Les Lisières de l’exil (Atelier d’écriture)

par | 5 Août 2013 | # Parfois j'écris ..., Atelier d’écriture | 19 commentaires

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Je suis parti de chez moi le jour de mes 36 ans. Je n’ai eu aucun regard pour ces toiles de cheveux blonds endormis. Deux que j’avais pris l’habitude de brosser tous les jours, une autre, la sienne, que j’aimais empoigner le soir, à la nuit tombée, lors de nos joutes nocturnes amoureuses.
Pas un regard.

Je n’avais pas non plus pris de valise. J’avais jeté dans mon petit sac à dos quelques changes. Moi non plus je ne croyais pas à ce départ. Et pourtant.

La route avait été bien longue. Quand on n’a aucun but, on peut continuer sa route à l’infini.
Vos empreintes étaient mes dernières reliques. Dans la rue, elles me furent bien souvent précieuses. Parfois je tentais d’imaginer les différents tableaux de votre vie. Un nouveau père avait-il fait son apparition ? Comment s’occupait-il de vous ? Qu’avait raconté votre mère après mon départ ?

Jamais je ne suis revenu sur mon choix de vie. Par orgueil. Je suis un homme après tout. Mais parfois mes compagnons de route me disent que le seul moment où mes yeux s’animent, où un semblant de vie dans mon regard apparaît, c’est lorsque je pense à vous, mes trois lumières.

Mais que feriez-vous d’un père comme moi ?
Vous me manquez tellement …

© Leiloona, le 1er août 2013

 

 Jacou : 

Le vol de l’histoire

 Manteau de laine râpée,

Chapka, sur ma tête vissée

Souvenirs du temps oublié ;

Refuges de ma mémoire.

Où sont les mérites et les gloires,

Que j’ai cru récolter ?

 

Tout au long d’une vie,

D’espoirs et d’illusions,

Me suis-je manipulé ?

Le pouvoir et la connaissance,

A ce point, je les ai falsifiés.

Souvenirs du temps passé.

 

Ils ont dit, ma liberté,

Rêves jolis d’humanité.

Alors, quand de l’autre côté

Enfin j’ai pu accéder,

Le masque s’est déchiré.

La vie aurait dû commencer.

 

Ce mur, que l’on dit écrasé,

A fait de moi un déraciné.

De ces joies, de ces bienfaits,

Je suis un abandonné,

Rejoignant ces invisibles,

Que l’Histoire a maltraités.

 

 

 

Le texte d’Expatriée perdue : 

Bleu

Ce qui m’avait marqué chez lui, c’était son changement de regard.

Cette lueur si vive et intense dans ses yeux qui, avant, m’avaient paru si froid et narquois.

Désormais, quand j’entrais dans la pièce, un grand sourire illuminait ce visage que personne n’avait réussi à percer jusque-là.

Un espoir si fou, si intense dans ses prunelles bleues glacier que toute trace de jugement que j’avais pu émettre jusqu’à cet après-midi se retrouvaient dans les plus profondes oubliettes de ma mémoire. Seuls des sentiments de curiosité et de satisfaction m’envahissaient.

Je découvrais que cet homme que je prenais pour un jeune maître hautain et froid pouvait peut être avoir des sentiments ou du moins une véritable expression faciale.
Ma curiosité venait du fait que je me demandais si, en lui donnant un peu d’amour, d’affection, il pourrait complétement se transformer en prince charmant.
Bien évidemment je connaissais la réponse mais on ne refait pas une princesse qui cherche son crapaud.

Des décennies plus tard, alors que je ne voyais plus rien autour de moi, avalée par le deuil que je croyais sans fin de mon tendre époux, je le croisais, cet être au regard d’acier.

Mon crapaud n’avait pas dû rencontrer l’amour car il ne s’était pas transformé.

Après enquête, j’appris que l’on vivait dans le même quartier. Son sourire n’avait pas laissé de trace en lui ; on le disait taciturne et sauvage.

Alors, je retrouvais la vue. Que voulez-vous, on ne refait pas une princesse.

 

 

 Les liens vers vos textes écrits à partir de la même photo : 

– Za : Petites bêtises

– K Mill : Un cadeau

– Cardamone : Seul

– Yosha : Le poids des remords

– MitiMoana : Pattes de mouche

– Sabine : Mon vieux et moi

Stephie

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19 Commentaires

  1. Le regard de cet homme nous a tous un peu « plombés ». Heureusement, Stéphie lui a insufflé un peu d’espoir… Et Sabine a même réussi à me faire rire, bravo à elle !

    J’attends avec impatience la prochaine photo !

    Réponse
    • Plombés, c’est clair que nous les fûmes ! Allez, je choisirai une photo plus joyeuse pour la prochaine session !

      Réponse
  2. Bonjour!

    Pas encore eu le temps de vous lire.
    Je poste mon texte ici. Très très loin de ce que j’avais en tête au début mais tout compte c’est ce qui en est sorti.

    Bleu

    Ce qui m’avait marqué chez lui, c’était son changement de regard.

    Cette lueur si vive et intense dans ses yeux qui, avant, m’avaient paru si froid et narquois.

    Désormais, quand j’entrais dans la pièce, un grand sourire illuminait ce visage que personne n’avait réussi à percer jusque-là.

    Un espoir si fou, si intense dans ses prunelles bleues glacier que toute trace de jugement que j’avais pu émettre jusqu’à cet après-midi se retrouvaient dans les plus profondes oubliettes de ma mémoire. Seuls des sentiments de curiosité et de satisfaction m’envahissaient.

    Je découvrais que cet homme que je prenais pour un jeune maître hautain et froid pouvait peut être avoir des sentiments ou du moins une véritable expression faciale.
    Ma curiosité venait du fait que je me demandais si, en lui donnant un peu d’amour, d’affection, il pourrait complétement se transformer en prince charmant.
    Bien évidemment je connaissais la réponse mais on ne refait pas une princesse qui cherche son crapaud.

    Des décennies plus tard, alors que je ne voyais plus rien autour de moi, avalée par le deuil que je croyais sans fin de mon tendre époux, je le croisais, cet être au regard d’acier.

    Mon crapaud n’avait pas dû rencontrer l’amour car il ne s’était pas transformé.

    Après enquête, j’appris que l’on vivait dans le même quartier. Son sourire n’avait pas laissé de trace en lui ; on le disait taciturne et sauvage.

    Alors, je retrouvais la vue. Que voulez-vous, on ne refait pas une princesse.

    Réponse
    • J’ajoute ton texte sous celui de Jacou ! 🙂

      Réponse
  3. @ Leiloona : un sujet touchant traité avec beaucoup de délicatesse… qu’est-ce qui peut bien pousser un homme à renoncer à ce qui finalement le rendait heureux ? Ce thème me fait penser à « Intimité » d’Hanif Kuneishi et au manga « Quartier lointain ».

    Réponse
    • Ah je voulais justement découvrir « Quartier lointain », je note !

      Réponse
  4. @ Jacou : il se dégage de la puissance de ce poème

    @ Expatriée perdue : j’aime cette réflexion sur la carapace de cet homme due aux aléas de la vie

    @ Sabine : pas possible de commenter sur ton blog ?. Un texte très original dont j’ai beaucoup aimé l’écriture !

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    • Merci. Je n’ai pas pu faire autrement …

      Réponse
  5. C’est du lourd cette photo!

    De très jolis textes même si cet homme ne semble pas inspiré beaucoup de joie.
    De l’humour tout de même chez Stephie et Sabine, merci 😉
    Du rire aux larmes (enfin presque mais tout de même) avec K Mill.

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    • Du lourd, oui, il va falloir que je choisisse une photo moins touchante. 😉

      Réponse
  6. @Leiloona
    Triste et touchant

    @Jacou
    J’aime beaucoup ce poème, une force, quelque chose de profond qui embarque

    Réponse
  7. @ Expatriée Perdue Chouette texte, j’aime les Princesses qui veulent transformer les crapauds baveux!

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  8. Jacou : C’est clair de sa caboche a dû en voir des histoires au sein de l’Histoire.

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  9. Expatriée perdue : Ton texte me fait penser à un livre que je viens de finir « Lady Hunt » … L’un des personnages tombe malade, et c’est justement son regard qui change en premier.

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  10. Ces textes sont vraiment chargés d’émotions. Remarquez que la photo s’y prêtait bien. Merci Leiloona pour ce choix ! Un petit clin d’oeil amusé à Sabine et Stephie pour leur humour !

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    • Rendez-vous le 26 maintenant, l’atelier fait une pause car je ne sais pas si j’aurai une connexion pendant mes vacances. 😉

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  11. Leiloona, je vois que nous avons eu la même idée sur cette photo. Ton texte est magnifique et tout aussi émouvant. Cet homme me donne tout de suite l’impression d’un père parti très loin..

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