Le lien vers la galerie de Kot
Il en avait étrenné des bars. Jamais les mêmes, toujours plus à l’Ouest. Un jour il arriverait même de l’autre côté du pays, le nez sur l’Océan ! Mais avec cette voiture d’une autre époque il n’était pas certain de voir la mer un jour : il lui restait encore des kilomètres à avaler.
Il était parti sur un coup de tête. Un jour. Il en avait eu assez de ces contraintes qui l’assourdissaient un peu plus chaque matin. Sa liberté lui manquait. Alors il était parti. Sans laisser de mot, d’adresse. Rien. Sa femme lui manquerait, mais moins que ses deux enfants. Des adolescents en plein âge bête, mais ça ne durerait pas. Un jour, il deviendrait un étranger pour eux. Et il sera trop tard. Mais qu’importe, pour le moment il était bien dans le Tennessee. Après avoir débarqué en Caroline du Nord, le changement était déjà perceptible. L’Arkansas serait sa prochaine destination.
Cette vie l’avait complètement changé. Lui le cadre au pantalon bien repassé, des plis devant et derrière, une chemine amidonnée ni trop ni trop peu, voilà qu’il enfilait des semaines durant le même jean. Un foulard autour du cou, un chapeau troqué contre deux paquets de cigarette, des bottes rapiécées. Ces vêtements l’auraient fait sourire il y a peu. Ici, tout était différent.
Seule sa barbe était taillée comme avant. Dernier vestige de cet autre qu’il avait été pendant cinquante ans.
Sa journée se passait toujours de la même façon. Il quittait son motel de dernière zone pour un nouveau village. Cinquante kilomètres chaque jour. Un nouvel hôtel miteux, poser son sac sans le défaire, parcourir la nouvelle ville, faire connaissance avec l’autochtone, se poser sur un banc, au soleil, et regarder les gens passer.
La vie rurale lui convenait. Une vie étriquée qui lui faisait penser à sa vie d’avant. Mais à la campagne. Les ingrédients étaient les mêmes : des hommes et des femmes qui courent toute la journée, éreintés le soir, mais qui le lendemain recommencent leur course.
Mais il était passé de l’autre côté du miroir. Sur lui, ce petit sourire narquois persistait. Imperceptible presque sous cette barbe. Quels guignols ! En voici qui n’avaient rien compris ! Il se sentait supérieur à ces hommes qui couraient après le temps. Certains jours, il faisait des petits boulots. Il fallait bien remplir cette bourse qui se dégonflait presque à vue d’oeil. Sa seule richesse avec sa voiture.
Ses soirées, il les passait dans les bars. Et chaque soir, il ramenait une nouvelle fille avec lui.
Mine de rien, lui qui avait passé sa vie avec la même, il apprenait chaque jour de nouvelles sensations.
De nouveaux bras, jamais les mêmes, frêles, doux, jamais encombrants, se posaient sur lui. Il savait d’entrée si ce contact lui plaisait.
Son statut de petit français lui accordait un charme supplémentaire. Il était l’homme à conquérir. Fut-ce le temps d’une nuit, d’une bousculade rapidement orchestrée dans les couloirs.
Ses pattes d’oie autour des yeux, signe de sagesse, les faisaient toutes fondre.
Mais aujourd’hui la donne avait changé : son corps lui avait rappelé qu’il n’avait plus ses vingt ans. Ménisque touché. Trois semaines d’arrêt. Tout le monde descend.
Alors il s’était arrêté. Un petit village lui tendait les bras, son ancienne partenaire aussi. Et il était resté là.
Une semaine, deux semaines, voici qu’il entamait la dernière avant de reprendre la route. Mais quelque chose s’était brisé. Son rêve américain s’était étiolé.
Il avait d’abord pensé à ses grands dadets. Puis à sa femme.
Elle aussi a de jolis bras frêles et doux.
Un coup d’oeil vers sa carcasse d’une autre époque. Ferait-elle la route en sens inverse ?
L’Est était une destination à la mode après tout.
©Leiloona, le 21 février 2012
Et voici vos liens :
Lola Valérie : Chacun tourne en réalité autant
Antonio poursuit l’histoire de la semaine dernière : Piège fatal à la manufacture (suite)
Jean-Charles : Un pas vers la folie !
Et une nouvelle venue : Brigitte dont j’héberge le texte ici. Bienvenue par ici !
P….. de trou !
Ce p… de trou … même pas la gloire, si on peut dire, d’un bus … pas une camionnette de livraison, ni même une voiture … juste un trou sur le trottoir sans rien qui le protège, et le talon qui dérape de ces quelques centimètres …
Instantanément la douleur, fulgurante comme des milliers d’aiguilles. Une douleur à hurler. « Pas de fracture, juste une belle entorse » a dit le médecin, « pas grave, 2 semaines de béquilles et il n’y paraîtra plus » …
Mon problème, parce qu’il y a un réel problème, c’est que dans 2 semaines, je devais REVENIR de vacances ! Ce trou, ce p… de trou il était juste devant la porte de l’aéroport où j’arrivais pour prendre l’avion direction la Patagonie.
Une escale à Madrid, une autre à Buenos Aires, et après plus de 25 heures, Ushuaia ! Enfin ! Janvier c’est l’été là-bas, moyenne de température 10°, pas mal … comme ici, comme à Paris.
Un rêve d’adolescent, des années d’économies pour pourvoir me payer ce voyage. L’avion, l’hébergement, une somme ! J’allais enfin voir ces magnifiques baleines, j’allais enfin toucher le bout du bout du monde, le cap Horn enfin !
Malheureusement, à l’heure du décollage, c’est la sirène des pompiers qui m’a accompagné à l’hôpital de Villeneuve St Georges. Pour m’entendre dire que ce n’est pas grave. « Juste une belle entorse ». Une entorse qui me prive du voyage de ma vie. Depuis que Séverine m’a quitté je ne dépense plus rien pour économiser dans l’objectif de ce voyage. Maintenant, c’est trop tard, je n’irai pas voir la Terre de Feu, je ne gouterai ni leurs saumons ni leurs crabes. Je ne pourrai pas partir à la découverte de tous ces lacs entourés de glaciers …
Il me reste les souvenirs de mes précédents voyages. C’était bien le Mexique. C’était chouette la Lybie. Le Japon c’est surfait, je ne conseille pas, un voyage au Japon, ça ne sert à rien.
Il me reste à rêver à une autre destination ; le froid, j’ai envie de froid. J’aime bien le froid moi. La Sibérie, les Kerguelen, Saint Pierre et Miquelon ? Je dois refaire des économies, l’assurance annulation ne me remboursera pas tout … P… de trou !
Là, j’ai juste le temps de te laisser mon lien… dommage, Canalblog ne me permet pas de le faire par anticipation…
Bonne journée et bises de Lyon
http://soene.canalblog.com/archives/2012/02/22/23551919.html
Jusqu’à ce matin cette photo ne m’inspirait pas mais les jours ne se suivent pas.
A plus.
On a tout notre temps.
Un peu paumé cet homme… nous le faisons courir après un rêve !
Je verrai les autres textes ce soir.
Merci pour le lien
@Brigitte : Pas de pot avec ce trou mais ce n’est que partie remise dirait-on !
A voir, donc !
Leiloona, j’aime beaucoup ton texte, je le trouve très juste, très touchant. Finalement, l’impression de vie étriquée de ce monsieur semble venir de sa façon de percevoir les choses, et non de ce qu’il vit vraiment. On est soi-même partout où on va, et on se retrouve toujours à la case départ.
Dans un autre style, le voyage non fait de Brigitte a une saveur toute particulière pour moi qui ai « presque » connu la même situation. Par contre, j’apprends avec stupéfaction qu’un voyage au Japon ne sert à rien !!! Gloups… pas d’accord du tout !!
Coincoins voyageurs !
Lola : oui, j’avais le petit écrou sur ma page. Zut.
Bon, faisons sérieux, j’ai aimé vos textes. J’ai aimé participer et écrire sue cette photo. Ca me rappellema jeunesse quand je tentais d’écrire des poèmes, ou bien mon antédiluvienne période scolaire …
Donc merci à tous de votre bon accueil, et comptez sur moi pour … revenir
on l’imagine bien aller d’un décor à l’autre cet homme et puis enfin revenir pour retrouver la douceur d’antan.
Compliment aussi à Brigitte
Antonio