Nous avons vidé les armoires de nos vies
Patiemment remisé au fond des cartons
Ce qui fut notre sel, nos épices, notre piquant
Remis du journal, ou un bel emballage
Autour de ces pieds de cristal
Vestiges de fêtes et de bonheur passés
Trier, jeter, emballer
Soustraire pour un temps
Le souffle de ces objets
Puis repartir sinon mourir
Vers cet eldorado qu’on nomme
Abandon
Les regarder, puis sourire
A ce fol espoir
Et surtout oublier
Que cet état ne dure
Que le temps d’un instant
© Leiloona, le 4 janvier 2013
Le texte de le petite Mu (bienvenue !)
Il est des regards qui n’ont pas besoin de se voir pour s’entendre. Des odeurs qui caressent le col de la chemise pour finir leur course folle dans le cœur, en plein dans le mille. Il est des moments où, quand on est trente, qu’on est cent, en fait, on n’est que deux ; on n’est qu’un. Il n’est pas plus court chemin d’un être à un autre que le silence de l’amour.
Retour de Nouvel An. Il est cinq heures, les cheveux sont défaits, les corps sont serrés car il n’est plus l’heure des danses effrénées qui occupent tout l’espace ; c’est le temps d’une dernière danse, celle qui ne se danse qu’en duo, un corps à corps qu’on n’autorise à personne d’autre. On a pris le métro car il est trop tard pour marcher. D’autres réveillonneurs du petit matin sont là, tout autour, assis, debout, accrochés aux branches des poignées et des barres latérales. Tout le petit peuple des retours de soirée. Mais on n’a pas besoin de solitude pour être à deux.
Pendant la soirée, tout le monde s’est émerveillé de leur complicité, de leur totale harmonie, sur la piste de danse, dans les éclats de rire. Tout le monde a remarqué les mains entrelacées, les clins d’œil éclairés par la boule à facettes. Un amour prêt pour l’éternité. Pas besoin de résolution, une nouvelle année à deux semble une évidence. On leur parle mariage, on leur parle naissance. C’est trop tard, ils n’ont plus le choix, ils ne pourront plus éviter ces questions : « Alors, un bébé en 2014 ? » C’est ça, de s’aimer trop fort : ça se voit et ça fait parler, forcément. Et bien sûr qu’eux-mêmes en parleront, tous les deux, un soir au restaurant, après un bon repas arrosé d’un bon vin, ou dans la voiture, en rentrant du travail, ou un dimanche après-midi, sur le canapé, sans effet d’annonce. Ils échangeront leur point de vue, ils se donneront des exemples, ils s’interrogeront : « Tu vois ça quand, toi ? » Ils trouveront plein de bonnes raisons de ne pas le faire tout de suite, ou plein de prétextes pour s’y lancer le plus vite possible. Et puis le temps passera et leurs souhaits s’accompliront. Ou bien il passera et leurs envies changeront. Ou bien rien ne se passera comme prévu. La vie n’a pas de tendresse particulière pour les gens qui s’aiment : elle fait son œuvre, répartit les bienfaits et les malheurs sans se soucier de donner aux riches ou aux pauvres. Ils sont conscients de cette incertitude, ils savent à quel point la vie est aveugle.
Alors, en attendant, dans le métro du petit matin, ce nouveau jour de la nouvelle année, au milieu des fêtards fatigués qui ne les regardent pas, ils oublient les questions et les résolutions, et s’enivrent dans le silence et les odeurs, peau contre peau. Rêves contre rêves. Le réel attendra.
Le texte de Jacou :
Voile noir
Embrasse-moi. Je te dis : « Embrasse-moi. L’autre, le vilain, le fantôme, il m’a vue. Quel fantôme ? Mais lui-là, avec son front tout plissé. Serre-moi fort. Je voudrais disparaître toute entière en toi. Tout oublier. Protège-moi de ce cauchemar vivant. C’est ça. Je suis Toi, tu es Moi. Plus rien d’autre n’existe. Je suis bien là, avec toi. Oh, vivre comme si de rien n’était. Vivre comme si je n’avais jamais connu une autre vie.
Je t’aime. Tu m’aimes. Son image devient floue, comme une mauvaise photo. Quand s’effacera-t-elle ? »
Le texte de Morgane :
ELLE
Elle est collée à lui depuis le début du trajet ; elle n’ose plus s’en détacher.
Elle l’embrasse, elle le respire, elle s’imprègne de lui.
Elle aime son odeur, ses mains, la chaleur de son souffle sur sa joue.
Elle sait que c’est la dernière fois qu’il la tient dans ses bras.
Elle se dit que c’est mieux comme ça ; que cette passion dévorante lui jouera tôt ou tard de vilains tours ; que sa place est auprès de son mari et son petit garçon …
Elle tente de se persuader que cette aventure n’était qu’une parenthèse dans cette vie de femme au foyer qu’elle n’a pas tout à fait choisi.
Elle pense que sa place est auprès de son enfant et qu’elle doit l’élever comme il faut.
Elle souhaite, malgré le tumulte qui se joue dans sa tête et dans son cur, rester la fierté de son époux.
Elle doute bien sur : la passion – la sagesse ; la fougue – la sécurité.
Elle regrette déjà qu’aujourd’hui soit le dernier jour où son merveilleux amant plongera son regard envoûtant dans le sien.
Elle sait qu’elle est la seule à savoir que cette étreinte est la dernière.
Elle a glissé tout à l’heure alors qu’il se douchait sa lettre d’adieu dans la poche de sa veste.
Elle sent ses larmes montées … Des larmes de lâcheté ? De honte ? De tristesse ? De résignation ? Sans doute un mélange de tout ça …
Vos liens :
Yosha : Mordu
Saxaoul : De l’amour
Cécile MdL : Scénette de la vie quotidienne dans le métro
Faire ses cartons… quel acte symbolique quand on y pense.
Je n’ai finalement pas tenu ma petite idée mais je ne la perds pas de vue pour autant.
Voici mon lien… en l’écrivant, je sentais son parfum
http://www.milleetunefrasques.fr/2014/01/une-photo-quelques-mots-19/
Un sacré challenge qui ressemble parfois à un châtiment divin tant les objets en cachent d’autres … 😉
Et la nécessaire épreuve du tri 😉
Ne m’en parle pas ! 😆
« repartir sinon mourir », oui, c’est ça mais pendant une temps seulement et heureusement ! Voici le lien vers mon texte : http://saxaoul.canalblog.com/archives/2014/01/06/28855144.html
Il faut bien se poser, oui, sinon nos ailes brûleraient entièrement. 😉
Ton texte est très beau… Voici ma participation : http://les.livres.de.sara.over-blog.com/article-une-photo-quelques-mots-121918693.html
Merci, Sara ! 🙂
@ Leiloona : j’aime le point de vue que tu as adopté, il rejoint un peu celui de la petite Mu d’ailleurs
@ la petite Mu : j’aime beaucoup la sensibilité qui se dégage de ton texte, le va et vient entre le présent et un futur incertain. La phrase « La vie n’a pas de tendresse particulière pour les gens qui s’aiment est très belle »
@ Jacou : en peu de mots il se dégage des sentiments très forts… se noyer en l’autre pour tenter d’oublier un fantôme du passé ça me parle !
Il s’est imposé de lui seul ! 🙂
Hello Leiloona,
Il y a eu un raté au niveau de l’envoi de mon mail …
Voici donc ma participation !
Bravo pour ce magnifique texte.
Bonne semaine
Morgane
ELLE
Elle est collée à lui depuis le début du trajet ; elle n’ose plus s’en détacher.
Elle l’embrasse, elle le respire, elle s’imprègne de lui.
Elle aime son odeur, ses mains, la chaleur de son souffle sur sa joue.
Elle sait que c’est la dernière fois qu’il la tient dans ses bras.
Elle se dit que c’est mieux comme ça ; que cette passion dévorante lui jouera tôt ou tard de vilains tours ; que sa place est auprès de son mari et son petit garçon …
Elle tente de se persuader que cette aventure n’était qu’une parenthèse dans cette vie de femme au foyer qu’elle n’a pas tout à fait choisi.
Elle pense que sa place est auprès de son enfant et qu’elle doit l’élever comme il faut.
Elle souhaite, malgré le tumulte qui se joue dans sa tête et dans son cur, rester la fierté de son époux.
Elle doute bien sur : la passion – la sagesse ; la fougue – la sécurité.
Elle regrette déjà qu’aujourd’hui soit le dernier jour où son merveilleux amant plongera son regard envoûtant dans le sien.
Elle sait qu’elle est la seule à savoir que cette étreinte est la dernière.
Elle a glissé tout à l’heure alors qu’il se douchait sa lettre d’adieu dans la poche de sa veste.
Elle sent ses larmes montées … Des larmes de lâcheté ? De honte ? De tristesse ? De résignation ? Sans doute un mélange de tout ça …
Texte ajouté ! 😀
Ah, la voix de la conscience! Parfois, il serait bien qu’elle arrête de distiller des remords inutiles.
En sourdine ? 😛
@ Morgane : un texte touchant sur ce dilemne… on juge souvent, c’est plus dur d’essayer de comprendre et tu le fais magnifiquement dans ce texte où l’on sent tout l’écartèlement et la souffrance de cette femme.
Coup de coeur pour le texte de Sara !
@ La petite mu : j’ai vraiment beaucoup ton texte, ce que tu écris sur le sentiment amoureux. Je partage à 200 % ! 🙂
Tu reviendras, hein, dis ! 😀
@ Jacou : Arff la chute nous fait redescendre sur terre … :/
@ Morgane : Ah nooon, mais qu’elle la reprenne et vive ce qu’elle doit vivre. Ah quoi bon, ces peurs ? 🙁
Désolée Leiloona pour cette participation tardive mais je crois que mon mail s’est vraiment égaré.A bientôt, Balaline
Papier glacé
Mes mains tremblent un peu sur le papier glacé.
vingt ans déjà.Vingt ans que je n’ai plus vingt ans.
Et pourtant…
Le printemps irradiait de soleil,d’insolence et de légèreté.
Ta bouche dans mon cou,ton souffle sur ma peau,l’ivresse des matins,du bonheur
un peu fou et déjà l’aube pâle.
L’image se défroisse.
Il souffle un vent très doux,des baisers sur nos lèvres,des serments,des caresses,des lendemains fastueux.
C’est la course à vingt ans,les corps qui se dévoilent,les ardeurs qui festoient.
C’est un soleil qui mord,des élans d’insouciance,nos rires qui dérivent sur la plage au couchant.
Mes mains ont sillonné bien des fois ta peau mate,égarées dans la nuit,surprises au matin.
Elles ont perdu le goût de ta peau tendre,ce lourd parfum de sel et de chaleur mêlés.
Vingt ans.
Nos silhouettes se fondent dans ce papier glacé.