Qu’à un fil (atelier d’écriture)

par | 1 Déc 2014 | # Parfois j'écris ..., Atelier d’écriture, Une photo, quelques mots | 55 commentaires

© Romaric Cazaux

© Romaric Cazaux

Un cri sourd, silencieux perce ses tympans. Il hurle de l’intérieur, le souffle court, l’oeil hagard.
Rien ne sera plus jamais comme avant.
Son rire, son sourire, ses bras chauds qu’elle pendait à son cou.
Rien.
Le néant.
Autour de lui se pressent les amis, leur chaleur physique. Les mots doux sont un léger baume sur sa cicatrice béante, son gouffre qui l’attire irrémédiablement vers elle.
Son parfum flotte encore dans l’air, relique bientôt perdue dans le songe des souvenirs.

Il aimerait pouvoir crier, pleurer, déchaîner les flots, déchirer son corps trop lourd à porter seul maintenant. Mais seuls des remous invisibles pour les autres s’entrechoquent. Il n’est qu’un amas d’atomes, sans son soleil, un magma grouillant sans queue ni tête.

Vie sourde, l’ère glaciaire a commencé.

Parfois, il espère, se retourne, espère la revoir. Ce n’est qu’un cauchemar, n’est-ce pas ?
Mais seul le vide le regarde de ses yeux faméliques et dépeuplés.

Il reprendra goût à la vie, au sourire, il s’acharnera à faire de chaque seconde une éternité, mais avec au fond de lui cette tenace souffrance que la vie ne tient qu’à un fil.

© Leiloona, le 30 décembre 2014

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Le texte de Ghislain :

Bonjour à tous, je suis une statue ! Ne vous en faites pas, je sais ce que vous vous dites. Votre première réaction a été de penser : « il dit vraiment n’importe quoi celui-là ! ». Je comprend que cela puisse paraître bizarre à un humain de lire les mémoires d’une statue, mais je ne vois pas pourquoi je n’aurais pas le droit d’écrire (bien que vous pourriez vous demander comment je fais). Enfin bref, ne tournons pas davantage au tour du pot, je perds du temps et je vous ennuie pour rien…

Je n’ai pas de nom. On ne m’en a jamais donner, et je pense qu’on ne le fera jamais. Je ne sais pas non plus qui est mon sculpteur (sur ma plaque il est écrit : « sans titre, sculpteur anonyme »). Bon, là vous vous dites que ce que j’ai à dire n’est vraiment pas intéressant, mais je vous demande un peu de patience. J’y viens. J’ai toujours « vécu » dans un petit musée quelconque, dans une petite ville banale, sans aucun imprévu dans mon existence. Enfin… jusqu’au jour où l’on m’a dérobé. Oui, dérobé ! Enlevé, kidnappé, sorti, arraché à mon cher petit musée. Il paraît qu’un voleur d’œuvres d’arts était passé par hasard dans le petit musée et avait reconnu sous mes traits la patte d’un sculpteur de renommé mondial. Ce qui, par conséquent, me faisait monter dans la hiérarchie au poste d’œuvre très chère. Chouette ! Peut-être allais-je avoir enfin des centaines de touristes s’amassant devant moi pour me prendre en photo, succès convoité par tant de mes semblables…

La suite pourrait vous sembler un peu moins palpitante, mais c’est mon histoire telle qu’elle s’est déroulée, et il n’est pas question que je l’enjolive pour le seul prétexte que ça vous ferait plaisir ! Mes ravisseurs ont demandé au petit musée une énorme rançon que, après avoir apprit la vérité sur ma nature, l’État s’est empressé de payer. Eh oui, je sais, pas de longue enquête, de flics travaillant jours et nuits ou de courses à la montre ou en voiture comme on en voit dans les séries télé. Ça peut se résumer en juste trois mots : payer, récupérer, exposer. Ils ont payé ma rançon, m’ont récupéré et se sont empressés de m’exposer dans un musée national.

Donc, si vous passez au musée dans lequel je me trouve, n’oubliez pas de venir me faire un petit coucou… 😉

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Vos liens : 

Adrienne : Le premier

Josette 

Titine

Vu de mes lunettes : La balade

Lady Marianne

Sabine : Champion

Monesille : J’étouffe parfois

Les tribulations d’une lectrice : Souvenirs

Pierre Forest : Atelier de l’éphémère

Antigone : Ton visage

Paikanne : In Extremis

Stephie

Cléo : Le dieu

Miss Léo 

Jérémie : Isaïe

Myrtille

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55 Commentaires

    • Oh que oui, je sais ô combien leur peine est immense … J’ai eu besoin d’en parler, ma façon à moi d’extérioriser et d’évacuer.
      J’ajoute le tien.

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      • Pareil je n’ai pas pu faire autrement ce matin…

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  1. ah terrible texte sur le deuil!
    tu dis très bien ce déchirement, cet arrachement de l’intérieur

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  2. Bel hommage, le gouffre, le vide… Bon courage leil!

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  3. Un très beau bel hommage à ton amie perdue, un texte très émouvant.

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  4. J’aime ton expression « pour moi l’ère glaciaire à commencé » ton texte m’émeut beaucoup Leiloona.
    Amusante cette version de la statue, un texte léger en contradiction avec la ssouffrance exprimée.
    bravo à tous les 2

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  5. Leiloona : ton texte est très touchant.
    Ghislain : j aime beaucoup le côté humoristique du tien.

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    • merci 🙂 j’ai voulu faire un texte plus léger que la semaine dernière

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  6. Leil : tu sais combien je partage ta peine…ton texte est fort émouvant. Bises de réconfort.

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    • Merci Dolly de m’avoir lue et d’avoir commenté. Je t’embrasse moi aussi.

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  7. @Leiloona : oh mon dieu, ton texte me prends tellement aux tripes. C’est très triste, je ne sais pas quoi ajouter d’autres, c’est émouvant. On ressent toute ta tristesse et le désespoir qu’une disparition occasionne.

    @Ghislain : Ahah, j’aime bien ce côté « mémoires d’une statue », c’est frais, agréable à lire, humoristique. Tout ce que l’on aime le lundi matin 🙂

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    • Merci beaucoup 🙂 le visage de la statue n’évoquait pas du tout quelque chose de drôle ou d’humoristique mais j’avais décidé d’écrire un texte amusant à lire, donc les « mémoires d’une statues » sont venues naturellement 😉

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  8. Particulier, oui, très touchant, Leiloona.
    La dernière phrase est belle, atrocement belle.
    Toutes mes condoléances à ses proches.
    Bises, Leiloona.

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    • Oui, je ne pouvais faire autrement, Olivia … tu dois connaître ça toi aussi. 🙂

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  9. Pour info, le lien « Les tribulations d’une lectrice » ne marche pas. Enfin, j’ai trouvé le texte quand même en passant par l’accueil de son blog …

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  10. L’expression muette de tant de souffrances, c’est ce qui définit la réussite d’une oeuvre et que ce soit dans les traits de la statue ou dans tes mots cela est remarquablement dit.
    Tous mes bisous.

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  11. Lady Marianne, tu as choisi un angle d’attaque original, j’aime bien. Impossible de laisser un commentaire sur ton blog, j’ignore pourquoi.

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  12. Leil j’adhère à chacun de tes mots, je les ressens au plus profond de moi, comme je ressens cette absence si soudaine et si tragique.

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    • Je te remercie, Sabine, pour ton commentaire qui me touche, ô combien … Merci. Je t’embrasse.

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  13. Ghislain, sympathique ce point de vue statufié.

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    • merci 🙂

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  14. Leiloona, on texte fait écho à celui se Stephie, c’est un bel hommage que vous rendez à votre amie.
    Ghislain : je n’ai pas trouvé l’inspiration la semaine dernière avec cette photo et l’idée du vol de la statue m’a traversé l’esprit ce matin. Je pense que j’aurais adopté le point de vue du voleur. Nos textes auraient été complémentaires 🙂 !

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    • C’est vrai, ça aurait été très drôle ! 😀
      Dommage… 🙂

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    • Merci, Saxaoul. Nous ne nous sommes pas concertées, pourtant … mais je n’arrivais pas à écrire autre chose …

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  15. Très beau texte, sensible, à ton image… je t’embrasse.

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  16. J’ai vu que sniff sniff ma participation ne faisait pas partie de la liste.
    Je commenterai quand même. J’ai trouvé ce texte très dur au début une espèce d’ère glaciaire puis cela se réchauffe vers la fin. J’aime bien en fait la note d’espoir.

    Ghislain, j’ai trouvé cette aventure charmante.

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    • Merci 🙂

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    • Je l’ai ajouté tardivement, tu connais les raisons, je l’ai écrit sur ton blog, je crois ! 😉 Bises.

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    • Merci de cette participation ! J’ai ajouté le lien très tardivement, je suis désolée, vous n’avez pas dû avoir beaucoup de visites et de commentaires. :/ C’était une semaine particulière …

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  17. @Leiloona: L’ère glaciaire et ce froid qui brûle. Oui, un corps trop à porter seul. Je comprends.

    @Ghislain: Brillante idée, bien développée.

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  18. tu n’as pas encore mis mon lien …
    Myrtille

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    • Je suis à l’hôpital, donc je ne peux pas le faire.

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  19. Still sometimes I get a strange pain inside

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  20. Ghislain: point de vue original et le ton un peu décalé de la statue qui nous prend un peu de haut! Bien joué!

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    • Merci 🙂

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  21. @ Ghislain : Effectivement un texte moins grave que les autres, mais j’aime bien le ton décalé, oui ! 😀

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  22. Enfin, je trouve le temps de venir lire vos textes 🙂
    Leil, ton texte hommage est très touchant.
    Ghislain, chouettes mémoires d’une statue 🙂

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