Parfum de liberté (Atelier d’écriture)

par | 15 Sep 2014 | # Parfois j'écris ..., Atelier d’écriture, Une photo, quelques mots | 25 commentaires

© Marion Pluss

© Marion Pluss

Un anneau doré
Pour des coeurs perforés
Des manches élimées
Pour une plus grande légèreté
Notre présence intimide
Cette société bien policée

Mais que sait-elle
De notre regard fier
De notre peau noire
Du mauvais oeil
Et de la liberté ?

Qu’elle s’approche de nous
Et nous respire
Vent, épis de blé, ferraille, terre nourricière
Barbouillage et vagabondage
La noblesse de notre parfum
N’a guère besoin d’un écrin
Prison dorée
Pour d’anciens gosse embourgeoisés.

© Leiloona, le 14 septembre 2014

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 Le texte de Ludovic

Le rire de l’ogre

Je ne travaillais pas ce matin là…

Après avoir flâné au lit, puis passé une bonne heure le nez au vent, un café à la main sur le balcon, je me suis demandé comment j’allais occupé le reste de ma matinée.  Puis je me suis souvenu de ce roman acheté chez le bouquiniste au coin de la rue il y a 8 jours et pas encore ouvert.

J’ai donc sorti le livre de mon sac, Le rire de l’ogre de Péju… un peu usé dans les coins, et taché sur la couverture. J’ai ouvert le livre et senti une épaisseur au milieu du livre… un marque page laissé par le précédent lecteur. J’ai tourné les pages jusqu’à ce marque page et…

La photo m’est apparue, m’a même sauté au visage! J’ai dû m’asseoir pour reprendre mon souffle. J’ai frénétiquement feuilleté le reste du livre pour trouver autre chose, une marque, une inscription, un mot griffonné… une explication!

Comment cette photo de mon frère et moi, prise il y a plus de 25 ans pouvait être dans ce livre… Et pourquoi? Était ce un hasard? Si j’avais vu ca dans un film, j’aurais trouvé le scenario très mauvais, tiré par les cheveux…  Et pourtant…

Cette photo avait été prise avant la fermeture du camp et la séparation douloureuse d’avec nos parents, jugés inaptes à s’occuper de nous, parce que le camp était insalubre, boueux hiver comme été, que nous étions sales, sûrement mal nourris… Il faut croire que l’amour ne suffit pas…

Services sociaux, famille d’accueil, visite au petit frère en présence d’un éduc, 3h par mois, puis la dépression sévère du plus petit, son placement en HP, et sa mort six mois plus tard…

Je n’ai jamais revu mes parents, ni Dany…

Tout ça me revenait comme un claque.

Cette photo était tout ce que Dany et moi avions emporté du camp… et je la lui avais laissée lorsqu’il avait fallu nous séparer faute de famille d’accueil pouvant prendre une fratrie…

Comment pouvait elle être là aujourd’hui?

Je suis descendu en courant chez le bouquiniste au coin de la rue, peut être se souviendrait il… D’où vient ce livre? Qui le lui a vendu? Depuis combien de temps?…

Malheureusement, ma flânerie du matin avait laissé couler le temps… Il était plus de midi, et le bouquiniste était fermé… Je me suis assis sur un banc face à la boutique, la photo toujours serrée dans ma main droite, et le livre de Péju dans mon sac…

Et si c’était mieux de ne pas savoir?

Et si il fallait considérer l’apparition de cette photo comme un cadeau du hasard?

Une aventure incroyable, qui doit rester sans explication?

Un truc un peu magique dont on ne saura jamais plus?

J’ai fermé les yeux, pensé très fort à Dany, à mes parents, j’ai remis la photo dans le livre, et suis rentré chez moi…

…en remerciant le hasard pour le cadeau!

 

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Le texte de Magali : 

Meriem et Nino

On a grandi ensemble, sans trop savoir comment, mais on l’a fait. P’ être moins bien qu’d’autres. P’être autrement. Dès le départ, on n’avait pas les bonnes cartes mais comme on le savait pas, on a fait avec, on a joué nous aussi, comme les autres, on a cru et aimé. On a regardé faire et on très vite, on n’a pas trouvé ça très beau…enfin, pas aussi beau que c’qu’on nous avait dit : le toit en dur, l’eau courante, le chauffage, l’école…
Personne n’a osé dire à nos parents : les rats, le froid, le mépris…alors nous, on a fait avec, on a poussé de travers parce qu’on pouvait pas faire autrement. Et puis on était ensemble, tout le temps. Dans le camp on était « Mériem et Nino, à la vie à la mort » ! On avait même fait le pacte du sang… Je sais pas c’ qu’est devenu Mériem. Quand le camp a été incendié, on a tous été dispersé… y’avait bien les gens de l’asssoc’ pour tenter de nos aider mais y faisaient pas le poids devant les flammes ! Tout a brûlé, c’est-à-dire pas grand-chose, mais c’était à nous…après, on a été relogé, famille par famille, dans du dur tellement dur que même mon cœur s’est transformé en béton, armé jusqu’aux dents…c’est p’être c’qui m’a fait tenir…cette colère d’enfant qui fait grandir d’un coup! J’ai cherché Mériem.
On m’a dit oublie là. J’ai crié, pleuré, on m’a dit tais-toi. Alors j’suis parti en silence. J’avais pas besoin d’me retourner puisque j’ laissais que des cendres. Et pour horizon, j’avais le rire de Mériem. Juste ça. Alors j’ai avancé. J’ai retrouvé cette photo le mois dernier, lors de mon déménagement de ma maison en dur pour une autre maison en dur. J’ai quitté ma femme sans regret. Je ne savais même plus que j’avais cette photo. C’est sûrement une dame de l’assoc’ qui a pris l’a prise. Je sais pas ce qu’elle faisait dans mes affaires. Mais je sais que Mériem est toujours là. J’ai repris la route. J’arrive. Magali Turquin – septembre 2014

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Voici vos liens : 

Jacou : Moi c’est Luana, lui c’est Lazlo

Eva

Cléo : Mémoire

Cécile : C’était une évidence

Titine

Sarah : Les voyages forment la jeunesse

Stephie

Pierre Tovaritch : Les fillettes

Myrtille

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25 Commentaires

    • Leiloona

      Merci aussi. <3

      Ton lien a été ajouté ! 😀 A la semaine prochaine alors ? 🙂

    • Leiloona

      Punaise, mais qu’est-ce que j’ai fait ! 😮

      Merci aussi pour ce commentaire sur mon texte. 🙂

    • Leiloona

      Merci à toi ! 🙂

      J’ai ajouté ton lien à l’instant ! 🙂

  1. Leiloona

    @ Ludovic : un texte tout aussi terrible que la photo … Le point de vue de Dany serait p’tre plus poignant … là on voudrait lui dire « mais bon dieu, recherche-le, là, c’est ton frère … »
    Bon, cela dit, je crois que j’y mets trop de moi dans ton texte. 😉

  2. Leiloona

    @ Magali : Oh c’est incroyable comme ton texte entre en résonance avec celui de Ludovic ! 😀

  3. Caro

    Vos textes sont tous les trois très beaux… très poignants.

    Et je pressens que les autres vont l’être aussi.

    Voilà pourquoi je n’ai pas participé cette semaine, je n’avais pas envie d’écrire des choses tristes 🙂

    • Leiloona

      Oui, la photo était assez terrible … déjà qu’habituellement c’est souvent poignant, mais alors là …

      A la semaine prochaine alors ! 🙂

    • Leiloona

      Nickel, je l’ajoute illico ! 🙂

  4. Dame mauve

    Je vais reprendre ce jeu d’écriture lors de la prochaine image
    Bisous

    • Leiloona

      Ah chic ! J’espère que tu vas bien.

  5. saxaoul

    Cette photo n’était pas simple ! Tu utilises souvent (toujours ?) les vers et je trouve que ça convient particulièrement bien à cette photo car beaucoup de choses sont suggérées !

    • Leiloona

      Merci Saxaoul. Oui, voilà pas mal de temps que je n’arrive pas avec la longueur …

  6. cleoballatore

    Ces textes m’ont beaucoup émue. Je suis toute chose en les lisant aussi bien le texte de Ludovic ou de Magali. Leiloona, j’aime bien le côté qui dénonce l’exclusion ou simplement le rejet de la différence.

    • Leiloona

      Merci Miss … je n’arrive pas à faire dans la réalité crue … certains y arrivent excellemment bien je n’y arrive pas …

  7. Ludovic

    J’aime beaucoup la force qui se lit derrière les mots simples que tu as posés.
    De mon côté j’aurais adoré écrire que le personnage cherche, mais j’en aurais écrit des pages et des pages… 😉 déjà que je squatte ton blog, si en plus je commence a y laisser un feuilleton en 18 chapitres! 😀 c’est d’ailleurs l’occas’ de te remercier pour la place que tu me donnes chaque semaine!

    • Leiloona

      Je l’ajoute ! 😀

  8. Leiloona

    @Ludovic : Tu rigoles ? j’adore te lire, donc si tu veux écrire 18 pages, fonce, je publierai ! C’est un plaisir de te donner une place ici. 😉

    • Leiloona

      Oh là là, je viens de te récupérer dans mes spams … la plateforme ne m’a même pas avertie de ton commentaire, tu étais dans les indésirables et je ne regarde pratiquement jamais, vu la tonne de commentaires indésirables reçue chaque jour … Je t’ajoute bien entendu ! 😀

  9. Marion

    A chaque fois vos textes donnent tellement de sens à mon image…

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