Mon Eden était là, devant moi. Pierrick ne m’avait pas menti quand il m’avait annoncé que cette maison serait parfaite. Mon plus proche voisin était à une heure de marche : personne ne viendrait par ici. Seuls des randonneurs perdus pourraient frapper à ma porte. Et encore.
Libre, j’étais enfin libre !
Finies les corvées du matin, du soir, de la nuit aussi : je pourrai enfin établir mon programme de la journée sans penser aux autres. Finie la proximité aussi : seul mon écho pourrait me répondre en ces terres reculées.
J’avais très envie de me lancer dans l’élevage de brebis. Les bêtes me permettraient de ne pas trop penser à ma vie d’avant. Et elles, au moins, ne me jugeraient pas.
Le premier étage servirait d’étable : les bêtes me tiendraient chaud en hiver, la chaleur monterait alors à l’étage où j’aurai mes quartiers.
J’aurai du lait à foison, je vendrai la laine à des personnes de confiance. Oui, cet élevage me semblait parfait.
Aux brebis viendraient ensuite s’ajouter des poules. Quelques unes au début. Elles ne prendraient pas trop de place non plus. Ma commande me serait bientôt livrée. Pierrick m’avait affirmé que le gars était de confiance, qu’il ne poserait aucune question : il poserait la marchandise et s’en irait sans demander son dû.
Je m’approchai alors de la maison.
En sale état, bien entendu ! Il ne fallait pas que je m’attende à un palace ! La maison était abandonnée depuis des lustres. Derrière la porte, un ancien vaisselier aux portes arrachées. Vide, bien sûr. Une vieille table poussiéreuse, deux chaises renversées, une autre dont l’assise en paille était trouée. Il n’en restait plus qu’une en état. Elle me suffirait, je n’avais pas l’intention d’organiser un banquet ici.
A l’étage, Pierrick avait bien fait les choses. Il avait pensé à moi et avait mis un matelas par terre. Et comble du bonheur : une couette ! Il avait donc compris sans que je lui dise que j’avais en horreur les couvertures. Ça gratte, ça pique la peau.
Il ne manquait plus qu’un joli cadre, voire même un bouquet, et je me serais cru à l’hôtel.
Quel homme prévenant tout de même !
Je m’assis alors sur ce matelas.
Le poids dans ma poitrine qui me poursuivait depuis quelques semaines s’était évaporé dans les airs. Oui, j’étais enfin libre. On me chercherait sans doute, mais j’avais bien pris soin d’effacer mes traces.
La société m’avait corrompu, je devais donc tirer un trait sur cette vie d’avant. Retourner aux sources, à la terre, vivre enfin pour moi sans dépendre des autres.
Dans un coin de la pièce, des sacs remplis de vêtements chauds. Des pulls, des pantalons, des chaussettes en laine, mais aussi des boîtes de conserve, des bougies … Pierrick m’avait dit que je pourrais tenir six mois. Après … après je verrai bien. Vivre au jour le jour, ne penser qu’à ma liberté retrouvée.
Je redescendis alors les marches de l’escalier brinquebalant. Dehors, un souffle chaud m’accueillit. Je fermai les yeux.
Qu’il était bon de sentir ce souffle sur ma peau.
Oui, je serai bien ici.
Il ne restait plus qu’à camoufler sous ces branches la voiture qui m’avait mené jusqu’ici. Je l’avais volée, je n’avais pas eu le choix. Ce serait sans doute mon dernier acte illégal envers la société … Mon avant-dernier, plutôt.
Mais avant d’enterrer cette carcasse sous ces branches, il m’en restait une autre à enterrer derrière la maison.
Pierrick, mon cher Pierrick, était devenu un homme envahissant, il en savait trop sur mon passé, sur mon actuelle retraite. je ne voulais pas qu’il soit celui qui balance tout aux flics à mes trousses. Le tuer avait été la seule solution.
©Leiloona
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Voici le texte de Brigitte :
MAISON A VENDRE dans le Lot (terrain de 15 000 m²)
Dans le cadre exceptionnel du village médiéval de Bénafeu, craquez pour cette demeure historique (année de construction supposée aux environs de 1420) de caractère. Elle a appartenu jadis au chevalier de l’Omble, qui y logeait sa belle quand il partait à la guerre.
En mairie vous pourrez trouver toute l’histoire du village, dont des récits se rapportant à cette maison, et aux diverses familles qui s’y sont succédées. Avis aux amateurs de vieilles pierres.
La demeure était à l’époque entourée d’une enceinte de pierres du pays. Il en reste quelques parties. La toiture est en excellent état, l’électricité a été récemment installée dans la maison. La cuisine qui donne sur le jardin arrière est d’époque avec son grand fourneau à bois, mais il n’y a pas d’eau courante sur l’évier en pierre taillée (un puits est creusé derrière la maison). La douceur du climat rend inutile la présence d’un chauffage central, le grand séjour dispose d’une cheminée en cas de nécessité.
L’étage comprend 3 grandes chambres très claires. Le grenier est aménageable, doucement éclairé par des lucarnes rondes au ras du sol (un style typique de la région).
Calme garanti, prévoir quelques travaux de rafraichissement.
Prix : 250 000 euros
Voici les liens vers les autres textes écrits à partir de la même photo :
– Amélie : La Belle des mers
– Mathylde
– Lucie
– Patacaisse : Décompensation de monsieur Dugenou
– L’Insatiable : Chez moi
– Lilou : La maison
– Soène : La maison en bleu
– 32 Octobre : La maison de Jacob
– Emidreamup : Sa maison, sa vie
– Jean-Charles : Grand-mère
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Faut-il avoir un lourd passé pour en arriver là… Heureusement, c’est comme au cinéma, ce n’est qu’une histoire
Ta maison m’a inspirée !
Voici ma participation : « La maison bleue »
http://soene.canalblog.com/archives/2012/04/16/23997266.html
Bonne semaine et bises de Lyon
Terrible!!!
Bravo!
Voici ma première participation à cet atelier : http://emidreamsup.wordpress.com/2012/04/16/sa-maison-sa-vie/
Bravo pour le concept et merci de le partager avec nous.
bonne semaine
@ Leiloona, quelle chute !!! infréquentable cet homme
http://hisvelles.wordpress.com/2012/04/16/grand-mere/
Et je reviens ensuite lire.
À plus tard.
@ Brigitte : j’ai trouvé l’idée excellente, cette annonce immobilière !
Le meilleur moyen de préserver son silence et bien sûr de ne pas laisser de traces, suis pas sûr que j’aurais aimé être son ami à celui-là.
@ Lucie : on va dire qu’il ne l’a pas fait exprès, du moins c’est ainsi qu’il voit ses crimes … Pas eu le choix.
@ Patacaisse : Cette maison est la cause de tout !
@ 32 octobre : je n’aurai pas aimé croiser son chemin, c’est sûr !
Jean-Charles : Le temps est relatif, de quel retard parles-tu ?
Amélie : Oui, et pourtant il paraît tellement doux, en pleine rédemption …
Jean-Charles : J’ai plusieurs cordes à mon arc. Je voulais surprendre, je crois que j’ai réussi mon pari !
Tu crois que je peux descendre aux Enfers avec, comme Orphée ?