« Ce matin, je me suis levé d’une humeur maussade. Sans raison. Pour ne partager qu’avec moi-même cet état désagréable, j’ai opté pour une balade en forêt. L’éloignement protège ainsi mes proches de la fluctuation de mes états d’âme, et la nature ayant toujours été pour moi une source d’émerveillement, je suis sûr d’y trouver un réconfort, au moins un havre de paix.
Sac sur le dos, l’appareil photo en bandoulière, je suis parti d’un pas allègre au long de sentiers que je connais par cœur. Nous sommes en avril, la végétation est constellée de pointe de verdures, les branchages commencent à se faire discrets. Il fait beau et je marche. Un sixième sens me fait tenir aux aguets.
J’entends un bruit dans un fourré, et vois deux oreilles pointues qui émergent. Je prépare mon appareil calmement, silencieusement. Un lièvre apparaît, s’assoit au milieu de mon chemin, et me fixe de ses deux yeux tout ronds. Je suis prêt, je respire, j’appuie sur le déclencheur une seule fois et je ferme les yeux, heureux d’avoir saisi ce que Cartier-Bresson appelait le moment décisif. Cet instant court, ce centième de seconde qui peut figer une fois pour toutes une belle image de la vraie vie. Je deviens fébrile. Au milieu de tous ces chênes, ces hêtres, quelle fierté d’avoir débusqué cet animal craintif, farouche et rapide comme l’éclair. Il aura illuminé le restant de ma journée. Je rentre. Merci Mère Nature. »
« Ce matin, tandis que je gambadais tranquillement dans le bois de Saint Benoît, un être humain à la mine renfrognée s’est posté devant moi, un appareil photo posé sur l’œil. Je me suis arrêté, lui laissant le temps de prendre son cliché. Je le vois régulièrement, il est plutôt sympa, pas chasseur. Prendre une pose de star dans mon milieu naturel, c’est une manière de lui rappeler qu’un lièvre n’est pas qu’un civet potentiel posé au milieu de tagliatelles. Et puis après tout, j’ai le temps. Comme dit l’autre « Rien ne sert de courir… ».
Superbe ! Très touchant (je crois que je suis d’humeur sensible, aujourd’hui). Avec le personnage, on respire, on se chlorophylle… Chacun de tes mots sonne juste et la fin est un régal de malice, nous rappelant que nous ne sommes pas les seuls êtres intelligents sur terre.
Anne-Marie
sur 26 avril 2021 à 13h10
Désolée d’avoir manqué ton lapinou Cloud, merci pour cette page bucolique. Bravo au photographe pour cette ultime centieme de seconde immortalisée.
Lorsque je l’ai vu dans la Forêt des Charmes, j’ai tout de suite su que ce serait lui : son poil lustré, ses oreilles aux aguets, ses grands yeux noisette… mon chaud lapin chéri.
Lui aussi me regardait, à la fois surpris et épaté. Avait-il jamais vu une humaine ? Une imberbe aux oreilles collées aux tempes, au long nez et au corps immense recouvert de tissus. J’ai osé l’interpeller :
– Oh mon lapin, mon beau lapin, j’ai un enclos plein de lapines, aimerais-tu faire leur connaissance ?
– Volontiers, mais je suis un lièvre, pas un lapin !
– Qui peut le plus, peut le moins !
– Alors d’accord !
C’est ainsi que le beau sauvageon sauta dans ma gibecière. Quand je le libérai dans le pré carré de ces demoiselles, elles en furent tout ébaubies, et lui aussi !
Depuis lors, je me suis lancée dans la cuniculture et chaque jour, dés six heures du matin, je coupe des kilos de carottes, d’épis de maïs et de foin pour mes petits. Tout le monde me demande : « Sont-ce des lapereaux ou des levrauts ? Et moi, de leur répondre, ni l’un ni l’autre mais une chose est sure, c’est que ce sont des lève-tôt ! »
Bonjour. Voici mon texte. Bonne lecture et bonne journée.
Ça faisait une semaine qu’elle y pensait
Des heures qu’elle avait tourné et retourné dans sa tête toutes les possibilités.
Elle avait préparé ses plus beaux atouts,
Préparé ses meilleures répliques et sujets de conversation,
Utilisé ses plus beaux fards,
Sans se laisser aller à la moindre pincée de désespoir.
Elle y avait cru une nouvelle fois,
N’avait laissé aucune place au hasard
Et pourtant,…
Après de longues heures à patienter,
Sentant son maigre espoir se déliter,
Elle avait finit par comprendre
Qu’on lui avait encore fait le coup du lapin…
Quand je l’ai vu, figé devant moi alors qu’il n’y avait même pas de phares de voiture pour l’impressionner, j’ai immédiatement cherché aux alentours où se trouvait la tortue!
Je sais c’est bête mais notre enfance nous conditionne à notre insu et pour moi, s’il y avait un lièvre il devait impérativement y avoir une tortue.
N’en voyant point, mon regard est revenu vers le lièvre. C’était la première fois que nous nous croisions dans ce petit bois derrière chez moi. Je n’avais jamais vraiment réfléchi à toute la vie invisible qui peuplait la forêt. Oh j’avais bien aperçu, sans vraiment regarder, des trous dans le sol ressemblant à des entrées de terrier mais je ne m’y étais jamais arrêtée.
Ignorant tout de l’espèce, je me demandais s’il s’agissait d’un mâle ou d’une femelle… Un père en train de chasser pour nourrir sa famille ou une mère aux aguets craignant pour sa portée?
Nous nous regardions, immobiles à présent tous les deux. Le moment était magique, un peu hors du temps. J’étais consciente de la chance que nous avions tous les deux: le lièvre que je ne sois pas un chasseur ou un chien assoiffé de sang et moi, pauvre humaine émue à la vue de cet animal sauvage.
Je n’avais même pas mon appareil photo pour immortaliser ce moment et, même si je l’avais eu, il est probable que le moindre mouvement nous aurait séparés…
Je suis souvent retournée me balader au même endroit en espérant revivre cette brève rencontre mais ce moment est resté unique rendant son souvenir d’autant plus précieux.
Vivre chaque jour comme si c’était le dernier, ne rien louper, profiter de ce que la vie nous offre…c’est le programme que j’essaye de suivre mais il y a des jours sans…
Cloud
sur 26 avril 2021 à 14h06
Belle histoire avec plusieurs moralités : soyons toujours pleinement conscients des bons moments simples de la vie, et regardons attentivement la nature qui regorge de surprises comme des oeufs de Pâques cachés dans un jardin. Merci pour ce texte.
Tel un caméléon, j’épouse la couleur du fond sur lequel j’évolue, roux couleur de feuilles d’automne. Certains scarabées partagent cette faculté, et dans le monde marin, des pieuvres, seiches et soles. Je suis en alerte, aux aguets, mes immenses oreilles dressées, à l’affût des crissements, froissements, cris et sifflements. Mes longues pattes sont prêtes à se déployer dans l’élan d’une fuite. La forêt m’abrite et me menace, avec son lot de prédateurs. Mais que le soleil est bon, il rosit une de mes oreilles ! Parfois je sors du bois pour aller voir ce que les potagers ou cultures vivrières ont à m’offrir. J’observe autour de moi, je prends des tangentes pour égarer mon poursuivant. Toi qui m’as saisi avec ton objectif de haute technologie ne me capteras pas longtemps, et seulement mon image. Ce que je redoute, c’est le viseur du fusil du chasseur, mais je serai plus rusé, plus rapide, discret, louvoyant et m’évanouirai dans la nature. M’aventurerai la nuit.
Nous sommes ce lièvre, museau au vent, qui flairons les dangers et les opportunités. Qui oscillons entre audace et crainte. Nous sommes rendus à notre nature animale, fragiles et animés par l’appétit de survie, le désir d’espace et de folâtrer dans un monde qui se rouvrirait.
Un texte empreint de légèreté et de force. J’aime beaucoup le passage du « je » au « nous » qui renforce le côté plaidoyer.
Anne-Marie
sur 26 avril 2021 à 13h39
Un texte qui donne à penser à la fragilité de nos existances. Bravo.
Cloud
sur 26 avril 2021 à 14h14
Bravo pour ce texte et le sens qu’il accorde au paradoxe de l’existence. Bien souvent nous envions ce mimétisme animal tout en souhaitant se singulariser au milieu de nos pairs. Quoi qu’il en soit nul n’est fait pour vivre confiné… Vive l’espace.
Si je n’ai pas pu te soigner, t’écouter assez pour te garder vivant, je veux garder vivant tes paysages que tu as partagés avec moi, les miens que tu as adoptés et les paysages que nous avons découverts ensemble. Le canal de St Quentin était le paysage de ton enfance puisque ton père travaillait dans l’usine de textile qui était dans les bois derrière et ta famille occupait une maison d’usine dans ce même décor. Cette usine est morte. Avant qu’elle soit reprise, il y a quelques années, nous avons pu aller dans ce bois. Tu m’as montré votre ancienne maison, l’emplacement où vous aviez des animaux comme des poules, le potager et le terrain de chasse de ton père(petit chasseur, stop les bien-pensants). A ce moment passa un petit lapin. Nous avons aussi des animaux plus hauts sur patte. Quand nous allions passer quelques jours chez mes beaux-parents(dans une maison au-dessus du canal par rapport à l’ancienne) l’été(souvent beau quoi qu’on passe du climat des Hauts de France), nous étions heureux d’aller, après le dîner(souvent trop copieux pour moi mais ils étaient si heureux de nous avoir), nous balader au bord du canal, surtout les derniers temps quand les ravages d’Alzheimer sur ma belle-mère furent plus prégnants. Nous voyions souvent des lapins, des poissons sauter, des chevreuils à travers les bois. Je crois que nous l’avons fait lors de notre dernier séjour là-haut ensemble, l’été 2019. Contrairement à moi, mon mari a vécu une enfance à la campagne, au milieu des bois, nourrissant les oies, un couvercle de lessiveuse à la main pour parer leurs attaques. Il est aussi « né » dans une cour d’usine, biberonné au textile et à l’électricité que pratiquait son père. A l’époque, Gauchy, le faubourg où ils vivaient encore(il y a quelques mois, ma belle-mère est morte et mon père est en EHPAD) était un vrai village qui se trouvait en même temps très près et très loin du centre de Saint-Quentin.
Merci pour cette touchante rétrospective, le lapin en madeleine de Proust… Et bon rétablissement à toi ! (Le mois dernier, j’ai eu pour locataire le variant anglais, deux semaines à plat, courbaturée, mais maintenant tout va bien, à part l’odorat qui se fait désirer)
Cloud
sur 26 avril 2021 à 14h19
Beaux souvenirs touchants et de belles références à une vie rurale.
Bonjour et merci
Les souvenirs de mon mari
n’ont besoin que d’un tout petit bout de madeleine pour revenir
Hier, je rangeais ses livres, les mêlant aux miens puisque j’ai moins de place qu’avant
Aujourd’hui, je vais m’attaquer à son circuit de train
J’ai un peu plus mal partout que d’habitude si c’est possible
Quant à la fatigue, c’est une compagne si présente
Encore merci et bonne journée
rizzie2
sur 27 avril 2021 à 13h01
C’est sur le chemin du Bois Joli
que nous nous sommes rencontrés.
Lui, fourrure camouflage feuilles mortes,
c’est le lièvre.
Moi, Quechua fluo randonneur,
c’est l’humain.
Étirement vertical maximum des oreilles pour lui.
Arrondissement optimal des yeux pour moi.
Sidération pour tous les deux.
On a regardé, écouté, flairé.
J’ai vu sa peau accrochée à une porte de grange,
Peut-être m’a-t-il vu au fond de mon cercueil ?
Instantanément,
nous avons sympathisé,
à la vie, à la mort
Et puis,
chacun a repris son chemin,
en sens opposé.
Cloud
sur 27 avril 2021 à 16h01
Très beau texte. Simple, percutant, bien rythmé. Deux vies croisées résumées en dix huit lignes. Bravo. Et merci.
« Ce matin, je me suis levé d’une humeur maussade. Sans raison. Pour ne partager qu’avec moi-même cet état désagréable, j’ai opté pour une balade en forêt. L’éloignement protège ainsi mes proches de la fluctuation de mes états d’âme, et la nature ayant toujours été pour moi une source d’émerveillement, je suis sûr d’y trouver un réconfort, au moins un havre de paix.
Sac sur le dos, l’appareil photo en bandoulière, je suis parti d’un pas allègre au long de sentiers que je connais par cœur. Nous sommes en avril, la végétation est constellée de pointe de verdures, les branchages commencent à se faire discrets. Il fait beau et je marche. Un sixième sens me fait tenir aux aguets.
J’entends un bruit dans un fourré, et vois deux oreilles pointues qui émergent. Je prépare mon appareil calmement, silencieusement. Un lièvre apparaît, s’assoit au milieu de mon chemin, et me fixe de ses deux yeux tout ronds. Je suis prêt, je respire, j’appuie sur le déclencheur une seule fois et je ferme les yeux, heureux d’avoir saisi ce que Cartier-Bresson appelait le moment décisif. Cet instant court, ce centième de seconde qui peut figer une fois pour toutes une belle image de la vraie vie. Je deviens fébrile. Au milieu de tous ces chênes, ces hêtres, quelle fierté d’avoir débusqué cet animal craintif, farouche et rapide comme l’éclair. Il aura illuminé le restant de ma journée. Je rentre. Merci Mère Nature. »
« Ce matin, tandis que je gambadais tranquillement dans le bois de Saint Benoît, un être humain à la mine renfrognée s’est posté devant moi, un appareil photo posé sur l’œil. Je me suis arrêté, lui laissant le temps de prendre son cliché. Je le vois régulièrement, il est plutôt sympa, pas chasseur. Prendre une pose de star dans mon milieu naturel, c’est une manière de lui rappeler qu’un lièvre n’est pas qu’un civet potentiel posé au milieu de tagliatelles. Et puis après tout, j’ai le temps. Comme dit l’autre « Rien ne sert de courir… ».
Ta promenade forestière donne envie et j’adore les deux points de vue des personnages !
Un beau texte qui flirte un peu avec le mien par moment: nous devons fréquenter les mêmes endroits mais moi je n’avais pas mon appareil photo 😉
Superbe ! Très touchant (je crois que je suis d’humeur sensible, aujourd’hui). Avec le personnage, on respire, on se chlorophylle… Chacun de tes mots sonne juste et la fin est un régal de malice, nous rappelant que nous ne sommes pas les seuls êtres intelligents sur terre.
Désolée d’avoir manqué ton lapinou Cloud, merci pour cette page bucolique. Bravo au photographe pour cette ultime centieme de seconde immortalisée.
excellent
Jolie balade et belle originalité que ce texte a deux voix. Bravo
Haha super le changement de point de vue.
(J’ai une petite faim, tiens … étrange …) 😉
Bonsoir, mon texte est à retrouver chez moi: https://marinadedhistoires.wordpress.com/2021/04/26/lapinades/
Ou bien ci-dessous:
Lapinades
Lorsque je l’ai vu dans la Forêt des Charmes, j’ai tout de suite su que ce serait lui : son poil lustré, ses oreilles aux aguets, ses grands yeux noisette… mon chaud lapin chéri.
Lui aussi me regardait, à la fois surpris et épaté. Avait-il jamais vu une humaine ? Une imberbe aux oreilles collées aux tempes, au long nez et au corps immense recouvert de tissus. J’ai osé l’interpeller :
– Oh mon lapin, mon beau lapin, j’ai un enclos plein de lapines, aimerais-tu faire leur connaissance ?
– Volontiers, mais je suis un lièvre, pas un lapin !
– Qui peut le plus, peut le moins !
– Alors d’accord !
C’est ainsi que le beau sauvageon sauta dans ma gibecière. Quand je le libérai dans le pré carré de ces demoiselles, elles en furent tout ébaubies, et lui aussi !
Depuis lors, je me suis lancée dans la cuniculture et chaque jour, dés six heures du matin, je coupe des kilos de carottes, d’épis de maïs et de foin pour mes petits. Tout le monde me demande : « Sont-ce des lapereaux ou des levrauts ? Et moi, de leur répondre, ni l’un ni l’autre mais une chose est sure, c’est que ce sont des lève-tôt ! »
J’aime beaucoup le ton primesautier de ton texte. Il a eu beaucoup de chance de te rencontrer ce beau lièvre 😉
Hi hi hi, merci Photonanie !
Quel plaisir de lecture ! Merci ! Du court plein de panache et d’esprit.
Merci beaucoup Séverine
Charmant et facétieux, un texte que je lis le sourire aux lèvres. Merci.
Merci Anne-Marie !
Excellent ! J’adore. L’idée, le ton, le vocabulaire… J’aime tout dans ce texte. Merci.
Oh merci Claude !
Très sympa
Bonjour. Voici mon texte. Bonne lecture et bonne journée.
Ça faisait une semaine qu’elle y pensait
Des heures qu’elle avait tourné et retourné dans sa tête toutes les possibilités.
Elle avait préparé ses plus beaux atouts,
Préparé ses meilleures répliques et sujets de conversation,
Utilisé ses plus beaux fards,
Sans se laisser aller à la moindre pincée de désespoir.
Elle y avait cru une nouvelle fois,
N’avait laissé aucune place au hasard
Et pourtant,…
Après de longues heures à patienter,
Sentant son maigre espoir se déliter,
Elle avait finit par comprendre
Qu’on lui avait encore fait le coup du lapin…
Hi hi hi, très originale cette inspiration tirée de la photo !
C’est la 1ère idée qui m’est venue en la voyant
Une approche originale pour ce coup du…lièvre 😉
Avec un rdv en forêt ça pourrait marcher
Tout est dans la chute. Bien mené 😉
Merci beaucoup
Merci pour cette lecture qui se joue du lecteur. Une page pleine d’humour qui éclaire cette journée.
Merci !!!
Je me suis laissé emmener le long du texte plaisant jusqu’à cette chute qui le relie à la photo avec humour. Bien vu. Merci.
Je crois que ça devient un style maintenant ce dernier clin d’œil à la photo
Bonjour, ma participation est sur https://photonanie.com/2021/04/26/brick-a-book-403/ et ci-dessous. Bonne semaine à vous.
Quand je l’ai vu, figé devant moi alors qu’il n’y avait même pas de phares de voiture pour l’impressionner, j’ai immédiatement cherché aux alentours où se trouvait la tortue!
Je sais c’est bête mais notre enfance nous conditionne à notre insu et pour moi, s’il y avait un lièvre il devait impérativement y avoir une tortue.
N’en voyant point, mon regard est revenu vers le lièvre. C’était la première fois que nous nous croisions dans ce petit bois derrière chez moi. Je n’avais jamais vraiment réfléchi à toute la vie invisible qui peuplait la forêt. Oh j’avais bien aperçu, sans vraiment regarder, des trous dans le sol ressemblant à des entrées de terrier mais je ne m’y étais jamais arrêtée.
Ignorant tout de l’espèce, je me demandais s’il s’agissait d’un mâle ou d’une femelle… Un père en train de chasser pour nourrir sa famille ou une mère aux aguets craignant pour sa portée?
Nous nous regardions, immobiles à présent tous les deux. Le moment était magique, un peu hors du temps. J’étais consciente de la chance que nous avions tous les deux: le lièvre que je ne sois pas un chasseur ou un chien assoiffé de sang et moi, pauvre humaine émue à la vue de cet animal sauvage.
Je n’avais même pas mon appareil photo pour immortaliser ce moment et, même si je l’avais eu, il est probable que le moindre mouvement nous aurait séparés…
Je suis souvent retournée me balader au même endroit en espérant revivre cette brève rencontre mais ce moment est resté unique rendant son souvenir d’autant plus précieux.
Bravo pour ce « moment unique » et magique si bien conté.
Merci Marina 🙂
Elle est jolie cette rencontre, et l’incipit m’a bien fait sourire, merci ! Un texte parfait pour un reportage animalier 😉
Merci beaucoup Séverine 🙂
Une si brève rencontre pour un si joli texte, il nous rappelle de vivre chaque instant intensément.
Vivre chaque jour comme si c’était le dernier, ne rien louper, profiter de ce que la vie nous offre…c’est le programme que j’essaye de suivre mais il y a des jours sans…
Belle histoire avec plusieurs moralités : soyons toujours pleinement conscients des bons moments simples de la vie, et regardons attentivement la nature qui regorge de surprises comme des oeufs de Pâques cachés dans un jardin. Merci pour ce texte.
Merci Claude, ton commentaire me touche.
J’adore la référence !!! Et oui il y a de joli(s) moment(s) qu’il faut vivre pour ce qu’ils sont.
Il faut parfois arrêter de se poser des questions et vivre, tout simplement, le présent…
J’aime l’idée que ce que nous avons appris enfant nous conditionne. Je partage ton point de vue. 🙂
Merci pour ton com sympa 🙂
Tel un caméléon, j’épouse la couleur du fond sur lequel j’évolue, roux couleur de feuilles d’automne. Certains scarabées partagent cette faculté, et dans le monde marin, des pieuvres, seiches et soles. Je suis en alerte, aux aguets, mes immenses oreilles dressées, à l’affût des crissements, froissements, cris et sifflements. Mes longues pattes sont prêtes à se déployer dans l’élan d’une fuite. La forêt m’abrite et me menace, avec son lot de prédateurs. Mais que le soleil est bon, il rosit une de mes oreilles ! Parfois je sors du bois pour aller voir ce que les potagers ou cultures vivrières ont à m’offrir. J’observe autour de moi, je prends des tangentes pour égarer mon poursuivant. Toi qui m’as saisi avec ton objectif de haute technologie ne me capteras pas longtemps, et seulement mon image. Ce que je redoute, c’est le viseur du fusil du chasseur, mais je serai plus rusé, plus rapide, discret, louvoyant et m’évanouirai dans la nature. M’aventurerai la nuit.
Nous sommes ce lièvre, museau au vent, qui flairons les dangers et les opportunités. Qui oscillons entre audace et crainte. Nous sommes rendus à notre nature animale, fragiles et animés par l’appétit de survie, le désir d’espace et de folâtrer dans un monde qui se rouvrirait.
J’aime beaucoup les similitudes observées dans le dernier paragraphe…qui nous ramènent à notre quotidien.
Un texte empreint de légèreté et de force. J’aime beaucoup le passage du « je » au « nous » qui renforce le côté plaidoyer.
Un texte qui donne à penser à la fragilité de nos existances. Bravo.
Bravo pour ce texte et le sens qu’il accorde au paradoxe de l’existence. Bien souvent nous envions ce mimétisme animal tout en souhaitant se singulariser au milieu de nos pairs. Quoi qu’il en soit nul n’est fait pour vivre confiné… Vive l’espace.
Excellent parallèle !!!
Bonjour,
Voilà ma participation de positive à la covid 19:
Le canal de ton enfance
Si je n’ai pas pu te soigner, t’écouter assez pour te garder vivant, je veux garder vivant tes paysages que tu as partagés avec moi, les miens que tu as adoptés et les paysages que nous avons découverts ensemble. Le canal de St Quentin était le paysage de ton enfance puisque ton père travaillait dans l’usine de textile qui était dans les bois derrière et ta famille occupait une maison d’usine dans ce même décor. Cette usine est morte. Avant qu’elle soit reprise, il y a quelques années, nous avons pu aller dans ce bois. Tu m’as montré votre ancienne maison, l’emplacement où vous aviez des animaux comme des poules, le potager et le terrain de chasse de ton père(petit chasseur, stop les bien-pensants). A ce moment passa un petit lapin. Nous avons aussi des animaux plus hauts sur patte. Quand nous allions passer quelques jours chez mes beaux-parents(dans une maison au-dessus du canal par rapport à l’ancienne) l’été(souvent beau quoi qu’on passe du climat des Hauts de France), nous étions heureux d’aller, après le dîner(souvent trop copieux pour moi mais ils étaient si heureux de nous avoir), nous balader au bord du canal, surtout les derniers temps quand les ravages d’Alzheimer sur ma belle-mère furent plus prégnants. Nous voyions souvent des lapins, des poissons sauter, des chevreuils à travers les bois. Je crois que nous l’avons fait lors de notre dernier séjour là-haut ensemble, l’été 2019. Contrairement à moi, mon mari a vécu une enfance à la campagne, au milieu des bois, nourrissant les oies, un couvercle de lessiveuse à la main pour parer leurs attaques. Il est aussi « né » dans une cour d’usine, biberonné au textile et à l’électricité que pratiquait son père. A l’époque, Gauchy, le faubourg où ils vivaient encore(il y a quelques mois, ma belle-mère est morte et mon père est en EHPAD) était un vrai village qui se trouvait en même temps très près et très loin du centre de Saint-Quentin.
Merci pour cette touchante rétrospective, le lapin en madeleine de Proust… Et bon rétablissement à toi ! (Le mois dernier, j’ai eu pour locataire le variant anglais, deux semaines à plat, courbaturée, mais maintenant tout va bien, à part l’odorat qui se fait désirer)
Beaux souvenirs touchants et de belles références à une vie rurale.
belles références à une vie rurale: ça me touche parce que ce sont les récits de mon mari
Bonjour et merci
Les souvenirs de mon mari
n’ont besoin que d’un tout petit bout de madeleine pour revenir
Hier, je rangeais ses livres, les mêlant aux miens puisque j’ai moins de place qu’avant
Aujourd’hui, je vais m’attaquer à son circuit de train
J’ai un peu plus mal partout que d’habitude si c’est possible
Quant à la fatigue, c’est une compagne si présente
Encore merci et bonne journée
C’est sur le chemin du Bois Joli
que nous nous sommes rencontrés.
Lui, fourrure camouflage feuilles mortes,
c’est le lièvre.
Moi, Quechua fluo randonneur,
c’est l’humain.
Étirement vertical maximum des oreilles pour lui.
Arrondissement optimal des yeux pour moi.
Sidération pour tous les deux.
On a regardé, écouté, flairé.
J’ai vu sa peau accrochée à une porte de grange,
Peut-être m’a-t-il vu au fond de mon cercueil ?
Instantanément,
nous avons sympathisé,
à la vie, à la mort
Et puis,
chacun a repris son chemin,
en sens opposé.
Très beau texte. Simple, percutant, bien rythmé. Deux vies croisées résumées en dix huit lignes. Bravo. Et merci.
Merci pour la photo !
Joli travail de miroir mais opposé. Métaphore de ce que les hommes font subir à l’espèce animale ?
En y réfléchissant, c’est exactement ça… j’écris un peu à l’instinct ! Merci Alexandra pour ton passage.
Deux vies entières en parallèle très bien décrites 🙂
Merci Photonanie pour ta lecture !