oh ! ma période peace and love ! c’est pas d’hier …
Cloud
sur 13 décembre 2020 à 17h08
Le rallye bridge suivi d’une soirée dansante, organisé par Justine dans son loft, avait été déterminant pour Jean-Eudes et Blandine. Après avoir flirté copieusement au son de nombreux slows soporifiques, ils s’étaient retrouvés pas mal éméchés dans un lit de hasard à discuter société de consommation tout en écoutant en boucle « Il n’y a plus rien » de Leo Ferré. Tombés d’accord sur l’absurdité de la vie telle qu’ils la subissaient, ils avaient décidé de partir vivre près d’une communauté hippie au milieu du Népal. Bien au chaud dans un lodge agréable, ils passaient leur temps à faire l’amour, fumer des joints, dormir, et aller à la poste de Bakthapur chercher l’argent que versait copieusement le père de Jean-Eudes, Hubert de Saint Pralin, aristocrate propriétaire de forages pétroliers éparpillés sur le globe.
Ce jour là, le jeune couple se rendit, comme une routine, chercher quelques subsides nécessaires à l’achat de duvets confortables et au recrutement de quelques sherpas pour assurer les divers problèmes d’intendance.
Tensing, le facteur, banquier, et épicier, avait l’habitude de les accueillir avec un large sourire. Sans quitter des yeux Jean-Eudes, le préposé lui signifia contrarié qu’aucun argent n’avait été reçu pour lui depuis quelques temps, et tendit une lettre remise par un voyageur de passage.
« Mon fils. Votre exemple, Blandine et toi, m’a convaincu. Enfin détaché des choses matérielles, j’ai fait don de tous mes biens à l’ashram de Sri Rovatamaruni et choisi de partir définitivement dans une petite île du Pacifique. J’y vivrai enfin nu de pêche et cueillette avec la maman de Blandine que j’ai rencontrée et dont je suis fou amoureux. Je veux néanmoins te laisser un souvenir : cette lettre accompagne un livre riche de réflexions, au titre évocateur : « L’utopie ou la mort » de René Dumont. Je vous embrasse. Ton Père enfin libre. »
Lettre courte mais efficace qui doit faire tomber des nues, même les anges les mieux cramponnés !
Céline
sur 15 décembre 2020 à 9h15
Joli renversement de situation
Kroum
sur 18 décembre 2020 à 10h29
Je ne m’attendais pas à la résolution finale du père, un peu brutale tout de même mais riche d’enseignement. Bravo Cloud!
Kroum
sur 13 décembre 2020 à 21h03
Ne lui dis pas, quand tu le retrouveras, que je n’ai pas compris quand il est parti.
Ne lui dis pas que l’on se voit après s’être rencontrées à cette surprise party l’an dernier.
Ne lui dis pas que je me suis posée tant de questions, tellement j’avais foi en notre passion.
Dis-lui peut être, que lors d’une fête du village d’à côté, tu es tombée sur une fille aussi sauvage que lui. Il comprendra que tu ne me présentes pas.
Ne lui dis pas que pendant de nombreux mois, j’ai tenté de comprendre ce qui s’était passé pour qu’il efface mon numéro à jamais et ne plus me rappeler.
Ne lui dis pas, non ne lui dis pas que j’ai encore le souvenir intact de son rire.
Ne lui dis pas, sinon il s’inquiètera, que nos discussions, sur des milliers de sujets dans un seul lieu souvent, resteront mes moments avec lui les plus savoureux. Il saurait pourquoi.
Ne lui dis pas qu’il m’arrive encore de penser à lui parfois mais ne t’inquiète pas ! N’aie pas peur de moi.
Ton fiancé, mon amie, a beaucoup compté pour moi. Un jour, j’ai compris que je l’avais aimé sans avoir eu le courage de le lui avouer. Il a dû s’en douter. Il était mon opposé et aujourd’hui je prends le chemin de lui ressembler. Il comprendrait mais ne lui dis pas, non ne lui dis rien.
Une relation compliquée et pourtant on le sent encore très présent l’amour passionnel, ici. Puisqu’il y a tant de délicatesse à ne pas blesser cette personne.
Terjit
sur 14 décembre 2020 à 1h24
Bon début de semaine à tous.
Toi l’exilé.
Toi le déraciné.
Toi.
Quand tes doigts parcouraient ta flute pour donner vie à ton souffle c’était ton enfance couverte de pudeur qui refaisait surface. Tu ne disais jamais rien de ta vie au Japon, et quand je posais des questions tu souriais tristement. Tu allais cueillir quelques feuilles et une ou deux fleurs. Tu tressais une couronne que tu posais avec des yeux d’amour sur la tête de « la plus douce, la plus adorable, et en même temps la plus têtue des petites filles », et tu commençais à jouer. Mes questions te gênaient, je le comprenais, mais j’avais besoin d’avoir des réponses.
C’est étrange d’avoir un grand-père qui vient de si loin dont on ne sait rien, alors j’étais curieuse, je posais des questions. J’avais besoin de savoir pour enjoliver certains évènements, en noircir d’autres, tout le monde a besoin de se raconter son histoire, mais tu restais muet. J’étais trop petite pour comprendre qu’il était trop tôt, je me croyais plus grande que je ne l’étais. Quand un jour j’ai insisté plus que d’habitude tu m’as dit la chose la plus terrible qui soit : « Parfois la vérité est plus pénible que le silence. Tu es trop petite, sois patiente. Je ne veux pas te faire de mal, s’il te plait ne cherche pas à savoir », mais tu me connaissais assez pour savoir que plus on me dit de ne pas chercher plus j’ai envie de trouver. Alors pendant des années je suis revenue à la charge, souvent avec insistance, et à chaque fois tu me couronnais et tu prenais ta flute pour faire diversion.
J’avais toujours en tête ta phrase sur le fait que j’étais trop petite, alors le jour de mes 15 ans j’ai rassemblé mes forces et je me suis plantée devant toi en te disant que maintenant j’étais une femme, que j’étais assez grande pour savoir. Tu m’as regardé longuement, j’ai vu tes yeux humides pour la première fois. Tu m’as dit qu’effectivement j’étais assez grande pour connaître l’essentiel, mais que le reste viendrait avec le temps. Tu as passé ton bras autour de ma taille, nous sommes allés dans ta petite clairière préférée, celle où chaque jour tu joues de la flûte.
Je m’étais fait plein d’idées sur ton enfance, ta naissance dans un bordel, ou une relation adultérine entre une servante et son maître, même un père kamikaze se faisant exploser sur un porte-avion au milieu du pacifique. J’étais si loin de la vérité.
Nous nous sommes assis en tailleur face à face. J’étais impatiente mais j’avais assez grandi pour savoir que tu n’allais pas te précipiter après tant d’années de silence. Tu m’as encore regardé longtemps dans les yeux, surement pour être certain que j’étais prête, et je croyais l’être, puis tu n’as dit qu’une seule phrase : « je vais t’expliquer pourquoi je ne suis jamais en manche courte, même durant l’été, encore moins torse nu et que tu m’as toujours vu en pantalon ». Tu t’es déshabillé lentement, la tête baissée pour ne pas affronter mon regard horrifié, et je t’ai vu pour la première fois presque nu. Au fur et à mesure que ton corps se dénudait je voyais des zones sombres, d’autres plus claires, certaines d’un rose encore vif 50 ans après, mais toujours cette peau plissée, fripée comme un morceau de bacon trop cuit.
J’avais compris. Je n’ai posé qu’une question : « Hiroshima ou Nagasaki ? ». Bien sûr tu n’as pas répondu… quelle différence ?… Puis tu as sorti ta flute de son petit sac en me disant que j’en savais bien assez, que pour découvrir le reste il fallait fermer les yeux et écouter ce que la flute raconte.
Aujourd’hui je viens dans ta clairière pour la dernière fois, parce que c’est la tienne, parce que ta flute y chantera à jamais.
Oh que c’est prenant! J’en ai les larmes aux yeux, merci pour cette émotion Terjit.
Cloud
sur 14 décembre 2020 à 11h54
Beaucoup d’émotions dans ton texte. Bravo. La lenteur du rythme augmente le côté dramatique. Et le fait que ce soit historiquement plausible ajoute une bouleversante crédibilité.
Des couples de mères et de filles avec des couronnes de fleurs
Diego Riviera a sans doute effleuré Natacha Gelman qu’il peint entouré d’arums, sensuelles
Fleurs s’il en est ; la femme aux chrysanthèmes de Degas semble plus frileuse.
J’admire, comme toutes ses œuvres, La danseuse de Gustav Klimt, poitrine
Dénudée et fleurs parmi les fleurs aux couleurs vives. Claude Monet aime peindre sa famille
Dans le jardin fleuri et ailleurs ; Jean Metzinger peint un nu parmi les fleurs, une blonde
Sur fond magenta. Camille Pissarro choisit un enfant et sa mère qui ressortent à peine
Dans le dédale fleuri ; la jeune fille d’Auguste Renoir tient un bouquet de tulipes.
Childe Hassam peint des lilas violet clair, un feuillage vert et sa femme.
Pierre Bonnard installé dans une maison au Canet que j’ai visité opte pour le jaune
Du mimosa, boules de soleil avec une femme ; avec la délicatesse qui le caractérise,
François Boucher associe classiquement à la manière de Ronsard aux roses.
Octavio Ocampo me donne envie de le connaître plus avec sa Femme-fleur délicate.
Théo van Rysselberghe peint Daisy Weber parmi une nuée de fleurs mauves.
Kees von Dongen a pris une baronne pour modèle tenant un bouquet, rehaussé d’un peu de rouge. Piet Mondrian a choisi la passion pour ces fleurs et sa femme grisâtre.
Cloud
sur 14 décembre 2020 à 11h57
Bien vu. Les fleurs ont effectivement inspiré de nombreux artistes merveilleux. Ceux cités ici ont excellé.
Bonjour, voici mon texte. Bonne lecture et bonne journée.
Il paraît
qu’elle peut survenir à tout moment,
qu’elle peut évoluer en fonction des âges,
qu’elle est un fil conducteur,
qu’elle peut ne pas avoir de sexe, ni de race,
qu’elle multiplie les expériences,
qu’elle fabrique de beaux souvenirs,
qu’elle peut être indescriptible,
qu’elle peut durer tout une vie,
qu’elle peut être multiple,
qu’il arrive même qu’elle soit indestructible,
Au point de vouloir confier son enfant.
Mais moi je n’en sais rien
car visiblement elle n’a pas décidé de passer par mon chemin.
Des items qui, si on les analyse du côté optimiste, donnent envie et qui devraient rassurer. Auquel cas, je ne peux que regretter que « le sujet » implicite (j’ai quelques idées…), ne passe pas par ton chemin. Si on apporte une autre lecture (j’ai aussi quelques idées…), il vaut mieux pour toi que les choses restent dans l’état. Joli jeu de devinette à la manière du XVIIIe siècle.
Céline
sur 15 décembre 2020 à 9h13
Merci beaucoup. Dans la réalité c’est plutôt la 1ère option
“C’était le temps des fleurs, on ignorait la peur…”. Je me souviens avec tendresse de cette époque où nous marchions derrière nos parents pour une balade dans la nature.
Ce jour-là, après le repas dominical, terminé par un fantastique dessert dont la recette sortait tout droit du précieux carnet hérité de ma grand-mère, Papa avait proposé qu’on aille profiter du soleil.
En attendant nos parents dans le jardin nous avions confectionné des couronnes de feuilles et de fleurs. Ça allait bien avec nos vestes en denim et ça nous donnait un petit côté hippie chic, comme disait Maman avec attendrissement.
Quand je revois cette photo prise par mon petit frère, toujours à la traîne avec l’appareil photo reçu pour sa communion, la nostalgie m’envahit.
Nous étions si heureux et nous ne le savions pas ou en tout cas nous ne l’appréciions pas suffisamment.
Maintenant, c’est nous qui marchons en tête des balades, suivis par nos enfants et petits-enfants. La vie continue et on ne peut pas se plaindre mais que le temps de l’insouciance semble loin…
Cloud
sur 14 décembre 2020 à 12h16
Joli texte nostalgique. Je comprends ce regret d’un temps baigné d’insouciance. Au tour des petits enfants d’en profiter et à nous de les accompagner.
ou va-t-on June ?
Tu verras Déborah
Ma sœur avait sa voie rassurante d’une aînée dans laquelle perlait toutefois un soupçon d’inquiétude
En rang, bien alignées, nous allions par deux là où « ils « nous l’avaient demandé.
Toutes de Jean habillées, nos têtes couronnées telles des souveraines.
Bien peu savaient où cela nous menait
Déborah tremblait et June l’enlaça d’un bras rassurant
N’as-tu rien remarqué petite soeur ?
Non …pourquoi ?
Regarde bien, nous sommes toutes identiques, ou presque, nous avons toutes le même âge. Nous venons toutes du même institut dans lequel nous avons grandi
Les frissons de Déborah redoublèrent, comme si, enfin, ses yeux voyaient, comme si, enfin, son cerveau réalisait.
La silhouette sombre de l’hôpital apparut au détour de la clairière, un murmure parcouru les rangs.
Tu comprends Deborah ? Tu vois où nous allons ?
Mais….pourquoi ?
Regarde nous bien, nous sommes des clones. Nous avons été fabriquées, pour soigner. Nos organes sains seront prélevés pour en remplacer d’autres malades. C’est notre destin, nous sommes programmées pour cela.
Et « ils » sont plus puissants que nous
Allez, avance petite soeur
Cloud
sur 14 décembre 2020 à 16h05
Un beau texte oppressant. En décalage complet avec la sérénité de la photo. Bonne idée. J’aime beaucoup.
Now, Suzanne takes your hand and she leeds you to the river
Pas à pas. Emboîter le pas avec passion, infinie légèreté des pas accueillis sur l’herbe craquante de gelée matinale.
L’insouciance mêlée d’impatience, celle de fêter ensemble le bonheur de se retrouver en famille. Les enfants sont déjà loin devant, ils gambadent, leurs rires résonnent dans la clairière.
Les parents sont juste devant nous, peur que l’on soit à nouveau séparé, ils se détournent parfois sur ce chemin étroit pour s’assurer que nous sommes bien là.
Nous, nous sourions, comblés de bonheur, nous nous serrons très fort l’un contre l’autre peut-être pour mieux se rendre compte de la réalité : vivants et ensemble.
Cloud
sur 14 décembre 2020 à 16h02
C’est bon de lire un moment heureux. Un moment partagé en famille. Rien de grave ne semble pouvoir arriver. Oui, vive l’insouciance ! Merci pour ce texte
oh ! ma période peace and love ! c’est pas d’hier …
Le rallye bridge suivi d’une soirée dansante, organisé par Justine dans son loft, avait été déterminant pour Jean-Eudes et Blandine. Après avoir flirté copieusement au son de nombreux slows soporifiques, ils s’étaient retrouvés pas mal éméchés dans un lit de hasard à discuter société de consommation tout en écoutant en boucle « Il n’y a plus rien » de Leo Ferré. Tombés d’accord sur l’absurdité de la vie telle qu’ils la subissaient, ils avaient décidé de partir vivre près d’une communauté hippie au milieu du Népal. Bien au chaud dans un lodge agréable, ils passaient leur temps à faire l’amour, fumer des joints, dormir, et aller à la poste de Bakthapur chercher l’argent que versait copieusement le père de Jean-Eudes, Hubert de Saint Pralin, aristocrate propriétaire de forages pétroliers éparpillés sur le globe.
Ce jour là, le jeune couple se rendit, comme une routine, chercher quelques subsides nécessaires à l’achat de duvets confortables et au recrutement de quelques sherpas pour assurer les divers problèmes d’intendance.
Tensing, le facteur, banquier, et épicier, avait l’habitude de les accueillir avec un large sourire. Sans quitter des yeux Jean-Eudes, le préposé lui signifia contrarié qu’aucun argent n’avait été reçu pour lui depuis quelques temps, et tendit une lettre remise par un voyageur de passage.
« Mon fils. Votre exemple, Blandine et toi, m’a convaincu. Enfin détaché des choses matérielles, j’ai fait don de tous mes biens à l’ashram de Sri Rovatamaruni et choisi de partir définitivement dans une petite île du Pacifique. J’y vivrai enfin nu de pêche et cueillette avec la maman de Blandine que j’ai rencontrée et dont je suis fou amoureux. Je veux néanmoins te laisser un souvenir : cette lettre accompagne un livre riche de réflexions, au titre évocateur : « L’utopie ou la mort » de René Dumont. Je vous embrasse. Ton Père enfin libre. »
L’arroseur arrosé, excellent et inattendu! Bien joué Claude 🙂
beaucoup devraient se sentir visé par ce livre
Lettre courte mais efficace qui doit faire tomber des nues, même les anges les mieux cramponnés !
Joli renversement de situation
Je ne m’attendais pas à la résolution finale du père, un peu brutale tout de même mais riche d’enseignement. Bravo Cloud!
Ne lui dis pas, quand tu le retrouveras, que je n’ai pas compris quand il est parti.
Ne lui dis pas que l’on se voit après s’être rencontrées à cette surprise party l’an dernier.
Ne lui dis pas que je me suis posée tant de questions, tellement j’avais foi en notre passion.
Dis-lui peut être, que lors d’une fête du village d’à côté, tu es tombée sur une fille aussi sauvage que lui. Il comprendra que tu ne me présentes pas.
Ne lui dis pas que pendant de nombreux mois, j’ai tenté de comprendre ce qui s’était passé pour qu’il efface mon numéro à jamais et ne plus me rappeler.
Ne lui dis pas, non ne lui dis pas que j’ai encore le souvenir intact de son rire.
Ne lui dis pas, sinon il s’inquiètera, que nos discussions, sur des milliers de sujets dans un seul lieu souvent, resteront mes moments avec lui les plus savoureux. Il saurait pourquoi.
Ne lui dis pas qu’il m’arrive encore de penser à lui parfois mais ne t’inquiète pas ! N’aie pas peur de moi.
Ton fiancé, mon amie, a beaucoup compté pour moi. Un jour, j’ai compris que je l’avais aimé sans avoir eu le courage de le lui avouer. Il a dû s’en douter. Il était mon opposé et aujourd’hui je prends le chemin de lui ressembler. Il comprendrait mais ne lui dis pas, non ne lui dis rien.
Il faut parfois se taire pour protéger le bonheur…quoi qu’il en coûte.
Beau texte. Qui sait ? Peut-être éprouve t-il un même sentiment ?
Quelle délicatesse dans votre texte. Bravo
Une relation compliquée et pourtant on le sent encore très présent l’amour passionnel, ici. Puisqu’il y a tant de délicatesse à ne pas blesser cette personne.
Bon début de semaine à tous.
Toi l’exilé.
Toi le déraciné.
Toi.
Quand tes doigts parcouraient ta flute pour donner vie à ton souffle c’était ton enfance couverte de pudeur qui refaisait surface. Tu ne disais jamais rien de ta vie au Japon, et quand je posais des questions tu souriais tristement. Tu allais cueillir quelques feuilles et une ou deux fleurs. Tu tressais une couronne que tu posais avec des yeux d’amour sur la tête de « la plus douce, la plus adorable, et en même temps la plus têtue des petites filles », et tu commençais à jouer. Mes questions te gênaient, je le comprenais, mais j’avais besoin d’avoir des réponses.
C’est étrange d’avoir un grand-père qui vient de si loin dont on ne sait rien, alors j’étais curieuse, je posais des questions. J’avais besoin de savoir pour enjoliver certains évènements, en noircir d’autres, tout le monde a besoin de se raconter son histoire, mais tu restais muet. J’étais trop petite pour comprendre qu’il était trop tôt, je me croyais plus grande que je ne l’étais. Quand un jour j’ai insisté plus que d’habitude tu m’as dit la chose la plus terrible qui soit : « Parfois la vérité est plus pénible que le silence. Tu es trop petite, sois patiente. Je ne veux pas te faire de mal, s’il te plait ne cherche pas à savoir », mais tu me connaissais assez pour savoir que plus on me dit de ne pas chercher plus j’ai envie de trouver. Alors pendant des années je suis revenue à la charge, souvent avec insistance, et à chaque fois tu me couronnais et tu prenais ta flute pour faire diversion.
J’avais toujours en tête ta phrase sur le fait que j’étais trop petite, alors le jour de mes 15 ans j’ai rassemblé mes forces et je me suis plantée devant toi en te disant que maintenant j’étais une femme, que j’étais assez grande pour savoir. Tu m’as regardé longuement, j’ai vu tes yeux humides pour la première fois. Tu m’as dit qu’effectivement j’étais assez grande pour connaître l’essentiel, mais que le reste viendrait avec le temps. Tu as passé ton bras autour de ma taille, nous sommes allés dans ta petite clairière préférée, celle où chaque jour tu joues de la flûte.
Je m’étais fait plein d’idées sur ton enfance, ta naissance dans un bordel, ou une relation adultérine entre une servante et son maître, même un père kamikaze se faisant exploser sur un porte-avion au milieu du pacifique. J’étais si loin de la vérité.
Nous nous sommes assis en tailleur face à face. J’étais impatiente mais j’avais assez grandi pour savoir que tu n’allais pas te précipiter après tant d’années de silence. Tu m’as encore regardé longtemps dans les yeux, surement pour être certain que j’étais prête, et je croyais l’être, puis tu n’as dit qu’une seule phrase : « je vais t’expliquer pourquoi je ne suis jamais en manche courte, même durant l’été, encore moins torse nu et que tu m’as toujours vu en pantalon ». Tu t’es déshabillé lentement, la tête baissée pour ne pas affronter mon regard horrifié, et je t’ai vu pour la première fois presque nu. Au fur et à mesure que ton corps se dénudait je voyais des zones sombres, d’autres plus claires, certaines d’un rose encore vif 50 ans après, mais toujours cette peau plissée, fripée comme un morceau de bacon trop cuit.
J’avais compris. Je n’ai posé qu’une question : « Hiroshima ou Nagasaki ? ». Bien sûr tu n’as pas répondu… quelle différence ?… Puis tu as sorti ta flute de son petit sac en me disant que j’en savais bien assez, que pour découvrir le reste il fallait fermer les yeux et écouter ce que la flute raconte.
Aujourd’hui je viens dans ta clairière pour la dernière fois, parce que c’est la tienne, parce que ta flute y chantera à jamais.
Toi l’exilé.
Toi le déraciné.
Toi.
Oh que c’est prenant! J’en ai les larmes aux yeux, merci pour cette émotion Terjit.
Beaucoup d’émotions dans ton texte. Bravo. La lenteur du rythme augmente le côté dramatique. Et le fait que ce soit historiquement plausible ajoute une bouleversante crédibilité.
Femmes-fleurs
Des couples de mères et de filles avec des couronnes de fleurs
Diego Riviera a sans doute effleuré Natacha Gelman qu’il peint entouré d’arums, sensuelles
Fleurs s’il en est ; la femme aux chrysanthèmes de Degas semble plus frileuse.
J’admire, comme toutes ses œuvres, La danseuse de Gustav Klimt, poitrine
Dénudée et fleurs parmi les fleurs aux couleurs vives. Claude Monet aime peindre sa famille
Dans le jardin fleuri et ailleurs ; Jean Metzinger peint un nu parmi les fleurs, une blonde
Sur fond magenta. Camille Pissarro choisit un enfant et sa mère qui ressortent à peine
Dans le dédale fleuri ; la jeune fille d’Auguste Renoir tient un bouquet de tulipes.
Childe Hassam peint des lilas violet clair, un feuillage vert et sa femme.
Pierre Bonnard installé dans une maison au Canet que j’ai visité opte pour le jaune
Du mimosa, boules de soleil avec une femme ; avec la délicatesse qui le caractérise,
François Boucher associe classiquement à la manière de Ronsard aux roses.
Octavio Ocampo me donne envie de le connaître plus avec sa Femme-fleur délicate.
Théo van Rysselberghe peint Daisy Weber parmi une nuée de fleurs mauves.
Kees von Dongen a pris une baronne pour modèle tenant un bouquet, rehaussé d’un peu de rouge. Piet Mondrian a choisi la passion pour ces fleurs et sa femme grisâtre.
Bien vu. Les fleurs ont effectivement inspiré de nombreux artistes merveilleux. Ceux cités ici ont excellé.
Plus précisément des femmes-fleurs comme l’indique mon titre
Que c’est agréable de se promener à travers toutes ces oeuvres !
c’est un plaisir…
Bonjour, voici mon texte. Bonne lecture et bonne journée.
Il paraît
qu’elle peut survenir à tout moment,
qu’elle peut évoluer en fonction des âges,
qu’elle est un fil conducteur,
qu’elle peut ne pas avoir de sexe, ni de race,
qu’elle multiplie les expériences,
qu’elle fabrique de beaux souvenirs,
qu’elle peut être indescriptible,
qu’elle peut durer tout une vie,
qu’elle peut être multiple,
qu’il arrive même qu’elle soit indestructible,
Au point de vouloir confier son enfant.
Mais moi je n’en sais rien
car visiblement elle n’a pas décidé de passer par mon chemin.
Un texte mystérieux sous forme de devinette…
Merci
Des items qui, si on les analyse du côté optimiste, donnent envie et qui devraient rassurer. Auquel cas, je ne peux que regretter que « le sujet » implicite (j’ai quelques idées…), ne passe pas par ton chemin. Si on apporte une autre lecture (j’ai aussi quelques idées…), il vaut mieux pour toi que les choses restent dans l’état. Joli jeu de devinette à la manière du XVIIIe siècle.
Merci beaucoup. Dans la réalité c’est plutôt la 1ère option
Une énigme… à peine cachée
Ça faisait longtemps que je n’avais pas écrit dans ce sens
Beaucoup de mystère bien amené dans votre joli texte. Bravo Céline, il donne envie d’en savoir plus.
Bonjour tout le monde. Mon texte est sur https://photonanie.com/2020/12/14/brick-a-book-388/ et, pour vous éviter le déplacement, il est aussi ci-dessous:
“C’était le temps des fleurs, on ignorait la peur…”. Je me souviens avec tendresse de cette époque où nous marchions derrière nos parents pour une balade dans la nature.
Ce jour-là, après le repas dominical, terminé par un fantastique dessert dont la recette sortait tout droit du précieux carnet hérité de ma grand-mère, Papa avait proposé qu’on aille profiter du soleil.
En attendant nos parents dans le jardin nous avions confectionné des couronnes de feuilles et de fleurs. Ça allait bien avec nos vestes en denim et ça nous donnait un petit côté hippie chic, comme disait Maman avec attendrissement.
Quand je revois cette photo prise par mon petit frère, toujours à la traîne avec l’appareil photo reçu pour sa communion, la nostalgie m’envahit.
Nous étions si heureux et nous ne le savions pas ou en tout cas nous ne l’appréciions pas suffisamment.
Maintenant, c’est nous qui marchons en tête des balades, suivis par nos enfants et petits-enfants. La vie continue et on ne peut pas se plaindre mais que le temps de l’insouciance semble loin…
Joli texte nostalgique. Je comprends ce regret d’un temps baigné d’insouciance. Au tour des petits enfants d’en profiter et à nous de les accompagner.
Merci Cloud, c’est la vie… 🙂
ou va-t-on June ?
Tu verras Déborah
Ma sœur avait sa voie rassurante d’une aînée dans laquelle perlait toutefois un soupçon d’inquiétude
En rang, bien alignées, nous allions par deux là où « ils « nous l’avaient demandé.
Toutes de Jean habillées, nos têtes couronnées telles des souveraines.
Bien peu savaient où cela nous menait
Déborah tremblait et June l’enlaça d’un bras rassurant
N’as-tu rien remarqué petite soeur ?
Non …pourquoi ?
Regarde bien, nous sommes toutes identiques, ou presque, nous avons toutes le même âge. Nous venons toutes du même institut dans lequel nous avons grandi
Les frissons de Déborah redoublèrent, comme si, enfin, ses yeux voyaient, comme si, enfin, son cerveau réalisait.
La silhouette sombre de l’hôpital apparut au détour de la clairière, un murmure parcouru les rangs.
Tu comprends Deborah ? Tu vois où nous allons ?
Mais….pourquoi ?
Regarde nous bien, nous sommes des clones. Nous avons été fabriquées, pour soigner. Nos organes sains seront prélevés pour en remplacer d’autres malades. C’est notre destin, nous sommes programmées pour cela.
Et « ils » sont plus puissants que nous
Allez, avance petite soeur
Un beau texte oppressant. En décalage complet avec la sérénité de la photo. Bonne idée. J’aime beaucoup.
Merci Cloud… pari osé !
Frissons à la lecture de ce texte un brin effrayant. Effet réussi, bravo.
Merci beaucoup Photonanie
Now, Suzanne takes your hand and she leeds you to the river
Pas à pas. Emboîter le pas avec passion, infinie légèreté des pas accueillis sur l’herbe craquante de gelée matinale.
L’insouciance mêlée d’impatience, celle de fêter ensemble le bonheur de se retrouver en famille. Les enfants sont déjà loin devant, ils gambadent, leurs rires résonnent dans la clairière.
Les parents sont juste devant nous, peur que l’on soit à nouveau séparé, ils se détournent parfois sur ce chemin étroit pour s’assurer que nous sommes bien là.
Nous, nous sourions, comblés de bonheur, nous nous serrons très fort l’un contre l’autre peut-être pour mieux se rendre compte de la réalité : vivants et ensemble.
C’est bon de lire un moment heureux. Un moment partagé en famille. Rien de grave ne semble pouvoir arriver. Oui, vive l’insouciance ! Merci pour ce texte
Des petits moments qu’il faut rechercher à tout prix et partager, à tout prix, aussi
Le bonheur tout simplement.
C’est ça ! Exactement, à portée de main.
Un moment tranquille de promenade en famille où tout semble paisible. J’ai beaucoup aimé. Bravo Janickmm!
Merci Kroum !
ça ne m’arrivait pas avant, ni pendant
et après non plus
De quoi parles tu , Laura ?