Atelier d’écriture 351

par | 30 Nov 2019 | Atelier d’écriture | 132 commentaires

© Evgeny Nelmin

La photo arrive très tardivement … mais la voici. 🙂

132 Commentaires

  1. titounette

    Quelle est la thématique interdite ﹖

    • marinadedhistoires

      On dirait qu’il n’y en a pas cette fois-ci.

    • Alexandra K

      Ah ben j’ai oublié. Free style! 😀

  2. Séverine Baaziz

    (Bon dimanche soir, lundi et semaine à tous !)

    La vie, c’est comme un fil à linge. On aimerait bien y suspendre rien que des jolies pièces, sans taches et sans coutures qui s’effilochent, à la blancheur immaculée et aux couleurs écarlates mais, en vrai, rien de tout ça n’est possible.
    Je me souviens encore, mon fils, de ta layette accrochée à bout de pinces, riant dans le léger souffle du vent. De ta toute première tenue de rentrée scolaire, un pantalon en toile bleu marine aux ourlets retroussés et une chemise en lin pour faire comme les grands. De tes chaussettes de foot boulochées et boudeuses d’avoir perdu leur match. Et de toutes ces autres silhouettes en tissu, les unes éclaboussées de sauce et de maladresses, les autres trouées aux genoux qui n’ont peur de rien.
    Des moments de bonheur qui se racontent au pluriel.
    Un pluriel qu’on appelle famille.
    Et puis, un jour, le fil a perdu de son linge. Comme envolés, presque sans prévenir, les habits ont fait leurs valises. Les chaussettes qui bâillent, le peignoir en velours noir, les polos à trois boutons. Partis loin pour d’autres robes parfumées de jeunesse et de safran.
    Notre fil à linge n’a pas compris.
    Il s’est mis à pleurer tel un nuage, inconsolable, en plein ciel bleu, lui qui avait tout pour être heureux.
    Si je t’écris ces mots, mon fils, c’est pour te dire de tenir.
    Tenir et t’accrocher très fort.
    Parce que même à deux, on peut s’aimer comme trois, comme dix, comme cent, comme mille, et que rien ne pourra jamais faire disparaître nos plus beaux souvenirs.
    Je n’ai que peu d’affection pour les promesses, alors je ne t’en ferai qu’une seule.
    Sur notre fil à linge, de nouvelles histoires viendront s’épingler.
    Pour toi, j’inventerai des plats qui font de drôles de traces, je tomberai sur les coudes pour que tes jeans troués ne soient plus seuls, je ferai tout pour effacer jusqu’à la plus petite trace de tristesse.
    Et plus tard, bien plus tard, à l’âge où tes poches ne seront pas toujours sages et tes cols seront embrassés de rouge, je serai heureuse.
    Heureuse, pour toi.
    Pour nous.

    • luyss

      très bien anglé, j’aime beaucoup.

    • luyssUlysse

      Très bien anglé, j’aime beaucoup.

    • Kroum

      Un très joli texte en métaphore. N’oublions pas qu’on élève nos enfants pour les voir partir aussi. Le fil à linge se retrouvant du coup allégé, sauf parfois les week-ends ou vacances de fin d’année avec le retour au bercail pour les retrouvailes familiales.

      • Séverine Baaziz

        Merci, Kroum ! Oui, les voir partir, bien sûr, mais si possible sans trop de blessures, l’abandon d’un des parents pouvant être des plus douloureux 😉

    • Jen

      On dirait le début de Forest Gump « la vie c’est un chocolat, on ne sait jamais sur lequel on va tomber ». J’aime beaucoup ton texte Severine, un très doux message à ton fils suite à j’imagine une séparation. C’est lumineux et réconfortant, J’aime beaucoup!

      • Séverine Baaziz

        Oui, effectivement, Forest Gump m’a soufflé mon incipit. Et pour mon fils, je crois que tout ce que j’écris est un peu pour lui. Mais là, plus que d’habitude 😉

    • Ulysse

      bel angle, j’aime beaucoup.

    • Séverine Baaziz

      (Petit correctif sur une des dernières phrases 😉 )

      Pour toi, j’inventerai des plats qui font de drôles de traces, je tomberai sur les coudes pour que tes jeans troués ne soient plus seuls, j’adoucirai tes mailles une à une pour que la tristesse n’ait nulle part où s’agripper

    • Céline

      Très beau texte et tellement vrai, j’aime beaucoup.

    • marinadedhistoires

      Magnifique la vie au fil du linge, ton texte est très fort et toutes ces métaphores sont merveilleuses, j’adore.

      • Séverine Baaziz

        Oh, merci, marinadedhistoires ! Un bonheur que de partager mes émotions, même si je l’ai fait les larmes au bord des yeux.

        • marinadedhistoires

          C’est un plaisir que de lire tes textes, Séverine, qui sont toujours réussis.

    • Cécile C

      Bonjour,

      Quelle belle idée cette vie qui se déroule à travers ce fil à linge … c’est émouvant
      Merci
      Bon lundi

      • Séverine Baaziz

        Merci, Cécile C ! Excellent lundi 😀

    • laura vanel-coytte

      que rajouter?

    • Photonanie

      Très beau texte qui me rappelle de jolies choses. On m’a demandé si j’étais triste quand mon poussin a quitté le nid… Un peu mais si je lui ai appris à voler, c’est pas pour le garder en cage. J’aime beaucoup l’image du fil à linge de la vie.

    • Anne-Marie

      Un fil à linge qui traduit une douloureuse séparation, belle écriture pour une bouleversante métaphore. Bravo Séverine

      • Séverine Baaziz

        Très touchée par ton commentaire, Anne-Marie. Merci !

    • Nour

      Texte plein de tendresse pour un fils qui retrouvera un jour le fil qui le mènera à toi, il n’a plus qu’à suivre suivre ces jolis mots.

      • Cécile C

        Bonjour,

        Je voulais juste rajouter que certes l’oiseau quitte son nid mais c’est qu’il est prêt, ses parents lui ont enseigné tout ce qu’il fallait … finalement ici, n’est-il pas parti pour construire son propre fil à linge sur lequel flotteront petit pyjama et jean troué … la vie continue …
        Comme Photonanie, je ressens la même fierté teintée de nostalgie à voir mon grand poussin vivre des ses propres ailes
        Bon mardi

        • Séverine Baaziz

          Oups… En vous lisant, toi, Cécile C, Photonanie et Nour, je comprends que j’ai manqué de clarté. Ce texte, c’est l’histoire d’une rupture. Le père vient de quitter le domicile familial, plongeant sa femme et son fils de douze ans dans une profonde et douloureuse tristesse.
          Les chaussettes qui bâillent et le peignoir en velours noir incarnent le père.
          Les robes parfumées de jeunesse et de safran, la nouvelle compagne.
          Merci pour vos commentaires, et excellent mardi à vous tous !

          • Nour

            A la lumière de ton comm. et en relisant ton texte, on comprends en effet bien le sujet abordé, tout en délicatesse même si il est douloureux.

    • janickmm

      Comme cela fait du bien t’entendre une maman dire je t’aime à son fils, lui pardonner ses petites maladresses et ses petits travers, tout est bien étendu et entendu sur ce fil à linge. Merci à toi

  3. Kroum

    Branle-bas de combat
    à l’intérieur des maisonnées d’un village d’Afrique sombrant
    dans un désordre sans nom ! Yalla !
    Tout le monde est sur le pied de guerre dedans.
    Ça récure, astique, lave partout,
    sans perdre de temps, fissa !
    Les hommes sont aux champs travaillant
    la terre et sont, sous le soleil, accablés,
    et les femmes s’affairent là,
    au ménage, bien occupées.
    Soudain, on entend une Mama crier comme un corbeau !
    Elle vient d’apercevoir son fils caché sous les draps et encore soûl !
    En moins de deux, il fut jeté dehors par elle,
    et le voilà déambulant,
    honteux, entre le linge en train de sécher !

    • Jen

      Très dynamique et vivant ce texte Kroum! On s’y voit bien!

    • Céline

      J’adore !!! On s’y croirait !!!

    • marinadedhistoires

      Beaucoup d’énergie dans ton texte, on ressent bien la vie de ce village.

    • Cécile C

      Bonjour,

      Chez moi aussi c’est la grande lessive et le cache-cache mais en version enfantine ! C’est terrible le drame de l’alcool … pouvre bougre !

    • Photonanie

      Ah se cacher entre les draps qui sèchent, quel souvenir! Bien rythmée cette histoire

    • Anne-Marie

      Une belle histoire pleine de vie, Kroum, bravo et belle semaine.

    • Nour

      Croustillant ! cuver son vin comme ça entre le linge, très drôle.

    • janickmm

      C’est chouette cet instant de vie, lumineux, instinctif, familier, une fête qui se prépare et un adolescent perdu, ah ! ah ! très bien écrit et bien agréable à lire, surtout que le temps imparti était extrêment court, bravo !

  4. Jen

    Bonsoir à tous, voici mon texte:

    Il s’échine sous la poussière
    Il ploie sous la misère
    Les tissus colorés envahissent l’espace
    pour mieux l’étouffer

    Paradis inexistant,
    La désolation est maitresse du gouffre communautaire.

    Monstre sacré, la bâtisse surplombe le camp,
    Menaçante,
    elle gronde l’arbitraire

    La vie surprend pourtant parfois,
    Elle s’éparpille et se cache sous les décombres
    Un soubresaut d’envie encore agrippé

    Belle semaine!

    • Kroum

      Un joli rythme dans ce poème sombre, bravo Jen !

    • Céline

      Très joli poème.

    • marinadedhistoires

      Un beau texte rythmé qui cadre parfaitement avec la photo.

    • Cécile C

      Beau poème qui s’accorde bien à la photo

    • Photonanie

      La vie malgré tout! Texte sombre mais où la vie surnage quand même, belle morale.

    • Nour

      Belle évocation de la rudesse de ce monde…pour certains.

    • janickmm

      Beaucoup de mots terribles dans ce tout petit texte, et tout est dit et l’ambiance qui en découle, Bravo !

  5. Céline

    Bonjour à tous, je reprends le rythme. Bonne lecture et belle journée.

    Au milieu des bâtiments ternes et des maisonnettes assemblées de bric et de broc, quelques points de couleurs attirèrent son attention.
    Elle s’approcha à petits pas et découvrit de grands tissus multicolores alignés sur des cordes tendues entre deux piquets de bois. Elle eut un vif sourire en détaillant ces étoffes colorées.
    Soudainement, plusieurs cris et chants se firent entendre et elle tourna la tête dans leur direction. C’était des femmes qui à renfort de grands gestes battaient leur linge afin d’en retirer le maximum de poussière. Elle admira la vigueur de leur frappe qui allait et venait sans répit. Ce rituel ancestral était inscrit dans le quotidien de tellement de femmes dont la modernité n’avait pas encore apporté le lave-linge.
    Elle se dit que dès lors, elle aurait une pensée pour chacune de ces femmes à chaque fois qu’elle lancerait un programme.

    • marinadedhistoires

      Hé oui, les différences de civilisation se voient aussi dans ces petites choses du quotidien , joli texte.

    • Cécile C

      Joli texte … j’ai moi aussi une pensée pour ces femmes d’antan quand dans quelques villages de campagne, je vois un lavoir

    • Photonanie

      Et oui, une autre culture plus âpre mais où il y a plus d’humanité malgré tout et moins de solitude. Enfin, je crois…

    • Séverine Baaziz

      Joli texte ! Court et dense à la fois. Petite pensée, de mon côté, pour ma grand-mère qui, en son temps, lavait à coups de brosse son linge au bord de la rivière.

    • Nour

      Ca me rappelle ma maman qui n’a eu un lave linge que très tard…beau texte avec une pincée de nostalgie.

    • Kroum

      Un joli texte empreint de nostalgie sur la lessive d’antan. Bravo Céline !

    • janickmm

      C’est vrai, et pourtant ces moments devaient très conviviaux, je pense aussi aux lavoirs où les échanges de toutes sortes allaient bon train.

  6. Cloud

    Extrait du journal de voyage. Inde. mai 1990.

    Bénarès . Rare émotion anachronique.
    Il faisait déjà très chaud à 6 heures du matin. Sur les ghâts des blanchisseurs, je me suis faufilé entre les linges qui séchaient. Les vêtements humides caressaient avec bonheur mon visage en sueur. Un batelier m’attendait un peu plus bas et la longue barque plate nous a emmenés en douceur le long de la rivière sacrée.
    J’ai installé mon walkman sur les oreilles, appuyé sur « Play ». Mes yeux se sont mis soudain à découvrir avec un regard inaccoutumé, les rituels immuables, le déferlement mystique, les crémations, qui se déroulaient devant moi. Sur l’instant, la vie, la mort, ne m’apparaissaient plus comme avant. J’étais à la fois déboussolé et serein, en pleine conscience mais convaincu que quelque chose m’échappait. Tandis que le soleil se levait lentement l’autre côté du fleuve, répandant sa lumière dorée sur le décor, j’ai voulu laisser longtemps libre cours à cette émotion spirituelle passagère. Le « Requiem » de Fauré n’y était sans doute pas étranger.

    • marinadedhistoires

      Ton texte donne envie de voyager. Je ne connaissais pas le mot « ghâts » c’est bien d’ apprendre de nouveaux mots un lundi à 8 heures du matin, merci.

    • Cécile C

      voyage intérieur ou voyage lointain … belle émotion, merci

    • Photonanie

      Exotique à souhait, on s’y voit bien avec toi dans la longue barque…

    • Séverine Baaziz

      Sacré sens de la narration et de l’atmosphère ! Bravo, Cloud !

    • Anne-Marie

      Quelle bonne idée : les carnets de voyage, Cloud. Prendre le temps d’écrire l’instant, récit pleins d’images et d’émotion aussi voyage intérieur. A quand la publication des carnets avec illustrations ?….

    • Nour

      Belle histoire qui nous montre un monde où beaucoup de choses nous échappent, je crois qu’il faut à la fois accepter, relativiser mais ne pas se leurrer.

    • Kroum

      Les carnets de voyages sont de belles idées. Ton extrait donne envie de voyager. Merci Cloud

    • janickmm

      Paisible moment à tes côtés à découvrir les rituels indiens et la beauté du paysage, un beau requiem !

  7. Cécile C

    Bonjour et bon lundi
    Voici mon texte

    La grande lessive

    C’était le premier lundi du mois, jour de grande lessive  au village … les tapis, les draps, les rideaux seraient lavés à grandes eaux dans le fleuve. Pour moi, ce jour serait l’occasion de jouer à cache-cache avec mes frères et sœurs dans ces tissus multicolores. Maman ferait semblant de nous gronder en nous disant que si elle voyait une seule trace de doigt sur un drap blanc, elle nous le ferait relaver et nous, on riait, on riait et on continuait à courir entre tous ses voilages qui dansaient sous la brise d’un vent d’été … les vielles femmes du village nous regardaient nostalgiques, en souriant, elles se souvenaient de leur enfance.

    Ce matin, à mon tour, je vais laver le linge dans le fleuve et regarder mes enfants courir  et se cacher dans les draps … Les vielles femmes émues diront que le temps passe mais que rien ne change dans les rires des enfants 

    • marinadedhistoires

      Charmante promenade dans le temps, à travers le linge.

      • Cécile C

        Merci !

    • Photonanie

      L’enfance insouciante face à la grande lessive. Très frais et enjoué.

      • Cécile C

        Merci !

    • Séverine Baaziz

      Un texte d’une bien agréable tendresse. J’aime beaucoup, aussi, sa sonorité.

      • Cécile C

        Merci !

    • Anne-Marie

      C’est joli et gai tout comme les rires d’enfants, un texte qui ravive des souvenirs d’enfance, se promener entre les draps de métisse lourds, humides que j’avais plaisir à humer avec cette odeur inimitable de lessive de l’époque. Merci .

      • Cécile C

        Chouette, je suis ravie d’avoir réveillé l’enfant qui sommeille en nous
        Merci

    • Nour

      Douce visite dans l’enfance, bien dépeinte puis retour au présent toujours en délicatesse.

      • Cécile C

        Merci 🙂 j’avais envie de douceur hier matin. Ton comm’ me fait très plaisir

    • Kroum

      Beaucoup de nostalgie se dégage de tes lignes pendant ces grandes lessives. Bravo Cécile !

      • Cécile C

        Merci, je vois la nostalgie comme un souvenir toujours heureux. Je suis ravie que cela transparaisse ! Je suis touchée, merci 🙂

    • janickmm

      Un beau récit sur l’insouciance et la légèreté, la bienveillance, la transmission, agréable lecture

      • Cécile C

        Merci 🙂

  8. marinadedhistoires

    Voici mon texte ci-dessous et à retrouver chez moi :https://marinadedhistoires.wordpress.com/2019/12/02/linge-qui-seche/

    Linge qui sèche

    Linge qui sèche,
    Sécheresse du vent,
    Vent du désert,
    Désert de poussière,
    Poussière dans la bouche,
    Bouche fermée,
    Ferme en Afrique,
    Afrique de Blixen,
    Blixen et ses souvenirs,
    Souvenirs dépassés,
    Dépasser la fatigue,
    Fatigue d’étendre,
    D’étendre les draps,
    Draps de bain,
    Bain de boue,
    Bout de chemin
    Chemin de terre,
    Terre battue,
    Battue chaque soir,
    Soir de souffrance,
    Souffrance sur le terrain vague,
    Vague idée,
    Idée d’en finir,
    Finir et se pendre,
    Pendre le linge,
    Linge qui sèche …

    • Cécile C

      quelle tristesse … une vie sans espoir … enfin, c’est comme ça que j’ai ressenti ton texte

      • marinadedhistoires

        Oui, Cécile c’est bien ce que je voulais faire ressortir, le non-espoir. Merci pour ton commentaire

        • Cécile C

          Avec plaisir

    • Photonanie

      Un marabout désespéré mais bien rythmé et empoussiéré comme dans mon texte.

    • Séverine Baaziz

      Voilà un marabout réussi ! Pile dans le ton de l’image. Et malgré la dureté du propos, j’ai eu comme une envie de frapper dans mes mains et sur mes genoux 😉

    • Nour

      C’est comme un bout de ficelle auquel sont attaché tout ces mots, belle idée et bien rendue !

    • janickmm

      Je souhaite de tout coeur que cette personne aura un déclic pour décider d’un autre avenir. Poignant !

      • marinadedhistoires

        Merci pour ton passage et ton appréciation Janick

  9. Photonanie

    Ma participation:

    Tout est sec dans ma vie. Le sol, l’air, les gens,…tout je vous dis! Je donnerais un an de ma vie pour prendre un bain ou même pas un bain, juste une douche purificatrice et rafraîchissante.

    Je n’en peux plus de cette poussière qui s’insinue partout jusque dans mes poumons. J’étouffe, c’est bien ça, j’é-touf-fe, je m’asphyxie de poussière.

    Il paraît qu’il existe des pays où l’eau coule à flots, un rêve impossible pour nous. On n’arrive même pas à imaginer ce que ça puisse être vrai.

    Le simple fait de marcher soulève des nuages de poussière. Inutile de mettre des chaussures, que nous n’avons pas d’ailleurs, la poussière les rendrait rapidement inconfortables.

    Et, malgré tout ça, il faut tenir le coup et travailler au moins pour acheter de quoi manger. Moi je suis camelot itinérant, c’est-à-dire que je vends, en plein air, différents textiles. Avant je vendais aussi des étoffes faites avec des poils de chameau mais chez nous aussi, malgré notre pauvreté, il y a des modes et les jeunes veulent tous des pantalons « à l’ américaine » à la place des djellabas et des sarouels que portaient nos parents.

    Alors je m’adapte, je me déplace de campement en campement avec mes ballots de tissus , les bâtons et les cordages qui me servent de présentoir pour ce que je ne dépose pas simplement au sol. Ça ne sert à rien de balayer mon espace, en deux minutes le vent  recouvre tout de poussière, de terre sèche et de sable… C’est comme ça depuis toujours ici et ça le restera encore longtemps je crois.

    Pour faire moderne, j’ai même donné un nom à mon commerce: « Le Sec Shop » c’est chouette, vous ne trouvez pas? Je suis sûr que ça va attirer les clients.

    Je viens juste de dessiner  mon enseigne sur du cuir de chameau

    Et chez moi c’est https://photonanie.com/2019/12/02/brick-a-book-351/

    • Anne-Marie

      En te lisant Photonanie, nous respirons la poussière, nous ressentons le manque d’eau, ta petite entreprise devrait connaître un franc succès, excellent marketing !

      • Photonanie

        Merci Anne-Marie, j’espère que tu ne tousses pas trop 😉

    • Nour

      Ah ah, belle chute ! Et ce marchand prêt à tout pour vendre, et cette poussière, j’en ai plein le clavier, c’est malin !

      • Photonanie

        Passe un coup de plumeau 😉

    • Cécile C

      Bonjour,
      Wah, en lisant ton texte, j’ai ressenti cette poussière vicieuse … et la chute est sublime … je ne m’y attendais pas !! Bravo !!!
      Belle journée à toi

      • Photonanie

        Merci Cécile, j’espère que tu as pu t’épousseter depuis 🙂
        Bonne fin de journée.

        • Cécile C

          Comme je suis en plein déménagement, un peu plus u peu moins 😉 Bonne matinée

    • janickmm

      La sécheresse, prenante, étouffante, asphyxiante, et l’espoir en ce jeune qui tente de s’en sortir, même si le découragement vient parfois l’assaillir, c’est un très beau texte.

      • Photonanie

        Merci beaucoup Janick 🙂

  10. laura vanel-coytte

    Bonjour,

    Hier à Hyères ou ailleurs

    Hier à Hyères ou ailleurs,

    Je t’ai aimé depuis des heures

    Qui font des jours de bonheur

    Et parfois des semaines de malheur

     

    Hier à Hyères ou ailleurs,

    Tu m’as touché en plein cœur

    Avec tes mots et des fleurs

    Tes gestes qui m’effleurent

     

    Hier à Hyères ou ailleurs,

    Tu as été le fossoyeur

    De mes doutes et peurs

    Et de ma confiance l’accoucheur

     

    Hier à Hyères ou ailleurs,

    Tu as été mon premier admirateur

    Et j’ai  affronté tes agresseurs

    Hier à Hyères ou ailleurs,

    http://www.lauravanel-coytte.com/archive/2019/12/02/hier-a-hyeres-ou-ailleurs-6194794.html

    Merci et bonne journée

    • Nour

      Bel hommage

    • Cécile C

      Quelle claque en lisant ton poème … merci pour cette émotion

    • Photonanie

      Espérons que demain garde le souvenir de Hyères…ou d’ailleurs…

    • janickmm

      C’est bien Laura que tu écrives, que tu en trouves le courage, à chaque fois je t’admire !

  11. Anne-Marie

    Très beau poème, des notes de musique pourraient l’accompagner tellement les mots sont forts. Merci Laura.

  12. http://www.lauravanel-coytte.com

    Je n’ai plus d’admirateur
    mais lui, je le défends encore

  13. Ulysse

    Et voilà mon texte.

    Elle l’avait vu de loin, ce type avec son appareil photo. Il n’avait pas eu besoin de le pointer sur elle pour qu’elle sache que c’était elle qu’il voulait photographier. Ça se sentait, ces choses-là, parce que le type faisait mine de ne pas la regarder. Elle savait qu’il n’attendait que le moment où elle détournerait le regard pour prendre la photo. Elle baissa la tête sous son foulard et reprit sa marche vers la rivière. Le son du déclencheur se fit entendre.

    Ils étaient un peu tous pareils, ces Blancs. Ils venaient tous prendre des photos ici, dans ce petit coin pauvre du sud de l’Inde. Elle ne leur en voulait pas. Pourtant, elle savait qu’ensuite ils les revendaient, ces photos, dans les magazines de leur pays, alors qu’elle, elle ne touchait pas un sou. C’était quand même un peu injuste.

    Pleins de fois, il y avait eu des disputes dans le village, avec les Blancs, et ils prétendaient, avec leur fort accent, que non, ils ne revendaient pas les photos, mais elle et tous les gens de son village, ils savaient bien que si. Ils auraient bien aimé avoir un peu l’argent des photos, parce qu’il y avait des choses importantes à acheter ici, des choses plus importantes que les appareils photo. Elle, et les autres femmes du village, elles auraient voulu ces belles machines toutes blanches et carrées, ces machines qu’on trouvait dans les belles maisons des villes, et qui s’appelaient des « machines à laver ».

    Elles en avaient vu, en vidéo, sur les téléphones de leurs maris. Elles en parlaient beaucoup entre elles, parce que c’est sûr que ça aurait tout changé d’en avoir. Pourtant, toutes les femmes du village ne croyaient pas à l’efficacité de ces machines. Il y avait des débats, c’était un peu trop beau pour être vrai. Celles qui n’y croyaient pas disaient qu’avec l’eau de la rivière, qui puait tant, les machines à laver ne laveraient rien du tout. Mais elle, et d’autres avec elles, prétendaient que ça serait quand même mieux qu’avec leurs mains, et qu’en tous cas, ça ne serait pas pire. Et aussi que ça ferait gagner du temps, et que le temps, ici, il n’y en avait pas, ça non, parce qu’il y avait tant et tant de linge à laver. « Et puis le but, disait-elle, c’est de laver le linge. Pas de le purifier. »

    D’ailleurs, c’était peut-être le linge que le type prenait en photo. Ils aimaient bien faire ça aussi, les Blancs, prendre en photo le linge qui séchait dans la poussière. C’était un peu absurde, parce que leurs habits à eux étaient beaucoup mieux. Comment s’y prenaient donc t’ils pour les vendre ces photos ?

    Des fois, elle se demandait si un jour, ses enfants, ou en tous cas les enfants de ses enfants, iraient à leur tour dans les pays des Blancs, pour les prendre en photo. Ce n’était pas sûr. Il aurait fallu beaucoup d’argent, et donc aller à l’école. Et donc beaucoup de temps. Et donc des machines à laver. Et ça ne suffirait peut-être même pas, parce que c’était vrai que l’eau de la rivière puait beaucoup, et même, semblait-il, de plus en plus. Et puis si les Blancs venaient jusqu’ici pour prendre des photos de linge, c’est qu’ils ne devaient pas être si heureux chez eux. Ca n’était pas qu’une question de machine à laver, il ne fallait pas être naïf, et elle se rappelait bien le proverbe du Livre des Sagesses des Purânas, comme quoi les pauvres cherchent la nourriture, et les riches cherchent l’appétit.

    A propos d’appétit, elle se dépêcha. Après le linge, il fallait préparer à manger.

    • Nour

      Belle interprétation, le tourisme, les photographes impudiques, les touristes radins qui veulent tout négocier…et puis cette vie qui continue malgré tout…bravo !

    • Kroum

      Ton texte est inattendu et très intéressant les réflexions de cette Indienne. Bravo Ulysse !

      • Ulysse

        Merci beaucoup Kroum

    • Cécile C

      D’un endroit à un autre de la planète, la vie n’est pas toujours facile …
      J’aime beaucoup ce proverbe … c’est tellement vrai, à vouloir toujours plus on en oublie l’essentiel
      Merci pour ce très beau texte qui fait réfléchir

    • Photonanie

      La roue tourne comme le tambour de la lessiveuse et un jour le progrès arrivera jusqu’à cette femme j’espère…

  14. Nour

    Femme bleue

    Boubakar, se souvient de tout, il tourne autour de cette arène
    A chaque pas, s’éveillent en lui les pages de sa destinée africaine
    De ce soir où elle l’avait choisi en pleine savane lors sa fuite du malheur
    De ces odeurs de terre de savane, de ce parfum d’encens fumé

    De ce noir aux lèvres plus sensuel que tous ces bâtons de couleur
    De ce henné qui habille ses ongles mieux que tous les vernis trompeurs
    De son déhanché battant le mil aux rythmes endiablés des chants répétitifs
    De ce sourire aux dents éclatantes rien que pour lui pourtant furtif

    Sa fuite de la misère l’avait amené sous ces acacias
    A bout de souffle, il avait erré affamé, à demi mort, perdu et las
    C’est au son de cette musique répétitive et hypnotisantes
    Qu’il se réveille, mélodie douce et apaisante

    C’était la semaine noire de Boubakar
    Le noir qui revit de ses souvenirs dans cette arène
    Boubakar, vidé, rentre enfin au camp nourri de cette ballade
    Demain, il repart, destination Utrecht, retrouver sa flamme bleue…

    Inspiration : Atelier d’écriture 351
    Photo : © Evgeny Nelmin

    Musique : Deux très belles chansons pour illustrer ce texte :

    Les Filles de Illighadad -Telilit
    https://www.youtube.com/watch?v=pgxCIs-SFpk

    Les Filles de Illighadad – Tende
    https://youtu.be/HIAOG9nhrt8?list=TLPQMDExMjIwMTnt5EFRw4SaGw&t=41

    • Kroum

      Un très joli poème cette tranche de vie de Boubakar. Bravo Nour !

      • Nour

        Merci Kroum.

    • Photonanie

      Très jolie description de la femme africaine avant le départ pour le Hollande…

      • Nour

        En l’occurrence la femme elle est déja en Hollande et Boubakar continue sa remontée africaine pour aller la rejoindre. Il l’a connu au Niger dans la savane et il part la rejoindre…il doit encore traverser la méditerranéenne, c’est loin d’être gagné…

  15. Cécile C

    Je ne sais pas s’il a rêvé ou si c’est sa réalité à Boubakar … avec la musique en fond, ce texte est onirique.
    J’ai été transportée je ne sais où …
    Merci

    • Nour

      C’est bien ça, cette musique simple et répétitive transporte vers où on le souhaite, à chacun son voyage… merci Cécile C.

      • Cécile C

        C’est ce qui est merveilleux dans musique ! Bonne journée à toi

    • Nour

      Envoutant, ensorcelant, c’est comme ça que Boubakar est tombé dans les filets de cette chanteuse…Merci MH.

      • Nour

        C’est une pure fiction sans analogie avec un vécu, just for fun.

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