Il était plus grand dans mes souvenirs. Plus rouge aussi.
La peinture s’écaillait par endroits, laissant à nu le fer brillant, le pneu arrière méritait un petit coup de pompe, mais le pédalier tournait sans accrocs et la mousse de la selle avait gardé toute sa densité d’antan.
Mon petit vélo rouge.
Certains s’étonneront qu’un jour j’ai pu monter dessus. Avec mon presque deux mètres, ce vélo était ridiculement petit.
Lorsque je l’ai retrouvé, là, dans le grenier de la maison familiale, un flot de souvenirs est remonté à la surface.
C’était toujours le samedi après-midi, vers les 15 heures. Mon père enfourchait son vélo, sa sonnette émettait deux trois petits bruits distinctifs, signe que je devais me préparer si je voulais me balader avec lui.
Bien souvent, j’étais chez le voisin, dans leur cabane en bois.
Deux têtes sortaient alors des fenêtres de cette maison : les cheveux en bataille, un grand sourire aux lèvres … La balade du samedi était sacrée.
Mon copain et moi enfourchions alors nos petits vélos. Rouge pour moi, bleu pour Maxime. Nous étions les justiciers du quartier. Le vélo bleu était celui de la police, le rouge celui des pompiers. On patrouillait dans la rue. Avec le recul, les voisins devaient bien rire de cette patrouille. Nous, elle nous tenait à coeur.
Une grande promenade commençait alors. Trois kilomètres. C’était le bout du monde. Quand je refais le parcours aujourd’hui, il me paraît infiniment court, alors qu’à l’époque il me semblait interminable.
On prenait toujours le même chemin : à l’époque de la moisson, de grands rouleaux de paille attendaient d’être ramassés. On adorait monter dessus. Ça piquait, c’était interdit. Nous n’avions même pas huit ans.
Et puis on arrivait à la rivière. On cherchait alors les cailloux plats, puis on faisait des ricochets. Je pestais contre mon père qui réussisait à chaque fois, j’étais tellement fier de lui, de ses ricochets jamais ratés : je le regardais alors de côté et me prenais à rêver à devenir comme lui.
On se prenait alors une collation : quelques petits beurres, de l’eau fraîche et une fois de nouvelles forces prises, nous repartions dans l’autre sens.
De l’eau a coulé sous les ponts, la vie nous a malmenés, ballotés à son gré. Elle ne nous a pas forcément permis de vivre nos rêves : « L’homme prévoit, Dieu rigole » dit un célèbre dicton … Et pourtant ce vélo-là me prouve aujourd’hui que certaines racines m’ont permis de bien grandir.
Ces balades anodines, ce vélo qui fut mon premier véhicule de patrouille ont fait de moi l’homme que je suis aujourd’hui.
Et je suis certain que Lucien, 3 ans aujourd’hui, aura des yeux comme des soucoupes quand je lui montrerai le vélo de son père. Son premier vélo.
On ajoutera juste les fameuses petites roues.
Puis, on ira faire notre balade nous aussi. Dans un an, on enlèvera les roues puis …
C’est le tourbillon de la vie.
©Leiloona, le 6 mai 2012
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Le texte de Brigitte :
En Italie
– Allo ? Maman ?
– C’est moi … nous venons d’arriver à l’appart. Le voyage a été sans problème. Pas de gosse qui nous braillait dans les oreilles, l’avions était à l’heure.
– Vous avez trouvé votre résidence sans souci ? Pour la location de la voiture, vous n’avez pas dû attendre trop longtemps ?
– Non, pas du tout. L’appart n’est pas grand, mais c’est tout mignon, et l’Italie est splendide, pour le peu que j’ai pu en voir. Ce qui m’a surprise c’est devant notre porte dans le couloir, j’ai vu un petit vélo rouge. Tu te souviens ? Le même que celui que j’avais récupéré de mes sœurs … je l’adorais ce vélo. Forcément, c’était mon premier vélo … il avait un rétropédalage, c’était trop cool ! J’ai fait des kilomètres avec dans les chemins au milieu des champs du voisin.
– Oui, je me souviens … ce que j’ai oublié c’est ce qu’il est devenu.
– Tu as oublié ? Le jour de la communion d’Anne, j’étais partie avec Alex dans les champs comme d’habitude pour jouer, et en revenant on a laissé les vélos au milieu du parking devant la maison. Et quand mon parrain est parti avant les autres, il n’a pas vu le vélo qui était couché derrière sa voiture et il a roulé dessus … par contre je ne sais plus trop bien ce que vous avez fait de la carcasse … la ferraille sans doute !
– Et tu as beau temps à Florence ?
– Oui, il y a un beau soleil. La résidence est à claire-voie, et il y a une sorte de treillage qui fait des ombres sur le plafond, on durait qu’il y a une verrière … c’en est même un peu surréaliste. Ben tiens je vais faire une photo, comme ça je te montrerai.
– Vous avez prévu quoi demain ?
– Je ne sais pas encore trop. S’il fait beau on flânera dans les rues, sinon on fera les musées.
Bon, ben là, je vais te laisser, mon chéri s’impatiente, il a faim, on va sortir trouver à manger.
Salut ma petite Maman, à dans 10 jours, bisou.
– Au-revoir ma Poupée, profitez bien de votre voyage.
Cécile MdL : Vélo vole au vent
Zelda : On the road
Jean-Charles : le vélo (2)
Voici une photo qui nous a permis d’écrire des textes très touchants.
Je commence cette semaine avec un petit sourire aux lèvres. Se dire que les rêves ne sont pas si loin, après tout … On a juste à tendre la main, ils sont là, tout comme les souvenirs.
Z’avez vu, je suis très fleur bleue ce matin …
Merci pour ce joli texte !
http://0z.fr/XEkh6
@ tantôt
avec le sourire
http://jetonslencre.blogspot.fr/2012/05/une-photo-quelques-mots-38-souvenirs.html
@ Brigitte, conversation pour un vélo raplapla…