fussent-ils.
Leurs études également furent les mêmes, c’est normal, elles aimaient les mêmes matières. Et si l’une se sentait moins en forme au moment de l’oral, c’est l’autre qui s’y collait à deux reprises. Les profs avaient beau s’arracher les cheveux et avoir l’impression de se faire rouler, la candeur naturelle des jumelles les sauvait de toutes les situations.
Jusqu’au jour où…elles rencontrèrent une paire de jumeaux dont elles tombèrent amoureuses. Bien sûr ceux-ci jouaient les mêmes tours qu’elles mais, après tout, où était le mal. Ils s’aimaient très fort tous les quatre même si on ne savait jamais très bien qui était qui.
Ne souhaitant en aucun cas s’éloigner de leur moitié respective, non de leur conjoint mais de la deuxième partie de la paire, les deux couples emménagèrent dans des appartements identiques dans le même immeuble.
Quand, en rentrant du travail, une des jumelles vit cette armoire sur le balcon supérieur! Probablement une climatisation vu la vague de chaleur annoncée. Rien de plus normal pour des gens normaux mais pas pour elle. Son sang ne fit qu’un tour, le pacte de « tout à l’identique » était rompu de fort méchante façon. Sur le champ elle allât acheter des affiches « appartement à vendre » sans même prendre la peine de demander une explication.
C’est en rentrant chez elle qu’elle comprit sa méprise en voyant un technicien déballer le même appareil à placer sur son propre balcon. Confuse, elle fit des confettis de son affiche et n’en souffla jamais un mot à quiconque, pas même à sa jumelle…
si vous voulez le lire in situ: https://photonanie.com/
C’est beau, original, bien raconté. Un joli conte. Bravo.
Merci Cloud 🙂
Excellente idée de transformer le jeu des 7 différences en une injonction du tout identique !
Justement, ce qui m’a directement frappée c’est que les deux balcons ne sont pas absolument identiques, ce que personne d’autre n’a évoqué… 😉
Une jolie chute, bravo. Oui, nos textes ont ce même thème. Ma femme et moi ne savons faire que des jumeaux et nous nous sommes arrêtés à 2 paires. Alors oui, ce monde et ce lien entre eux je le connais bien. En revanche je ne sais pas s’ils se partagent tout, après tout, ça serait leur vie.
Waouw deux paires de jumeaux! Félicitations et, ça se passe toujours bien?
oui très bien merci, de vrais jumeaux dans les 2 cas et tous les 4 s’entendent comme des frères entre eux.
Jumelles moi-même je suis forcément interpelée par ton texte. Bien que très liées nous arrivons à aviir chacune notre vie, nos amis…même si nombreux nous sont communs, nos paase-temps….
Je pense que c’est mieux d’avoir chacun(e) sa vie mais pour certain(e)s ça ne se passe pas toujours comme ça 😉
Coucou PhotoNanie
Trrrès drôle !
Deux jumelles qui épousent des jumeaux après avoir échangé leurs amoureux et vice versa 😆 ça doit se pratiquer dans la vraie vie…
Mais le coup de la clim ! En période de canicule « historique » ! C’est absolument génial 😆
Gros bisous
J’ai vite remarqué cet objet sur un des balcons et, vu la chaleur torride que nous subissons, je suppose que mon esprit m’a soufflé qu’une clim serait un plus 😉
Excellent, PhotoNanie 😆
Quel mélange ! ça a un côté hypnotique et incontrôlable, où vont elles s’arrêter ?
L’anecdote de la fin avec effet de surprise totale, super …
Merci Apolline 🙂
Photonanie : Ah ah lire ton texte alors que je suis calfeutrée dans le noir chez moi me fait bien rire. Tu avais l’idée avant la canicule ? 🙂
Honnêtement la différence m’a sauté aux yeux (je suis très « visuelle ») et j’ai vite pensé à une clim. La canicule actuelle est devenue la cerise sur le gâteau 😉
Deux balcons
Il semble qu’aucun ne soit « Un balcon en forêt » que j’ai aimé forcément aimé comme « récit-paysage[1]. »
Je ne vois pas non plus les vapeurs roses qui nimbent « Le balcon[2] » de Charles Baudelaire.
Peut-être un de ces balcons est la poésie[3]?
Ca ne ressemble pas non plus au « Balcon[4] » d’Edouard Manet.
Si ce sont les balcons superposées d’un énorme paquebot, je ne veux pas m’y mettre.
Avec les notes: http://www.lauravanel-coytte.com/archive/2019/06/24/mon-texte-inedit-sur-ce-blog-deux-balcons-6159005.html
Vanel : ah sympa comme angle de vue !
passionnant
Ainsi, au matin des années qui passent, la sensation de stagner s’ébranle. Au début, la secousse est lente, posée dans la somnolence, puis apparaissent les soubresauts annonciateurs des premiers pas, des premiers chagrins, des premières étreintes, petits bonds fragiles et hésitants hors de la maison, et après, après bien sûr, viennent les longues années agitées, le tangage fort de nos hésitations et toutes les suivantes ; les vivantes, les plaintives, les émouvantes et toutes celles qui courent trop vite.
Tu me regardes et les marques du temps s’estompent quand je te regarde. Il nous reste si peu d’ascensions. Deux étages ou peut-être trois avant de partir.
Mais rien ne presse, non rien.
Oh non rien ne presse, la vie est si belle…
@Laurence
Très émouvant et plein de poésie. Un texte qui touche au coeur et donne à penser.
Un beau petit texte plein d’émotion. Bravo.
Très touchant ton texte.oui, ne nous pressons pas même s’il nous reste moins d’étages à gravir. Bravo pour cette belle métaphore Laurence Délis
Un constat de réalisme nostalgique avec une fin plus douce…Le parcours de la vie écrit poétiquement. Merci Laurence
Laurence : Ton texte, tout en sensations immersives, fait froid dans le dos. C’est court, mais percutant.
@Anne Marie
Renaissance
Quel sombre dessein cache à notre regard ce mur gris de tôle ondulée ?
Vous avouerez sans difficulté aucune, l’impossibilité d’imaginer une Juliette énamourée sur l’un de ces balconnets écoutant la sérénade de son beau la berçant d’un air de mandoline.
Point de poésie dans cet édifice, vous en conviendrez. A cette vue, une impression de fin du monde ou d’un monde saisit.
Alors que les esprits s’enflamment pour sauver la planète terre et l’humanité. Certains agissent, n’en déplaise aux pessimistes convertis. Une petite lueur d’espoir clignote. Vivre : c’est espérer, n’est-il pas ?
En contournant ce hangar à l’architecture peu engageante, des gens vêtus de salopette vert-pomme s’affairent. Peu à peu, l’angoisse se dissipe. Par contraste, la flamboyance d’un jardin extraordinaire éclate de lumière et de vie.
Coquelicots et bleuets au milieu des herbes folles refleurissent.
Coquelicots et bleuets : fleurs symboles.
Bravo, Anne Marie. Je reconnais ton optimisme à imaginer des coquelicots sur une partie cachée de la photo… Peut-être Roméo y joue t-il de la mandoline ?..
Merci Cloud pour ce gentil message, la musique peut adoucir bien des états d’âme et puis, la mandoline fait voyager, je l’associe à l’Italie… Mon conseil : un bon petit verre de bardolino rosé bien frappé, à moins que tu préfères le Chianti. Pas mal non plus
C’est une belle renaissance, ouverte sur le devenir de l’Humanité. Merci Anne-Marie pour ces petites graines semées d’espoir 🙂
Derrière le pire, on peut toujours envisager le meilleur. Vive les coquelicots !
Bien vu le fait d’imaginer ce qui se cache derrière cette façade austère 🙂
Bravo, notamment pour les coquelicots, vrais synonymes de résistance et d’espoir. Et étendards de la rentrée d’Alexandra !
Hi hi ! Oui ! ♥
Un texte plein d’espoir!
Anne-Marie, on n’est pas si loin l’une de l’autre dans notre cheminement de pensées !
L’envers du décor mérite souvent qu’on s’y penche sans a priori 😆
J’adore les bleuets et les coquelicots, en plus 😉
Bises d’O.
Gris et…rouge…Avec le vert du jardin et la mandoline, on peut encore espérer et y croire !
Merci
Anne-Marie : Ton texte m’enchante. ♥ Il fallait les imaginer ces coquelicots sur cette photo. Et maintenant, je ne vois plus que ce qui peut être de l’autre côté de cette photographie. Merci.
Avant, j’étais de l’autre côté, sous ce dôme, que je n’imaginais même pas. Je ne me suis jamais posé de question. Le ciel était toujours bleu ou bien avec quelques nuages vaporeux. La journée le soleil brillait toujours mais pas très chaud, la température était toujours constante. Une légère brise soufflait agréablement lorsque je sortais me balader dans le parc en bas de mon immeuble. Je vivais dans un petit appartement, en haut d’une tour hi-tech. Je pouvais changer la couleur des murs quand je le souhaitais ou bien j’y affichais les paysages que je voulais. Une intelligence artificielle comblait tous mes désirs.
« -Allume la lumière. » « -Prépare moi un bain. » « -Mets du jazz. » « -Je veux un hamburger avec des frites. » Et j’avais…
Je passais mon temps, à discuter ou jouer avec d’autres, à voyager sur le réseau.
Tous les cent vingt jours, je passais un examen de santé, obligé par le système. Je m’y pliais comme tous, sans savoir le pourquoi. Dernièrement, le voyant rouge de la machine s’est allumé. Le diagnostic est tombé. J’étais malade. Je suis sorti un peu dérouté. J’ai longé le couloir et me suis retrouvais avec d’autres, sans trop comprendre ce qui allait nous arriver.
Et nous voici de ce côté. Le réel… Le froid la nuit, le soleil brûlant la journée. Une végétation rabougrie et saturée de pesticides et autres. Un sol dur et inculte. Une pollution omniprésente de l’air et du peu d’eau restante. Nous sommes dans les décharges des gens de l’intérieur. Chacun se débrouille avec ce qu’il glane de ci de là.
Quand les portes s’ouvrent, celle du bas nous vomit les restes des repas. On se bat pour en prendre un maximum. On ne sait pas quand elle s’ouvrira de nouveau. Celle du haut, nous envoie l’eau. Un tuyau qui se déroule et nous arrose. Il faut se dépêcher pour en récolter le plus possible avec bouteille, seau, jerrican ou n’importe quel récipient. L’eau tellement nécessaire à la survie… Et si la lumière violette s’allume, cachez vous où vous le pouvez très rapidement. Ils vont sortir les lance-flammes et tout brûler… pour faire de la place.
Brrr! Une fiction qui ne fait pas trop envie d’y être confrontée même si elle est bien narrée 😉
@Mijo
Il est vrai que porter son regard sur la photo 328 pouvait nous entraîner vers des abisses.
À la lecture de ton texte si bien tourné, j’ai pensé qu’il était salvateur d’écrire peut-être pour exorciser nos peurs.
En ces temps de canicule extrême, on se projette et on angoisse « légèrement » comme en lisant ton texte…Quelle perspective !
Mijo : Je n’avais pas pensé à ces récits post apo quand j’ai publié cette photo, mais c’est vrai que de vous lire sous la canicule donne une certaine couleur vraie à vos fictions. Brrr
Mijo : J en’avais pas pensé à ces textes post-apo en postant cette photographie, mais c’est vrai que de lire vos fictions sous la canicule renforce le réel de vos mots.
@Leiloona
Ce petit mot pour te remercier chaleureusement de permettre à tous les petits écrivains de continuer à s’exprimer sur l’incontournable Bricabook qui nous manquerait. Un mot encore : Merci. Tous mes souhaits de bel été. A bientôt de te lire aux « Forges de Vulcain ».
Merci beaucoup Anne-Marie !
Je suis désolée de ne pas avoir le temps d’écrire, mais vous lire est déjà pas mal ! :)) Je suis contente que cette nouvelle formule vous plaise ! Z’êtes des chefs, le paquebot Brica continue sa lancée sans le capitaine ! 😉 Et c’est super ainsi.
terrible et violent
L’argent mène à tout…paraît-il…comme cet appartement dans la station orbital M2, avec vue direct sur les éclipses solaires de Mars. Une vue imprenable sur les rayons de soleil et les vagues de chaleur qui déferlent sur cette terre rouge totalement inhabitable.
Pourtant moi, je les regarde. Chaque matin, chaque jour en me levant, en me couchant je vois ces vagues déferlantes qui troublent le paysage, qui déforment ma vision et qui me font me sentir unique et privilégié. C’est beau. Les rayonnements et les mouvements colorés ne sont pas sans rappeler les aurores boréales de l’Ancien Monde, ces arcs-en-ciel naturels qui nous charmaient et nous émerveillaient, nous faisait espérer et rêver un monde meilleur, plus adéquat, plus propice à un épanouissement individuel.
Et pourtant Dieu sait que je me sens seul. Dieu…qui est-il ?où est-il ? que fait-il ? A quoi sert-il ? il est totalement inexistant dans ce nouveau monde, dominé par la technologie et le pouvoir de l’argent, par la puissance donné à ceux qui savent la saisir et piétiner les autres, qui ne pensent qu’à eux, qui ne vivent que pour eux, sans un regard pour cette plèbe misérable qui crève la gueule ouverte dans le dénuement le plus total ce qui avant était la Terre.
La Terre…ses arbres, sa faune, sa flore, son humanité, ses habitants…tout cela avait disparu, réduit à la poussière par notre soif de pouvoir, par notre abnégation à ne jurer que par le pouvoir de la richesse, la puissance que pouvait nous donner un statut, la fierté insipide d’avoir fait mieux que les autres, d’avoir réussi.
Dix-sept moi maintenant que j’étais installé dans l’appartement N°2 de la station M2. Je n’avais pas réussi à être le premier et je n’avais eu qu’un bref entrefilet dans la presse planétaire quand ma voisine du dessus, elle, avait eu droit à un article complet avec photos et bref résumé de sa vie de petite poufiasse gâtée bien née.
Elle avait quoi de plus que moi ? Un père bien né, un pedigree à faire pâlir un chien de concours alors que moi je m’étais hissé à la force du poignet, elle, elle n’avait rien fait…elle était juste née où il fallait, de qui il fallait et comme il fallait.
Je la haïssais sans même la connaître ; les nuits se succédaient en fêtes perpétuelles et éternelles dans son domicile, la musique hurlant et les véhicules à station verticales déposant sans cesse de nombreux invités alors que moi je passai mes soirées solitaires et esseulé. Pas une fois elle n’avait eu la décence ou la délicatesse courtoise de m’inviter ou de me proposer de passer une soirée chez elle.
Que valais-je de moins qu’elle ? Rien.
Qu’avais-je de moins qu’elle ? Rien.
Moi au moins j’avais gravi chaque échelon pour arriver là. J’en avais piétiné des gens, j’en avais massacré et anéanti des subalternes ou des concurrents pour accéder à mon statut privilégié.
Elle, elle était juste née comme il fallait, avec le bon patronyme, n’ayant jamais eu à lutter pour gravir un échelon de cette société pourrie jusqu’à la moelle et se retrouvait dorénavant nantie parmi les nanties sans une once de sueur ou d’effort ?
Quelle sale pute arriviste ! Elle ne méritait pas de partager ce confort spatial avec moi, elle n’avait rien fait pour le mériter.
Accéder à son appartement n’était pas si compliqué que ça, l’anti-pesanteur et l’équipement fourni me permettrait d’accéder facilement à son étage…il n’y a avait que nous pour le moment ; les privilégiés riches et bien placés. Lui loger une lame entre les omoplates ou la pousser à travers sa baie vitrée pour qu’elle se fasse absorber dans cette atmosphère brulante qui la réduirait en cendre ne serait pas un problème.
Moi je méritais pas place, je l’avais gagnée et avais travaillé pour…elle non.
Ce soir, nous assisterions ensemble au coucher de soleil, comme deux amoureux et elle en crèverait…comme nos ancêtres sur Terre.
Je l’avais mérité ma reconnaissance et ma réussite, ne la devant qu’à moi.
Jaloux va! 😉
Un peu…
J’ai adoré ton imagination à partir de ce cliché plutôt terre à terre. Bravo le Corbac !
Je suis flatté
« Lui loger une lame entre les omoplates ou la pousser à travers sa baie vitrée » je reconnais bien là le style plutôt hard…Science fiction (ou pas ?) quand tu nous tiens !
Hé oui….attends la prochaine
Le Corbac : Là où mène la jalousie. Le texte me met mal à l’aise, sans doute parce que sous couvert de SF c’est bien le monde réel que tu décris …
Tu as tout saisi
Coursives d HP
Écrire
Des pages et des pages
Amusant
Penser
A de grande phrase
Apprendre
Les Maux et les Lettres !
Mon Ami
Journal Intime
Trop vite découvert
Transformer Soudain
En contenant
D horribles accusations , en Oubliettes …
Prendre
Sur Soi
De Garder tous ces Mots
Conserver leurs lumières
Rencontrer
Incroyable
Ils brillent Précisément
Mettre
Au goût du Jour
Sans Camisoles et Sans Fautes
Clorophiyenne
Warluzel : Ah oui, c’est un point de vue très original … Incompréhensible, et pourtant on cherche un sens tout de même … Un récit allégorique ? 🙂
Un balcon nommé désir
Il tend l’oreille. Ne rencontre que le silence.
La voisine du dessus n’est pas rentrée. Il s’arrange toujours pour se lever avant elle et guetter ses pas.
Plusieurs fois par semaine, ce sont des pas de caoutchouc qu’il entend : elle est très forte pour faire des pompes et courir sur place.
Il aime ses matins sportifs, ce sont les plus longs qu’il passe avec elle. Sous elle.
Aujourd’hui, elle a passé la journée en réunion, il le sait parce qu’elle a chaussé les talons de 9, effilés, qui claquent sur le sol.
Quand elle les chausse, c’est pour négocier. C’est aussi signe que la journée sera longue.
Ses journées à l’attendre sont de longs supplices. Parfois, il sort sur le balcon pour mieux la guetter. Il se penche par-dessus la rambarde, se tord le cou, l’espère, l’invoque de toute la force de son enfermement.
Il espère chaque fois qu’elle sortira vainqueure de ses pourparlers. Elle ne demande jamais grand-chose. Une sortie. Rien qu’une petite sortie. Oh pas sur ce balcon inférieur bien sûr, ni sur le balcon supérieur ! Non, une vraie sortie. Voir un champ, des oiseaux, un bout de ciel bleu. Même gris. Tout sauf cette lumière artificielle perpétuellement allumée.
Il a perdu toute notion de temps depuis que le confinement leur a été imposé. Il a abandonné. Il reste dans l’appartement du bas toute la journée alors qu’elle continue à se battre pour obtenir un visa. Il a presqu’oublié que la voisine du dessus était sa femme.
Pour les empêcher de sombrer, elle a instauré ce mode de vie. Désormais, elle vit dans l’appartement du dessus. Au début, il était très en colère, il passait son temps sur le balcon à lui hurler de sortir.
Finalement quand elle consentait à allumer le voyant rouge, signe qu’il pouvait monter la rejoindre, il trépignait mais ne résistait jamais à l’envie de la retrouver. Ils faisaient alors l’amour comme si c’était la dernière fois, leur unique rapport au sauvage.
Ce soir, elle rentre encore plus tard que d’habitude. Il ne sait pas comment interpréter cet horaire inédit. Il est obnubilé par ce voyant qui reste éteint. Il est très tard lorsque la lumière s’allume enfin. Il monte la rejoindre, il a tout oublié de ses envies de sortie. Elle lui a ré appris à désirer. A la désirer.
@thalelboost
Une belle histoire d’amour campee dans cet univers impitoyable, bravo, un vrai plaisir de lecture qui donne de l’espoir .
Merci
Merci @annemarie, pour ma première publication c’est génial de recevoir des retours aussi positifs !
J’aime beaucoup ton texte et les 2 messages passés. Bravo thaelboost !
Merci beaucoup !
Beaucoup apprécié cette description d’un mode de vie qui relance le désir ! On fait ce qu’on peut mais quand ça marche quel plaisir ! Bravo pour l’idée
Thael : Bienvenue ! J’aime beaucoup ton texte qui commence comme de la SF mais finit par le réel : D’une situation complètement farfelue tu réussis à nous faire revenir à ce qui est la base de la relation amoureuse chez certains : inspirer le désir, faire languir, redevenir une proie qui guette. C’est le portrait d’une femme très forte que tu nous fais là. Beaucoup aimé ton looping narratif, bravo !
Merci encore, revenir, toujours et encore, à l’essentiel (sans émoticones, notamment !)
J’ai un souvenir très lointain et très précis d’un film du nom de « soleil vert ». Lorsque je l’ai vu j ‘étais en pleine post-adolescence, ou jeune adulte. Je sortais laborieusement de mon conditionnement de vie rêvée dorée. Ce qui ne me convenait pas, je m’efforçais de ne pas le voir, pour ne pas avoir à y croire. Et si je ne pouvais l’éviter, alors je me réfugiais dans des volutes de fumée pour mieux oublier, ne pas être obligée d’accepter. Fuir.
Soleil vert. Quel titre. Vert couleur de l’espoir. Et du canna. Quelle perspective que celle d’une anthropophagie sociétalement et secrètement orchestrée… Malgré mon refus omniprésent des réalités autres que celles que je rêvais, une peur s’était ancrée après ce film. Une peur qui parfois virait à la terreur, parfois restait submergée sous les flots de la vie… ou encore anesthésiée à force de consommer.
Alors aujourd’hui, en 2044, du haut de mes 84ans et de mon balcon, appartement 84B, marrant, presque une mensuration. Me voilà encore à perdre le fil, à fuir la réalité. Non, je ne perds pas la mémoire : notre alimentation, justement, est très protéinée. Nous mangeons des insectes. Des punaises majoritairement, des grillons plus rarement. Chaque foyer dispose de moult excipients qui en modifient texture et saveur. Pour l’authenticité, il faut se fier à nos souvenirs.
Les plus nutritifs sont les grillons, insectes omnivores et détritivores dont la voracité n’a fait que croître au fil des années. Mais la tôle, elle, ne leur convient pas. Autour de chaque résidence de surcroît, nous avons des projecteurs de lumière bleue qui illuminent les façades. Bleu pastel, cela chasse les insectes. Mais lorsque le bleu s’éteint, il nous faut nous replier. Manger ou être mangé ? Soleil vert. Clignote maintenant la lampe rouge au dessus de la porte du balcon. Elle manifeste l’arrivée des bancs de grillons. Hourrah, demain c’est réveillon !
Décidément pas mal d’avenirs dans les textes se ressemblent et ne sont pas très séduisants, on sent que la planète et nous deviennent une légère obsession…
Bon appétit !
Mathilde : Très bon texte, tu réussis à nous plonger dans un univers futuriste très rapidement, ton texte m’a fait penser à « la mer monte » d’Aude Le Corff. (Si jamais tu es en manque de livres ! 😉 )
Désolée Alex, j’ai loupé le D-Day, j’ai beaucoup de peurs d’écrire… Si l’envoi est hors cadre, tant pis pour moi. A très vite, par tel :-*
Mathilda : Ne t’inquiète pas, tu postes le texte quand tu veux ou peux … Tu t’es lancée, c’est le principal ! ♥
@Mathilde
Soleil vert : Quel film glaçant, je l’avais à l’esprit en regardant la photo 328. Remplacer les tablettes alimentaires vertes par des colonies d’insectes, une vraie prouesse. Bravo. A revoir aussi pour déprimer en cette période de canicule… : Mad Max.
Je n’avais rien compris au film quand je l’ai vu en salle, sûrement trop jeune mais je reconnais l’ambiance !
Eh bien, vous lire avec cette canicule fait baisser d’un bloc la température ! Ouch que de textes glaçants ! C’est marrant car je n’y pensais pas du tout en postant la photo. J’avais trouvé la symétrie rigolote. 🙂
Suis ravie que cette nouvelle formule vous convienne.
A lundi ! 🙂