Mains tendues
Corps courbé
Les deux pieds plantés
Au sol
Je pensais
A ces innombrables questions
Tourbillon
Sans fin
Qui m’avait emporté
Loin de ma maison
J’avais erré
Psalmodié
Ânonné
Des phrases sans fin
Posé des meubles
Bâti des châteaux de cartes
J’avais fui
L’exilé
On m’appelait
Cheval de bois
Désaxé
J’ai tourné
Jusqu’à Toi
L’évidence
M’arrêter
Savourer
M’étonner
Et là
Sur ce banc
Ne penser
Qu’à une seule question
Veux-tu m’épouser ?
© Leiloona, le 22 septembre 2013
Le texte de Jacou :
Face à son destin
J’en suis à un point, je ne sais plus quoi faire.
Ils sont tous là à me questionner ; à me demander ce que je décide.
S’ils se doutaient qu’à ce point mon avenir est en jeu, mon honneur même.
Peut-être que le jeu est fait d’avance ; alors là, je n’y peux rien, si ce n’est laisser faire le hasard ; ne pas choisir.
Mais non, que penseraient ma femme, mes enfants ; et surtout, mon père ?
Je joue ma vie, là ; quel dur moment à passer. Il faut que je respecte la tradition familiale, que j’arrive à me surpasser. Que je sois le meilleur, le gagneur, le vainqueur.
Tout va se jouer dans la minute; alors je serai encensé, adulé, ou plus rien. J’aurai droit à figurer au milieu des ancêtres victorieux, ou serai l’indigne, renié, seul face à sa défaite.
J’ai demandé un instant de réflexion ; je suis au pied du mur, confronté à un cruel dilemme.
Instant crucial, ils m’attendent. Je dois y aller. Le terrain, je le connais comme ma poche. Alors pourquoi est-ce que je me répète sans arrêt : « Tu tires ou tu pointes ? »
Le texte d’Isona (bienvenue !) :
Vous voyez tous ces arbres, la tête dressée vers le ciel, un jour ils seront centenaires ! Leur dévotion à aller toujours plus haut vers les cieux leur confère-t-il un délai de vie supplémentaire ?
Moi, je suis déjà courbé, les yeux rivés sur la terre. 63 ans « et encore quelques semaines » comme un bonus à en croire mon médecin. Pour en faire quoi ? Je m’ennuie déjà des billes dans la cour d’école, des parties de foot au pied de l’immeuble, de ma 1ère mobylette, de mon premier baiser à Juliette, de la naissance de mes fils, de tous ces instants qui me parlaient d’avenir.
C’est vrai j’ai voulu aller plus loin plus vite, on dirait que je suis arrivé là où il n’y a plus de chemin ! Aurait-il mieux valu que je regarde là-haut ? Je n’ose pas, je me voûte un peu plus.
Alors il y a ce parc près de mon ancien immeuble, et à l’abri des grands arbres, j’attends.
Le texte de Monesille (bienvenue aussi !)
Vous croisez dans la glace un regard fatigué
Battu de grève lasse et de révolté usé
Cet inconnu pourtant que vous reconnaissez
Comme ombre revenant d’un chemin oublié
La vie n’a pas voulu, alors je continue
Et puis au coin des rues au hasard de vos pas
Ce reflet au miroir surpris de ce jeu-là
Qui vous dit qui es-tu en vous touchant du doigt
Qui es-tu devenu, et pourquoi es-tu là ?
La vie n’a pas voulu, alors je continue
Et relevant la tête, vous passez dans le noir
Le ciel de vos peut-être au laser de l’espoir
As cachés dans la manche que vous ne jouez pas
Et le temps des regrets écoulé d’autres fois.
La vie n’a pas voulu, alors je continue
Or vous rêvez encore d’envoyer au combat
Vos forces que les aubes ont blanchi tant de fois
Roulées par le rivage où vos pas échoués
N’ont lu des coquillages que les bords acérés.
La vie n’a pas voulu, alors je continue
Si pourtant ce matin mon corps à de la peine
A suivre son destin plus loin que ses rengaines
J’aimerais que toujours je puisse dire ainsi
Ce refrain que demain je pleurerai aussi
La vie n’a pas voulu, alors je continue.
Le texte de Morgane :
INSEPARABLES
Comme chaque lundi après midi, quelque soit le temps, j’aime lâcher mes ciseaux, mes brosses et mes bigoudis pour venir m’oxygéner les poumons en courant dans ce parc où les habitants de la ville aiment se rappeler que la couleur verte existe. Lors de mon énième tour du lac, c’est le souffle court que j’aperçois cet homme seul sur son banc. Rien de très original mais cet homme avait un air si triste et une position tellement abattue qu’il m’a interpellé.
Je me suis approchée doucement : il ne m’a pas remarqué ; il semblait comme hypnotisé … Je lui ai demandé si je pouvais l’aider ; il a alors levé ses yeux bleus et perdus vers moi. « Tout va bien ? » ai-je poursuivi inquiète. Il a pris son visage dans ses mains et a pleuré comme jamais je n’avais vu un homme pleurer… Une fois le torrent de larmes passé, il m’a vidé son sac enfin sa valise étant donné ce qu’elle contenait.
Cette immense tristesse était due à la perte de sa bien aimée Geneviève … Il quittait juste l’hôpital d’où elle ne sortirai plus. Elle y était rentrée il y a quinze jours pour une simple pneumonie suivie d’une avalanche d’examens aux conclusions désastreuses … Il a haussé la voix pour m’expliquer que l’infirmière de service d’il y a 4 jours lui avait demandé de « se préparer » … Il s’était emporté : comment se préparer au départ imminent (il n’utilise pas le mot mort) de la femme qui partage ses jours et ses nuits depuis plus de 36 ans … Quand je lui ai demandé s’ils avaient des enfants que je pouvais appeler pour le soutenir dans cette épreuve, il m’a répondu qu’il n’y avait eu qu’elle et seulement elle à ses côtés : pas d’enfants car toute une vie de voyages et de rencontres à l’autre bout du monde la main dans la main.
Je lui ai demandé brusquement de le raccompagner chez lui : il a accepté et s’est levé tel un pantin désarticulé en me bredouillant le chemin à prendre. Quand nous sommes arrivés dans son appartement décoré par de nombreux objets exotiques (sans doute les trophées de leurs nombreux périples), cet homme dont je ne connaissais toujours pas le prénom était à bout de force, à bout de larmes, à bout de chagrin … Je l’ai donc bordé comme il m’arrive de border ma petite nièce : doucement, calmement, en chuchotant des mots apaisants. J’ai quitté mon veuf endormi avec la gorge serrée et le cœur lourd.
J’ai repris mes occupations capillaires du mardi avec dans la tête ses larmes, ses mots, sa détresse qui m’avaient chaviré depuis la veille …
Le salon fermé, c’est avec évidence que j’ai pris le chemin de l’appartement visité gravement hier. J’ai été accueillie par une concierge aussi méfiante qu’une bonne sœur aux portes d’un couvent ; je lui ai expliqué, faute de Nom, que je venais visiter le vieux Monsieur du troisième. Mes oreilles ont bourdonné et mon souffle s’est coupé lorsqu’elle m’a annoncé qu’elle avait retrouvé le pauvre Monsieur Cloarec endormi à jamais dans le lit conjugal en lui déposant le courrier ce matin … Je n’écoutais pas quand elle s’est lancée dans un monologue ayant pour sujet le couple atypique du troisième ; la seule phrase qui ait atteint mon cerveau est celle-ci :
« Dans l’immeuble, on les surnommait les inséparables »
… …
Vos liens :
Yosha : Seul ?
Za : Mes petites bêtises
Mamido : C’était là
Naniloup : L’homme sur le banc
K Mill : Ondée
Cardamone : Lila
Cess : Il se souvient
Han, j’adore !!!!
Merci. ♥
Voilà mon texte : Il se souvient…
http://leslecturesdececile.fr/une-photo-quelques-mots-11-il-se-souvient/
Je reviens lire vos textes plus tard !
@ Leiloona : je ne m’attendais pas à la chute !
@ Jacou : je ne m’attendais pas non plus à cette chute… Ca m’a bien fait rire !
@ Isona : j’aime ce bilan sur sa vie, cette interrogation sur la direction à suivre un peu tardive et désabusée.
@ Monesille : très beau, ton poème m’a touchée et emportée !
Je voulais une note positive. 🙂
Je dois enfin me décider à participer à cet atelier. Les textes sont splendides avec une petite préférence pour celui de Jacou, poétique, drôle et touchant. Très joli rendez-vous en tout cas.
Merci. J’ai été influencée par les réactions face à cette photo, exprimées la semaine passée. J’ai eu envie d’écrire quelque chose de léger: un pied de nez, en quelque sorte à cette tristesse que l’on peut ressentir, à première vue, devant cette photo.
J’en profite pour passer un petit message à Leïloona: offre-nous une photo légère, cette fois-ci, genre avec des papillons…
Oui, et il paraît en plus que cela est vite addictif ! 😉
@ Leiloona et Jacou: deux textes très agréables à lire où l’intensité dramatique grimpe peu à peu jusqu’à la phrase finale. Bravo!
@ Isona: Nostalgie et tristesse au rendez-vous de ton joli texte.
@ Monesille: J’aime cette petite ritournelle qui revient « La vie n’a pas voulu, alors je continue » que je fredonne malgré moi sur l’air d’une chanson ancienne de Mireille « Papa n’a pas voulu, tant pis n’en parlons plus! » refrain dont la légèreté n’a rien à voir pourtant avec la nostalgie mélancolique et grave de ton texte…
Merci, Mamido ! 😀
Rhooo, c’est beau, très beau. Et la chute est parfaite !
@ Leiloona, merci pour l’accueil. Et CE texte, vraiment j’aime.
@ Jacou, pied de nez réussi à voir mon sourire 🙂
@ Monésille, alors surtout continue…
@ Tous, pour vos com merci.
Merci à toi ! 😀
J’espère que tu as aimé participer ! 😀
Tiens, un poème, ça change! Et c’est réussi!
Merci ! 😉
Je navigue entre deux eaux ! 😉
Quatre beaux textes! J’aime tout particulièrement le poème de Monesille, ce rythme qui emporte, qui touche en profondeur avec le retour de « La vie n’a pas voulu alors je continue » qui marche très très fort!
Je trouve aussi que ce leitmotiv apporte un rythme intéressant au texte : il le rend plus fort.
Leiloona, Une belle pirouette à cette attente qui est toute d’espérance.
Pour les autres, bravo ! Et j’ai bien souri à… « Tu tires ou tu pointes ??? »
Ah oui, je suis très pirouette en ce moment ! 😀
@ Jacou ! Mouhahaha, très bien vu ! Belle chute ! 😀
@ Isona : Texte très dur … Et en même temps, une vie bien remplie.
@ Monesille : Très bien vu le refrain qui revient comme une rengaine bien illusoire. 🙁
@ Morgane : un texte très touchant … Et ô combien vrai pour de nombreuses personnes …